Un apaisement entre la Chine et les Etats-Unis ne semble pas à l'ordre du jour. Les relations entre les deux pays sont à l’image des montagnes russes, un enchaînement de bons et mauvais moments. Dernièrement, l’administration Biden a porté un coup supplémentaire aux entreprises technologiques chinoises en inscrivant de nouvelles sur sa liste noire. Le Trésor américain rend ainsi impossible la participation d’investisseurs américains dans les entreprises placées sur cette sur cette fameuse liste.

L’une d’entre elles, SenseTime, a été accusée d'avoir permis aux autorités de Pékin d'utiliser sa technologie de reconnaissance faciale pour opprimer les minorités ethniques musulmanes de la région du nord-ouest du Xinjiang. Cette dernière propose en effet plusieurs solutions basées sur l’intelligence artificielle et dont les usages sont très controversés. Son outil de reconnaissance faciale avait été dénoncé en 2019 par le New York Times lors d’une enquête. Il proposait des options de reconnaissance ethnique aux forces de police (distinguer notamment les populations Ouïghours des Hans) avec lesquelles l’entreprise collaborait localement. En réaction, le département américain avait alors placé SenseTime sur une autre liste noire privant l’entreprise de composants et logiciels américains. Aujourd’hui, l’histoire se répète.

Une IPO chamboulée

SenseTime devait initialement lancer son introduction en bourse début décembre mais les dernières annonces américaines ont retardé l’événement. La firme chinoise a donc fait son IPO le 23 décembre, non sans mal puisque, privée d’investisseurs américains, celle-ci a revu à la baisse ses exigences. Elle a donc finalisé son IPO  en levan seulement 700 millions de dollars contre 2 milliards de dollars initialement prévus avec une valorisation proche des 5 964 milliards de HKD (soit 764,72 milliards de dollars). A noter toutefois que HSBC Corporate Finance (Hong Kong) copilote l'opération, et les entreprises américaines Silver Lake et Qualcomm font partie des investisseurs, selon le document de l'offre publique initiale. Dans son dossier d’introduction en bourse, SenseTime a précisé qu’il s’agissait de sa filiale de Pékin inscrite sur liste noire, et a déclaré que les restrictions « ne s'appliquent pas aux autres entités du groupe qui sont juridiquement distinctes » de cette unité.

Dans son dossier, SenseTime précise détenir une part de marché de 11% sur le marché chinois des logiciels de vision par ordinateur, selon une étude de Frost & Sullivan. Le gouvernement chinois, friand de technologies basées sur l’IA, devrait donc soutenir l’entreprise estiment les analystes. En revanche, sa rentabilité reste à définir. Une majorité de ses revenus est très concentrée ; ses cinq plus gros clients représentant près de 60% de ses ventes au cours des six premiers mois de l'année indique notre confrère de Silicon Angle. 100% de ses revenus sont destinés à la recherche et au développement, ainsi qu’à la construction de datacenters, un choix quelque peu singulier.

Une technologie au service du régime chinois

La firme est connue pour ses liens étroits avec le gouvernement chinois et sa technologie d’IA serait utilisée à des fins de surveillance des Ouïghours, au Xinjiang, une région du nord-ouest de la Chine. Les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique de cette région. Plusieurs documents et témoignages accusent les autorités chinoises de persécuter cette population. Des associations, ONG, politiques mais aussi plusieurs Etats ont à différentes reprises dénoncé ce traitement allant à l’encontre des droits de l’Homme. Dernier exemple en date, la décision de Joe Biden pour lutter contre l'importation de produits issus de régions où les Ouïghours sont persécutés. Le Uyghur Forced Labor Prevention Act, signé le 23 décembre 2021 par le président américain, prévoit en effet d'interdire à toute société américaine d'importer des produits en provenance de la région du Xinjiang en Chine.

Dans le même temps, plusieurs marques – H&M, Nike, Adidas, ou encore Uniqlo – ont annoncé ces dernières années, boycotter le coton issu de cette région, prétextant qu’il serait lié au travail forcé des populations Ouïghours. La région représente près d'un cinquième de la production mondiale et fournit de nombreux géants du textile. Le régime chinois n’a pas manqué de démentir toute allégation à ce sujet, sans jamais réussir à convaincre.