Une semaine après le dépôt par Google d’un mémoire de défense auprès de la Cour suprême des États-Unis, avertissant que la modification de l’article 230 du Communications Decency Act (CDA) « bouleverserait le web », plusieurs entreprises, dont Twitter, Meta et Microsoft, ont déposé leurs propres avis juridiques. Ils soutiennent l'argument de Google selon lequel une restriction de la loi pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les éditeurs. En vertu de la loi CDA de 1996, les entreprises sont protégées contre toute responsabilité sur le contenu publié par leurs utilisateurs, y compris les commentaires, les critiques et les publicités.
Cependant, il a été demandé à la Cour suprême d'examiner si l’article 230 était toujours pertinent et approprié, étant donné qu'il a été promulgué avant que l'Internet ne devienne une composante de la vie quotidienne. La loi a fait l'objet d'un examen minutieux après le procès intenté par la famille de Nohemi Gonzalez, une citoyenne américaine de 23 ans tuée à Paris lors des attentats du 13 novembre 2015 revendiqués par l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS). La famille Gonzalez fait valoir que les algorithmes devraient être considérés comme du contenu éditorial non couvert par l’immunité de responsabilité octroyée par l’article 230, et donc YouTube, propriété de Google, a violé la loi antiterroriste (Anti-Terrorism Act, ATA) quand ses algorithmes ont recommandé aux utilisateurs du contenu lié à ISIS. La Cour suprême doit entendre la plaidoirie orale de l’affaire le 21 février.
Des critiques sur les protections de l’article 230 pour les sites Web
Des parlementaires républicains et démocrates ont critiqué les protections prévues par la loi. Les républicains estiment que celles en matière de responsabilité accordent aux sites web de prendre des décisions partiales en matière de suppression de contenu, tandis que les démocrates souhaitent que ces mêmes sites assument davantage de responsabilités en matière de modération. Dans une déclaration, le président américain Joe Biden a fait savoir que son administration soutiendrait la position selon laquelle les protections de l’article 230 ne devraient pas s'étendre aux algorithmes de recommandation. Dans sa requête du 19 janvier, Microsoft a fait valoir que si la Cour suprême apportait des modifications à l’article 230, elle « priverait ces décisions de publication numérique d'une protection essentielle et de longue date contre les poursuites judiciaires, et ce, de manière illogique, en contradiction avec le fonctionnement réel des algorithmes ».
La firme a ajouté que toute décision visant à restreindre la loi « exposerait ainsi les services informatiques interactifs à la responsabilité de la publication de contenu pour les utilisateurs chaque fois qu'un plaignant pourrait élaborer une théorie selon laquelle le partage du contenu est en quelque sorte nuisible ». Dans son propre mémoire, Meta a déclaré que l'argument des requérants est « profondément erroné d'un point de vue juridique », car en interprétant l’article 230 comme un moyen de protéger les sites de la responsabilité du contenu publié par les utilisateurs, tout en supprimant la protection pour la recommandation de contenu, il « ignore la façon dont fonctionne réellement l'Internet ». L’entreprise a poursuivi en qualifiant la position des plaignants comme « malencontreuse d'un point de vue pratique » et en déclarant qu'une décision en leur faveur inciterait finalement « les services en ligne à supprimer les contenus importants, provocateurs et controversés sur des questions d'intérêt général ».
La protection de la responsabilité, nécessaire au fonctionnement des sites web, selon Twitter
Twitter a déclaré que l'interprétation actuelle de l’article 230 « garantit que des sites web comme Twitter et YouTube peuvent fonctionner malgré les quantités insondables d'informations qu'ils mettent à disposition et la responsabilité potentielle qui pourrait en résulter ». Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, le site a fait l'objet de critiques pour avoir autorisé des utilisateurs précédemment bannis à revenir sur la plateforme, notamment l'ancien président Donald Trump ou Andrew Tate, qui fait actuellement l'objet d'une enquête en Roumanie pour des allégations de viol et de trafic d'êtres humains.
Cependant, il faudra attendre l’examen de plusieurs autres affaires très médiatisées avant que la loi ne soit modifiée. La semaine dernière, la Cour suprême devait discuter de sa compétence dans deux affaires qui contestent les lois du Texas et de la Floride interdisant aux plateformes en ligne de retirer certains contenus politiques. De plus, une affaire Twitter vs. Taamneh, qui présente beaucoup de similitudes avec l'affaire Gonzalez vs. Google, doit faire l'objet de plaidoiries le 2 février. Dans cette affaire, Twitter, Facebook et YouTube sont accusés d'avoir aidé et encouragé un autre attentat revendiqué par Daech.
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