Le décret n° 2021-313 du 24 mars 2021 a rendu obligatoire le recours à un téléservice pour le dépôt des demandes de titres de séjour avec une mise en application progressive préfecture par préfecture cadrée par deux arrêtés. Ce décret et les arrêtés associés ont été attaqués devant le Conseil d'Etat dans le cadre de trois procédures en excès de pouvoir (procédures 452798, 452806 et 454716). Le Conseil national des barreaux est à l'origine de deux procédures, un collectif d'associations (Cimade, Ligue des droits de l'homme, Groupe d'information et de soutien aux immigrés, Secours Catholique Caritas France, Syndicat des avocats de France et UNEF) de la troisième. L'obligation de recours à des téléprocédures a été plusieurs fois dénoncée par Jacques Toubon, alors Défenseur des droits. Le fondement de toutes ces actions et dénonciations reste le même : les difficultés d'usage des procédures en ligne par certains publics du fait de leur illectronisme, de leur non-maîtrise des procédures en ligne ou de l'absence de moyens matériels pour se connecter, difficultés empêchant aux personnes concernées de bénéficier de leurs droits légitimes. Le Conseil d'État vient, à la suite des trois procédures contre le décret du 24 mars 2021, de valider le principe de l'obligation mais en l'assortissant de conditions.

Le public concerné par le décret du 24 mars 2021, des étrangers ne maîtrisant pas nécessairement la langue française et pouvant rencontrer de graves difficultés à se connecter à une téléprocédure, rend la décision particulièrement intéressante. Suite à la séance du 20 mai 2022, la décision du Conseil d'État a été rendue le 3 juin 2022. La première condition, purement juridique, est l'existence du décret rendant la téléprocédure obligatoire. Les préfectures qui avaient voulu prendre un peu d'avance en imposant, avant la publication du décret, une telle téléprocédure se voient donc retoquées.

Le Conseil d'État estime cependant que le décret n'est pas illicite. En particulier, ni l'existence d'un traitement de données personnelles où l'inscription est de fait obligatoire ni l'obligation elle-même ne sont jugées illégales. Cependant, le Conseil d'État rappelle que les publics en difficultés doivent pouvoir recevoir une assistance pour utiliser la téléprocédure. Si cette assistance s'avérait insuffisante, une procédure alternative, physique, doit pouvoir recourir çà la procédure en utilisant les formulaires papier.