Créée en 2011, Severalnines est née de l’expérience de Vinay Joosery, vétéran de l’open source passé par IBM, Swedbank, Ericsson, MySQL et Pentaho, et de son cofondateur et CTO Johan Andersson, lui aussi issu de l’écosystème MySQL. L’entreprise, basée en Suède et totalement distribuée, emploie un peu moins de 40 personnes et revendique plus de 200 clients grands comptes dans la finance, les télécoms, les médias ou la santé. Entièrement détenue par ses salariés, elle n’a ni investisseurs extérieurs ni dettes, ce qui lui garantit, selon son CEO, « une feuille de route dont nous gardons le contrôle total ».
Du DBaaS classique au Sovereign DBaaS
Severalnines a longtemps été positionnée sur l’automatisation des bases de données avant de rebaptiser son offre en « Sovereign DBaaS » il y a deux ans. La société décrit l’évolution du marché en trois actes : d’abord les DBaaS propriétaires des hyperscalers, puis les services gérés par les éditeurs de bases de données, enfin des plateformes intelligentes permettant aux entreprises de « construire leur propre DBaaS open source » sur l’infrastructure de leur choix. « Les organisations veulent l’automatisation du cloud, mais sans abandonner le contrôle de leurs données ni s’enfermer dans un fournisseur unique », nous a résumé Vinay Joosery lors d'un récent IT Press Tour pour justifier cette troisième voie.
Au cœur de l’offre, la solution ClusterControl fournit une console unique pour déployer, exploiter et superviser des centaines voire des milliers d’instances MySQL, MariaDB, PostgreSQL, MongoDB, Redis, SQL Server, Elasticsearch ou TimescaleDB. La plateforme prend en charge des environnements on premise (VMware, Nutanix et OpenStack), des clouds publics (AWS, Azure et Google Cloud) ainsi que des clouds nationaux utilisant OpenStack, avec la capacité de gérer des architectures hybrides et multicloud. Full stack, elle couvre le cycle de vie complet des bases : provisioning, mises à l’échelle, haute disponibilité, bascule automatique, sauvegardes incrémentales, restauration à un instant donné, vérification automatique des backups, chiffrement, supervision, alerting, reporting et optimisation de performance, de plus en plus assistée par l’IA.
Une alternative aux DBaaS verrouillées des hyperscalers
Severalnines a identifié trois actes dans l'évolution du marché DBaaS. Le premier a vu les hyperscalers (AWS, Azure et Google Cloud) lancer leurs services de bases de données managées, offrant rapidité de déploiement mais enfermant les clients dans leurs écosystèmes propriétaires avec des coûts élevés à grande échelle. Le second a été marqué par la riposte des éditeurs de bases de données qui ont lancé leurs propres services multicloud (MongoDB Atlas ou Redis Cloud), réduisant partiellement le verrouillage mais maintenant une dépendance technologique forte. Le dernier, que Severalnines incarne, permet aux entreprises de déployer leurs propres DBaaS open source avec une liberté totale d'environnement, un contrôle de l'infrastructure et une stabilité des licences.
Sur le plan concurrentiel, Severalnines se retrouve face aux hyperscalers – « nos concurrents numéro un, parce que les entreprises sont paresseuses et se contentent souvent de ce que propose le cloud » – mais aussi à quelques acteurs spécialisés comme Aiven ou des offres DBaaS limitées à Kubernetes. Selon les données présentées par l'entreprise, 89% des organisations utilisent déjà plusieurs clouds publics, et 73% fonctionnent en mode hybride combinant cloud et infrastructure on-premise. Un cas d'usage emblématique est celui d'ABSA (ex-Barclays Africa Group), qui gère 3 500 instances de bases de données à travers plusieurs pays africains via ClusterControl, en combinant AWS, Azure, VMware et Nutanix selon les contraintes réglementaires de chaque juridiction. Parmi les autres clients de Severalnines figurent IBM, Visa, BBC, Kaiser Permanente, NHS, Vodafone ou encore Charter Communications. La start-up se distingue en couvrant à la fois VM et Kubernetes, en supportant un large spectre de bases et en offrant une vraie indépendance par rapport à d'autres fournisseurs, ce qui séduit notamment les secteurs régulés et les acteurs soucieux de souveraineté.
Modèle économique
Le go-to-market passe à la fois par la vente directe aux grandes entreprises et par des accords de marque blanche avec des fournisseurs de cloud européens, notamment ceux impliqués dans l’initiative EuroStack, qui intègrent le DBaaS Severalnines comme brique de service au-dessus d’OpenStack. Avec ces partenaires, la start-up partage les revenus et construit des plans tarifaires communs, ce qui en fait une option crédible pour les MSP et opérateurs de cloud souhaitant proposer rapidement un service de base de données managé sans développer leur propre pile logicielle.
Pour les entreprises utilisatrices, la tarification est basée sur le nombre d’instances de bases de données, autour de 250 euros HT par nœud et par mois en prix public, avec des rabais importants au-delà de plusieurs dizaines ou centaines de licences. L’objectif est de faire économiser plus de 50% par rapport au coût équivalent d’un DBaaS hyperscaler, tout en apportant des fonctionnalités avancées comme les modèles de déploiement (petit, moyen, grand), la gestion fine des politiques de rétention ou la réplication multi‑environnements.
Feuille de route : Kubernetes, sécurité et IA
La roadmap de Severalnines se concentre sur trois axes majeurs de développement. En matière de sécurité, l'entreprise renforce les fonctionnalités BYOK (Bring Your Own Key) permettant aux clients de chiffrer leurs données avec leurs propres clés de chiffrement, même lorsque les bases sont hébergées chez les hyperscalers. Le support de Kubernetes, plateforme d'orchestration de conteneurs de plus en plus adoptée par les entreprises, fait également l'objet d'investissements importants.
L'intelligence artificielle constitue le troisième pilier stratégique. Severalnines développe des fonctionnalités d'optimisation automatique des performances par IA, ciblant particulièrement les équipes DevOps et les administrateurs systèmes qui gèrent des bases de données sans être des experts DBA. Cette orientation répond à une réalité du marché : le nombre d'instances de bases de données explose, mais pas le nombre d'administrateurs spécialisés. Enfin, l'entreprise constate une forte demande pour les migrations, notamment de DB2 et Oracle vers PostgreSQL, avec des outils de réplication et de disaster recovery dans le cloud pour compléter les déploiements on-premise.

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