Il y a 10 ans, les PDG répondaient à 82% que le capital humain était leur principal actif, désormais, ils considèrent que la première valeur de l’entreprise, c’est la donnée. Malgré cette claire évolution, établie par l’enquête réalisée chaque année par PwC lors du forum Davos, il n’y a pas de réelle gouvernance des données dans les entreprises, y compris dans les entreprises du CAC 40, a pointé Philippe Trouchaud, associé du cabinet de conseil, lors d’un point presse à Paris cette semaine. « Beaucoup d’entre elles ont compris que ces données avaient énormément de valeur, convoitées par leurs concurrents ou à des fins criminelles pour les revendre, mais en termes humain, il n’y a pas grand monde pour les gérer et avec le cloud, la plupart des dirigeants ne savent même pas où sont leurs informations stratégiques », déplore-t-il.

Avec le fournisseur Iron Mountain, qui intervient sur la réduction des coûts liés à la gestion des données physiques et numériques, PwC a réalisé un index sur la valeur des informations, pour évaluer comment les entreprises parviennent à les mettre à profit. Des entretiens ont été conduits auprès de 1 800 dirigeants en Amérique du Nord et en Europe, dans différents secteurs d’activités. « Nous avons regardé les capacités d’organisation sur le sujet, les capacités techniques, si quelqu’un était chargé de l’information stratégique, comment l’entreprise essayait de sécuriser ses données, de les mettre en valeur et de les relier avec les métiers pour faire évoluer le business model et affronter la concurrence », a détaillé Philippe Trouchaud.

En France, 35% n'ont pas de data analysts

Première constatation, sur un indice idéal de 100, la note globale attribuée à l'ensemble des entreprises sondées ne s’élève qu’à 50,1. Un résultat décevant, commente PcW, mais pas forcément inattendu. La répartition par pays montre que les États-Unis sont au-dessus de la moyenne, avec un indice de 56,7 tandis que l’Europe se situe au-dessous avec, dans l’ordre, les Pays-Bas (48,3), l’Allemagne (48), la France et le Royaume-Uni (46,9) et l’Espagne (46,6). Des différences apparaissent en fonction des secteurs d’activité. Les services financiers, l’industrie manufacturière et l’énergie sont au-delà de 50, tandis que l’assurance et l’industrie pharmaceutique sont à 49,2 et 48,2. Les secteurs liés au juridique et au judiciaire arrivent en dernier, toujours submergés par la paperasse. A l'examen des résultats de l'enquête, PwC et Iron Mountain constatent que 4% seulement des entreprises savent extraire un maximum de valeur de leurs informations et que plus du tiers n'ont pas assez d'outils et de compétences pour le faire.

« Ce qui caractérise l'enquête, c'est que ce n'est pas pas une priorité pour les comités de direction d'extraire l'information », fait apparaître Edward Hladky, président d'Iron Mountain France. Quand les entreprises progressent en ce sens, c'est souvent pour se conformer à des obligations réglementaires, souligne-t-il. « Ce n'est donc pas un moteur business ». Il y a un manque de connaissance dans ce domaine et lorsqu'il y en a, la feuille de route n'est pas très claire. « Certes, il y a des PoC sur le big data, mais pas encore de liens forts avec le business, sauf dans certains secteurs comme l'assurance et la distribution », ajoute Philippe Trouchaud. L'enquête a notamment abordé le recours aux spécialistes des données - data analyts ou data scientists. Certaines entreprises n'utilisent pas leurs compétences pour optimiser et gérer la valeur de leurs données. C'est le cas, en France, pour 35% des sondés. Suivent l'Espagne (32%), le Royaume-Uni (26%), le Canada (24%), l'Allemagne et les Pays-Bas (22%). Aux États-Unis, elles ne sont que 19% à ne pas disposer de ces compétences pour extraire la valeur de leurs informations.

Une culture de la technologie moins saillante en France

Dans le détail, les entreprises ont d'abord été interrogées sur l’utilisation des données comme avantage compétitif. Certains dirigeants avouent qu’ils n’ont pas vraiment de stratégie en la matière et personne pour s’en occuper. Et c’est en France qu’ils sont le plus nombreux à le dire (14%), devant l’Espagne (12%), les Britanniques (7%), l’Allemagne, les Pays-Bas, le Canada (6%). Aux Etats-Unis, ils ne sont que 4%. « En France, même s’il y a beaucoup d’ingénieurs à la tête des entreprises, la culture de la technologie est assez faible, c’est ainsi que je l’explique », nous a indiqué Philippe Trouchaud. De la même façon, la France arrive en fin de liste lorsque PcW demande si l’entreprise est fortement engagée sur l’extraction de valeur de ses données. En tête, les Pays-Bas et les Etats-Unis affichent 77%, suivis du Canada (73%), de l’Espagne (72%), de l’Allemagne (70%) et du Royaume-Uni (64%). Les dirigeants français sondés ne sont que 59% à le dire et 27% d’entre eux estiment ne tirer aucun bénéfice de la valeur qu’ils extraient de leurs informations, alors que les dirigeants américains sondés ne sont que 17% à le penser.

L'IT en première ligne mais pas toujours reconnue

Qui prend la main sur l’extraction de la valeur à partir des données ? Aux Pays-Bas, c’est la direction informatique dans 53% des cas, tandis qu’en France, l’IT n’est impliqué qu’à 24%. Les Britanniques, Néerlandais, Américains et Allemands indiquent que les compétences pour le faire se trouvent au sein des équipes informatiques (à 76%, 70%, 65% et 63%), alors qu’en France, seuls 41% sont d’accord sur ce point. D’ailleurs, les dirigeants français ne sont que 28% à estimer que la IT peut accéder aux données les plus valorisables pour l’entreprise contre plus de 60% au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et 59% aux États-Unis.

Pour Iron Mountain, qui aide les entreprises à maîtriser leur gouvernance d'informations, en intervenant à la fois sur les archives physiques et numériques et sur la dématérialisation, il est important de pouvoir donner accès à l'information de façon totalement sécurisée. « C'est la 2ème partie de notre métier », indique Edward Hladky. « Nous recommandons aux entreprises d'impliquer les bonnes personnes et pas seulement l'IT ». Enfin, sur la conservation des données, il arrive que certaines entreprises gardent de façon permanente l'ensemble de leurs documents, ce qui pour certains d'entre eux n'est pas autorisé. Sur ces questions, Iron Mountain a publié un livre blanc.