Ce projet de loi pour autoriser le Passenger Name Record (PNR) à l'échelle européenne vise à lutter contre la criminalité et le terrorisme. Selon cette directive présentée mercredi par la Commission, la police nationale du pays d'arrivée et de départ pourra vérifier et stocker les données personnelles des passagers volant à destination et en provenance d'aéroports situés dans l'UE, notamment l'adresse de leur lieu de résidence, leur numéro de téléphone portable, leurs informations de carte de crédit et leur adresse e-mail. Ces données PNR sont déjà collectées par les compagnies aériennes en arrière plan de leur activité. Et actuellement des accords existent pour partager ces données entre l'Union européenne et les États-Unis, le Canada et l'Australie. Cependant, la proposition de loi de la Commission va considérablement élargir son éventail d'applications et augmenter la quantité des données recueillies.

Selon Bruxelles, cette mesure est nécessaire, en particulier pour lutter contre le terrorisme. « Si, selon un rapport d'Europol, celui-ci a diminué dans l'Union européenne en 2009, la menace demeure réelle et sérieuse. La plupart des activités terroristes sont de nature transnationales et impliquent des déplacements internationaux », a fait valoir la Commission. L'élargissement de la nouvelle directive aux «crimes graves» pour soutenir l'éventuelle extension des motifs justifiant l'accès aux données personnelles collectées, suscite néanmoins quelques réticences. Et ce n'est que la première étape d'une longue bataille. En effet, en premier lieu, la proposition doit être approuvée par chaque État membre, puis par le Parlement européen, très chatouilleux en matière de respect des libertés individuelles. Certains parlementaires ont déjà fait part de leurs doutes vis à vis de ce nouveau système. « Nous sommes sceptiques quant à la nécessité de créer un système européen chargé de collecter les données des passagers du transport aérien », a déclaré Manfred Weber, un député allemand siégeant au Parlement européen. «  Les États-Unis et d'autres pays utilisant le système PNR n'ont, jusqu'à ce jour, pas réussi à nous convaincre de la nécessité d'un tel dispositif », a t-il ajouté.

Un droit de recours administratif et judiciaire

La Commission promet que la protection de la vie privée sera sa priorité, et que les informations personnelles ne seront pas conservées au niveau national au-delà de 30 jours après le passage des voyageurs. Cependant, compte tenu des récentes violations constatées dans d'autres systèmes de données de l'Union européenne, comme des informations concernant certaines transactions commerciales, des réserves ont été émises à propos de la sécurité des données. D'autre part, la police nationale n'aura pas directement accès aux bases de données des compagnies aériennes, mais les transporteurs aériens concernés sont tenus de mettre ces données à leur disposition. Après 30 jours, les autorités de police devront rendre les données anonymes et ne pourront les conserver au-delà de cinq ans. Toutefois, les informations pourraient être « re-personnalisées » au cas par cas s'il y a soupçons de crime grave ou infraction liée à une entreprise terroriste.

Selon la proposition de loi déposée mercredi, les passagers disposeront d'un droit de recours « administratif et judiciaire dans le cas où les règles de protection des données auraient été violées, ainsi que le droit à indemnisation. » Mais on voit mal comment des particuliers pourraient savoir s'il y a eu ou non violation. Une autre question soulevée par des groupes qui travaillent à la protection des libertés individuelles, concerne le fait que, idéalement, la Commission aimerait voir sa directive étendue à l'ensemble des vols intérieurs de l'Union européenne. « Étant donné que les objectifs poursuivis par la collecte des données PNR sont les mêmes à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE, il y aurait un vrai intérêt à inclure les vols intérieurs », a déclaré la Commission, ajoutant qu'actuellement, le coût d'une telle extension était prohibitif. La négociation autour de cette proposition devrait prendre au moins deux ans avant d'arriver devant le Conseil des Ministres et le Parlement européen, et plus, si, comme prévu, le Parlement refuse de servir de bureau d'enregistrement.

Illustration : Airbus A380 (crédit photo : Airbus)