En septembre 2011, quand Windows 8 a été présenté pour la première fois aux développeurs, Microsoft avait clairement insisté sur le fait qu'une part des fonctionnalités les plus indispensables du système d'exploitation se trouvait dans le cloud - et en particulier, dans le service cloud connu à l'époque sous le nom de Windows Azure. « Le cloud va relier nos vies », déclaraient alors les responsables de Microsoft, et Azure et Windows 8 étaient inséparables pour offrir la plate-forme permettant ces connexions. Aujourd'hui, Microsoft fait partie des fournisseurs de services cloud les plus importants, ce qu'il n'était pas le cas en 2011. Il est parvenu à concurrencer très efficacement Amazon et Google, fournissant de l'hébergement de machine virtuelle, des bureaux virtuels, et une plate-forme-as-a-service sophistiquée, sans obliger les clients à utiliser des technologies exclusivement orientées Windows. De plus, le fournisseur a immédiatement adopté Docker, l'un des systèmes les plus avancés pour faciliter le déploiement d'applications serveur dans le cloud.

Et même si son service Azure arrive en troisième position après Amazon et Google, ce score est sans commune mesure avec la 3e place obtenue par Windows Phone au classement des systèmes d'exploitation mobile. Pourtant, mercredi, lors de la présentation de la preview de Windows 10, nulle mention n'a été faite d'Azure, ce qui semble indiquer que les dirigeants ont refusé d'associer le service, pourtant l'un des atouts majeurs de Microsoft, au prochain système.

Puissance de calcul déportée
De fait, tous les débats autour de l'augmentation de la bande passante et des services cloud et ce qu'ils peuvent apporter au prochain Windows ont été mis en veilleuse. Par exemple, la possibilité pour les utilisateurs de Microsoft Windows 10 de profiter d'un nouveau type de services et d'applications sur une base virtuelle, ou encore l'itinérance d'un appareil à un autre, ces aspects sont restés largement cantonnés à la console de jeu Xbox One : la firme de Redmond a bien annoncé des applications Windows universelles pour sa console de jeux et fait savoir que les utilisateurs de Windows 10 pourraient faire tourner des jeux Xbox One à distance et en streaming, mais sans parler du service - anonyme et invisible - qui rendait ces fonctions possibles. Cette question est loin d'être purement théorique. La capacité de Microsoft à étendre sa base d'utilisateurs Windows au cours de la prochaine décennie repose en grande partie sur sa volonté de transférer la responsabilité du traitement informatique à des serveurs distants et non plus aux processeurs intégrés dans les ordinateurs de bureau.

Au cours des seuls 12 derniers mois, la technologie serveur a fait des progrès très impressionnants, et il devient possible de faire tourner des programmes sophistiqués avec des fonctions graphiques très avancées sur des clients distants pour le coup incroyablement simples. Dell, depuis son rachat de Wyse, a sauté à pieds joints dans ce marché, et le constructeur a pu montrer en fin d'année dernière un client de bureau virtuel capable de réaliser du rendu en temps réel sur un poste de travail pas plus grand qu'une clef USB portable. Et il sera un jour possible d'accéder, sur des appareils de ce type, à des fonctionnalités délivrées par des services autres que Windows. La concurrence autour des bureaux virtuels est en train de naître dans des domaines où les experts ne l'attendent même pas, entre des entreprises aussi diverses que Box, Citrix, Amazon et Comcast.

Une absence presque passée inaperçue
« Mon sentiment c'est qu'aujourd'hui tout tournait autour des consommateurs », a commenté Bob O'Donnell, analyste en chef chez TECHnalysis, au sujet de la présentation faite par Microsoft mercredi, « et ils vont sûrement dire plus de choses sur les services en préparation qu'ils destinent à l'entreprise et autres ». Mais il y a quatre ans, tout ce qui concernait le cloud n'était pas forcément lié à l'entreprise. Néanmoins, Bob O'Donnell pense que, même si les services Azure n'ont pas besoin d'application, et qu'ils peuvent établir des passerelles entre les plates-formes à travers une connexion commune et partagée, l'événement de mercredi était censé combler le « fossé entre le terminal et l'application ». Sinon, si Azure avait été au centre du sujet, « tout le propos aurait été inversé. La question du nombre d'applications ne doit pas avoir d'importance. La question est de savoir à quels services les périphériques peuvent avoir accès. Je pense que Microsoft mettra ces atouts sur la table un peu plus tard. Pour l'instant, ils donnent le plan d'ensemble, ils mettent en avant les sujets évidents, c'est à dire les fonctions de base de Windows 10 », a-t-il ajouté.

Malgré ce tour de passe-passe, il faut dire que les participants à l'événement de mercredi ne se sont pas beaucoup préoccupés de l'absence du cloud. Ne figurant pas programme, la question n'a même pas été abordée, en tous cas par les participants et les responsables de Microsoft. Le prochain grand débat sur l'orientation stratégique de Windows 10 aura sans doute lieu lors de la conférence développeurs Build 2015, qui se tiendra le 29 avril à San Francisco, et où assisteront des utilisateurs d'Azure. « Gageons que si d'ici avril, Microsoft omet de mentionner le cloud, cette absence pourrait créer un fossé bien plus grand que celui que nous avons connu entre le terminal et l'application ».