Depuis toujours, Google répète qu'il ne fournira pas d'application de reconnaissance faciale pour les Google Glass. Qu'à cela ne tienne : un développeur nommé Stephen Balaban a annoncé qu'il proposerait sa propre application FaceRec pour les lunettes de Google. Mais, il lui reste encore plusieurs obstacles à surmonter avant que son application ne puisse fonctionner : tout d'abord, les lunettes elles-mêmes devront être placées en mode « root» pour charger l'application. Et même si ce handicap est résolu, l'utilisateur devra créer lui-même sa propre base de données d'images, ou écrire un script personnalisé permettant à l'application de rechercher une image dans la bibliothèque de Facebook. Mais, un tel script ne respecterait pas les conditions d'utilisation de Facebook. Stephen Balaban aurait également développé un « Lambda Hat » pour dépasser une autre limitation technique liée à la reconnaissance faciale avec les Google Glass. L'usage de FaceRec fait chuter l'autonomie des lunettes de Google à quelques heures. Le « Lambda Hat » apporte une source d'énergie supplémentaire pour étendre cette autonomie. Lambda Labs, la start-up créée par le développeur, a déclaré à Forbes que l'application serait dévoilée lors du 30e Chaos Communications Congress (30C3) qui se tiendra du 27 au 30 décembre à Hambourg. Cette conférence consacrée au piratage est organisée tous les ans par la plus grande association de hackers européens, le Chaos Computer Club. Cette année encore les hackers vont pouvoir participer à des concours de craquages divers. Des sessions seront aussi consacrées au « piratage alimentaire ».

La reconnaissance des visages va poser un gros problème

De façon générale, sur la question de la vie privée, les Google Glass sont soit considérées comme des caméras de surveillance capables de tout voir tout le temps, soit comme un outil d'identification des personnes et des lieux avec la possibilité de les enrichir avec des informations contextuelles supplémentaires (ce que tentent de faire la plupart des logiciels de CRM dans le domaine des communications électroniques). Stephen Balaban se situe clairement dans ce dernier camp. Jusqu'à présent, l'application FaceRec se contente de prendre des clichés toutes les 10 secondes environ, organise les images par lieu et les regroupe aussi en fonction du nombre de visages présents sur le cliché. L'application fait donc plus ou moins du « lifestreaming », dans le genre de MyLifeBits de Microsoft. Ce concept, mis en oeuvre depuis quelques années, consiste à repérer où se trouve l'utilisateur, voir à quel moment il se déplace, et éventuellement avec qui il communique.

Mais les Google Glass peuvent faire bien plus que cela, et en particulier superposer toutes sortes d'informations par-dessus l'image de l'objet observé, au point de susciter quelques inquiétudes. Au mois de juin dernier, une trentaine de commissaires à la protection de la vie privée ont envoyé à Google une lettre à ce sujet pour faire part de leurs préoccupations. Dans un autre genre, un bar de Seattle a interdit à ses clients de porter les lunettes de Google, même si les utilisateurs affirment respecter la vie privée de ceux qu'ils croisent.

Quelles limites imposées à la technologie ? 

Sur le plan de la productivité, une application de reconnaissance faciale pourrait bénéficier de sérieux arguments, peu importe qu'elle soit développée par Google, Microsoft, ou Facebook. Mais à condition d'y mettre des restrictions de confidentialité appropriées. Facebook a fait marche-arrière et revu sa politique trop laxiste en matière de vie privée en laissant aux utilisateurs la possibilité de limiter les messages et choisir s'ils veulent ou non être identifiés ou marqués dans les photos de leurs « amis ». Si Facebook ou Google proposaient un système de reconnaissance faciale permettant, par défaut, de ne pas être reconnu, il est possible que celui-ci reçoive un accueil plus chaleureux. Ce serait encore mieux si l'utilisateur disposait de contrôles pour activer et désactiver la reconnaissance faciale, par exemple, quand il se trouve devant un groupe de personnes ou dans une conférence.

Le vrai problème de la reconnaissance faciale, c'est que ses limites ne sont pas claires. Mettre la technologie dans les mains d'une multinationale dont l'activité est basée sur l'exploitation et la vente de données personnelles n'est pas très rassurant. Mais voir cette technologie tomber dans les mains de quelques pirates est aussi préoccupant. Sans parler du fait que retrouver un ami perdu de vue depuis longtemps est une chose. Mais être identifié dans un groupe et avoir son nom, son activité professionnelle et plus encore dévoilés au regard des utilisateurs des Glass en est une autre.

Pour l'instant, il semble que la reconnaissance faciale dont parle Stephen Balaban n'a pas de quoi inquiéter même les plus actifs défenseurs de la vie privée. Le défi du développeur sera, s'il l'accepte, de développer la technologie pour qu'elle soit à la fois utile et, espérons-le, respectueuse de la vie privée.