« Même si les États-Unis restent leader mondial en terme de ressources consacrées à la recherche et au développement dans les domaines de la science et de la technologie, cet avantage est en perte de vitesse, » affirme le NSB, un organisme chargé de définir la politique scientifique de la National Science Foundation (NSF). En particulier, 10 pays d'Asie - la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Corée du Sud, Taiwan et la Thaïlande - gagnent du terrain sur les États-Unis et menacent son rôle de leadership dans la science et la technologie.

Selon le dernier rapport du NSB intitulé « Science and Engineering Indicators 2012 » (Indicateurs 2012 de la Science et de la Technologie), la part des dépenses consacrées par les Américains à la R&D au niveau mondial a chuté de 38 à 31% entre 1999 et 2009. Durant cette même période, celle des pays asiatiques a progressé, passant de 24 à 35%. Cette montée rapide de l'Asie a été largement tirée par la Chine, où le niveau de croissance des ressources consacrées à la recherche et au développement a atteint 28% de la part mondiale en 2008-2009, soit à la deuxième place derrière les États-Unis. L'Europe quant à elle se maintient et progresse même un peu grâce aux efforts des Allemands et des Français mais la bataille de l'innovation se joue clairement entre l'Amérique du Nord et l'Asie (voir illustration ci-dessous).


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« Ces éléments montrent clairement que nous devons revoir notre point de vue quant à la domination mondiale de la science et de la technologie américaine», a déclaré Subra Suresh, directeur de la NSF, dans un communiqué. « Nous devons sérieusement considérer de nouvelles stratégies dans les domaines de l'éducation, de la formation et de l'innovation si nous voulons que les États-Unis conservent leur position de leader international. »

Le pays a lancé un certain nombre d'initiatives pour rester compétitif dans la science et l'ingénierie mondiale. Pa exemple, en septembre  2009, l'Office of Science and Technology Policy publiait un Livre blanc intitulé « Strategy for American Innovation: Driving towards Sustainable Growth and Quality Jobs » (Stratégie de l'innovation aux États-Unis : vers une croissance durable et une qualité de l'emploi) traçant les grandes lignes des principales politiques en faveur de la science, de la technologie et de l'innovation. Plus récemment, le programme national « 2011 Advanced Manufacturing Partnership » (Partenariat pour une industrie manufacturière évoluée) destiné à promouvoir les partenariats industriels et évoqué par le président Obama en juin 2011, vise à améliorer la compétitivité et l'innovation industrielle des États-Unis. « Mais d'autres pays sont tout aussi motivés pour développer leurs infrastructures scientifiques et technologiques, développer leurs filières d'enseignement supérieur et stimuler leurs capacités de recherche locales, » indique le rapport du NSB.

Dans le rapport « Indicateurs 2012 de la Science et de la Technologie » du NSB on peut lire notamment :

* Les entreprises multinationales américaines font appel à davantage de compétences en R&D à l'étranger. Un indicateur est le pourcentage de multinationales américaines dont « la plus grande partie des dépenses en R&D est réalisée par leurs filiales à l'étranger : au cours de la dernière décennie, ce pourcentage a augmenté de 13 à 16%. En outre, le nombre de chercheurs étrangers employés par des multinationales américaines a presque doublé, passant de 138 000 personnes en 2004 à 267 000 en 2009. Durant cette même période, le nombre de personnes employées par les multinationales pour leur R&D aux États-Unis a augmenté plus modestement, passant de 716 000 à 739 000.

* Les dépenses globales en R&D ont grimpé de 522 milliards de dollars en 1996 (montant estimé) à environ 1.300 milliards de dollars en 2009. Même si, en pourcentage, le niveau des dépenses consacré par les États-Unis à la R&D au niveau mondial a baissé, ce budget reste de loin le plus important, puisque les Américains ont consacré 400 milliards de dollars à la recherche et au développement en 2009.

* Les États-Unis représentent seulement 4% des diplômes d'ingénieur décernés dans le monde, contre 34% pour la Chine, 5% pour le Japon, et 17% pour l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Corée du Sud, Taïwan, la Thaïlande pris collectivement. « La faible proportion des diplômes d'ingénieur délivrés au États-Unis ces dernières années est frappante. Plus de la moitié des diplômes d'ingénieur délivrés au niveau mondial, le sont en Asie, » indique le rapport du NSB. Dans les universités chinoises, le nombre de doctorants en sciences naturelles et en ingénierie a plus que triplé depuis 2000, atteignant le nombre d'environ 26 000 doctorants en 2008, soit au-delà du nombre de diplômes de même niveau, délivrés aux États-Unis en sciences naturelles et en ingénierie.

 

* D'après le nombre d'articles de recherche scientifique et technique publiés dans une série de revues internationales, le NSB conclut que les chercheurs de l'UE et des États-Unis sont en train de perdre leur suprématie dans la production d'articles scientifiques dans le monde. La part des articles publiés par la communauté scientifique occidentale est passée de 69% en 1995 à 58% en 2009, alors que la part asiatique a augmenté, passant de 14% à 24%.

 

* La recherche collaborative devient la norme. Comptabilisant le nombre d'articles de recherche publiés avec des co-auteurs, le NSB a constaté que les collaborations dépassant les frontières nationales sont en augmentation. En 2009, 23% des articles scientifiques et d'ingénierie publiés dans le monde étaient écrits par plusieurs auteurs, contre seulement 8% en 1988. La tendance est encore plus prononcée dans les pays où la science et la technologie sont des enjeux majeurs : en 2009, 27% à 42% des articles étaient écrits par des co-auteurs de nationalité différente.

 

* Après le pic de 2000, le nombre d'emplois manufacturiers dans le secteur des hautes technologies aux États-Unis a diminué de 28%, le secteur perdant au total 687 000 emplois.

 

«Au cours de la dernière décennie, le monde a radicalement changé, » a déclaré José-Marie Griffiths, présidente du comité du NSB, qui a supervisé la réalisation de la version 2012 du rapport sur les indicateurs. « Les acteurs du monde actuel sont très différents. La promotion de la science et de la technologie est devenue la priorité absolue. Et un bon nombre des tendances que nous avons observé sont désormais très bien établies. »

 

Pour sa part, la National Science Foundation a lancé un certain nombre d'initiatives destinées à mieux positionner les États-Unis au niveau mondial grâce à une meilleure éducation et des collaborations internationales. La NSF a mis en place une nouvelle initiative dénommée « Science Across Virtual Institutes » (SAVI) qui a pour objectif de renforcer la « recherche translationelle » et les collaborations interdisciplinaires et internationales entre scientifiques, ingénieurs et enseignants. Elle a aussi annoncé la création d'une nouvelle initiative public-privé, dénommée « Innovation Corps » dont l'objectif est de faciliter l'éclosion de nouveaux produits ou services basés sur des technologies issues de la recherche publique (donc des laboratoires universitaires et fédéraux), ceci afin de « redynamiser l'écosystème d'innovation, en construisant des liens générateurs d'opportunités pour les chercheurs et les ingénieurs, » comme l'a précisé le directeur de la NSF.

«Le soutien, par la National Science Foundation, de la recherche fondamentale, laquel suscite la curiosité intellectuelle dans chaque branche de la science et de l'ingénierie, et déclenche la passion nécessaire pour comprendre les rouages de la nature, est plus précieuse que jamais, » a déclaré Subra Suresh.