Très courtisés, les profils de développeurs maîtrisant les technologies les plus avancées n’ont que l’embarras du choix pour proposer leurs compétences. « Ils ont 3, 5 ou 10 offres d’emploi devant eux », a exposé hier à Paris Laurent Bride, directeur technique de Talend, qui recrute en ce moment pour son centre de recherche et développement ouvert à Nantes, en Loire-Atlantique. « Pour arriver à attirer ces développeurs autour desquels il y a vraiment une compétition sur le marché, il faut créer une culture d’innovation et de création au niveau de la R&D. C’est l’une des clés. Et sur le marché français, Talend est reconnu pour cela », constate le CTO. « Cela vous permet d’attirer des gens vraiment très compétents ».  

Cette implantation nantaise constitue le deuxième centre de R&D français de l’éditeur spécialisé dans l’intégration de données, avec des solutions cloud, dans l'intégration applicative et les projets big data, notamment autour des technologies Spark. Elle sera dirigée par Pascal Babin, directeur de l'ingénierie de Talend. Le premier centre de développement se trouve à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, et réunit déjà entre 40 et 50 développeurs. Si des critères tels que le crédit impôt recherche (CIR) ont compté dans la décision de Talend d’étendre sa R&D en France, Laurent Bride insiste aussi sur les compétences nationales en mathématiques. « Les ingénieurs français ont vraiment une réputation mondiale lorsqu’il s’agit de mathématiques et d’algorithmie qui sont deux bases essentielles de l’informatique moderne. Aujourd’hui, lorsque vous regardez tout ce qui touche à la donnée elle-même, le big data, les solutions analytiques et tout ce qui est en train de se faire autour du machine learning et de l’intelligence artificielle, il s'agit vraiment de mathématiques. C’est le cœur de métier. » Or, dans ce domaine, Nantes dispose d’un réel vivier d’étudiants, rappelle le CTO qui cite l’Epitech, « l’une des écoles informatiques les plus réputées dans l’Hexagone et au-delà de nos frontières », mais aussi l’école des Mines de Nantes, Centrale, Polytech. « Il y a plusieurs milliers d’étudiants qui sont potentiellement intéressés à rejoindre la société ». Partant de là, il faut aussi trouver le bon équilibre entre les développeurs qui ont déjà de l’expérience et les plus jeunes. Pour le faire, Talend compte amener en Loire-Atlantique quelques personnes clés de son équipe de Suresnes, « pour créer ce liant entre les jeunes qui vont à 100 à l’heure et qu’il faut parfois un peu canaliser, mais qui vont amener ce degré de créativité dont on a besoin ».

Big data, machine learning et expérience utilisateur

A Nantes, l’équipe de R&D va se concentrer sur deux grandes thématiques : d’une part les big data et l’apprentissage machine « ce qui représente vraiment le cœur de notre offre », d’autre part, les interfaces utilisateurs exploitant de nouvelles générations de technologies. « Parmi les sujets extrêmement importants, on va rechercher comment on peut trouver d’autres personas, c’est-à-dire d’autres types d’utilisateurs, et voir comment on peut faire passer une offre de type IT vers une offre qui intéressera aussi des utilisateurs métiers qui attendent autre chose du logiciel et, surtout, d’autres types d’interfaces offrant une expérience très proche de ce qu’ils peuvent connaître avec des outils comme Excel, etc. ». (mise à jour) Parmi les compétences recherchées par l'éditeur français figurent par exemple, pour les développeurs Frontend, la maîtrise des technologies JavaScript, Angular JS, SASS, HTML5 et Gulp. Sur la partie big data, il faudra bien sûr maîtriser Hadoop et MapReduce, mais aussi Spark et Java/Scala. Trois autres profils sont décrits par Talend. Sur l'assurance qualité (QA), c'est la connaissance de Cucumber, JBehave et Selenium qui est demandée et, du côté des ingénieurs DevOps, Python, Ruby, AWS et Puppet. Enfin, pour les contributeurs Apache, le centre de R&D s'intéresse aux candidats versés sur CXF, Kafka, Avro et, là encore, Spark.

Pour l’année, le plan budgétaire de Talend prévoit le recrutement de vingt personnes à Nantes. Dix d’entre elles sont déjà embauchées. « C’est assez hallucinant d’arriver à faire cela aussi vite », estime Laurent Bride qui précise qu’à l’horizon 2018, la société pense rassembler une centaine de personnes sur le centre de Nantes. En prenant en considération les effectifs R&D actuels de l’éditeur qui réunissent à peu près 200 personnes, cela signifie qu’en 2018, un tiers de sa force de développement sera concentrée à Nantes. « Ce sera vraiment le centre d’investissement majeur au niveau de la R&D pour Talend », confirme le CTO. En dehors de ses deux centres français, la société compte aussi des développeurs à Bonn, en Allemagne, venant du rachat de Sopera, et en Chine où elle s’est installée à un moment donné pour des raisons de coût, explique le directeur technique.

Les compétences techniques pas assez valorisées en France

En France, les équipes de Talend comportent aussi des développeurs étrangers, la pénurie constatée sur les compétences recherchées nécessitant d’élargir le périmètre de recrutement. « Dans le monde informatique, on aime assez ce melting pot avec des gens qui viennent de tous les horizons. Dans le monde de l’open source dans lequel évolue Talend, on retrouve autour des projets des développeurs qui viennent de partout », rappelle Laurent Bride. Il regrette néanmoins « le manque de vocation que l’on peut avoir en France sur des sujets techniques » alors qu’aux Etats-Unis, ces compétences sont plutôt valorisées. Outre-Atlantique, « vous pouvez avoir des contributeurs individuels qui sont très forts techniquement et qui sont très bien payés, parfois mieux que des personnes ayant des responsabilités managériales et administratives importantes. En France, c’est moins dans la culture ». En dépit de ce manque de talents à très forte valeur ajoutée, on en trouve tout de même « et justement en se rapprochant de centres comme Nantes », souligne Laurent Bride. « Là, nous sommes vraiment sur l’écosystème local et donc, sur des ingénieurs français ».

Talend a été créé en 2006 par Bertrand Diard et Fabrice Bonan. Dès sa fondation, la société s’est implantée aux Etats-Unis et son siège social est installé à Redwood City en Californie. Au cours de ses différents tours de table, elle est parvenue à lever 100 M$. Elle a aujourd’hui dépassé les 500 collaborateurs. Cette société privée ne communique pas son chiffre d’affaires.