Lors du Consumer Electronics Show (CES), qui se tiendra du 6 au 9 janvier 2016 à Las Vegas, les constructeurs automobiles vont sans doute mettre en avant leurs technologies définies par logiciel, avec de nouvelles interfaces homme-machine (IHM), des fonctions d'intelligence artificielle et la conduite automatisée. En 2022, les mises à jour logicielles over-the-air (OTA) des véhicules connectés génèreront 45 milliards de dollars. Mais, selon plusieurs analystes de IHS Automotive, qui ont tenu hier une conférence Web pour parler de l'événement, lors du prochain CES, la réalité virtuelle sera aussi représentée par des technologies de reconnaissance de mouvement et de systèmes d’affichage intégrés au pare-brise.

« La réalité augmentée fait aujourd’hui référence à des technologies bien réelles », a déclaré Mark Boyadjis, analyste senior de IHS, spécialiste des interfaces homme-machine. « Cette année, la réalité virtuelle et la réalité augmentée seront visibles partout ». La réalité augmentée, qui consiste dans le cas présent à afficher au conducteur une image générée par ordinateur, n’est pas simple à mettre en œuvre. « D’abord, les processeurs embarqués dans les voitures actuelles sont incapables de détecter un objet sur la route et de le restituer en temps réel sur un écran », a expliqué Mark Boyadjis. « En ce qui me concerne, je regarderai de près les progrès accomplis dans le domaine des processeurs embarqués, notamment par NVIDIA et Intel », a-t-il ajouté. « S’ils réussissent à faire traiter les transactions en temps réel par le système embarqué, alors la réalité augmentée deviendra clairement une réalité ».

Google Earth, comme on ne l’a jamais vu, ouvrant la route face au conducteur. Le cockpit virtuel d'Audi est une des nombreuses technologies que les constructeurs devraient révéler au CES (Photo : Audi)

Même si les constructeurs automobiles feront probablement un grand nombre d’annonces lors du CES, les analystes d’IHS font remarquer que leur mise en œuvre n’est pas directement sous leur contrôle. Ces dernières années, ces constructeurs ont régulièrement mis en avant leurs avances technologiques dans les salons automobiles ou ailleurs, simplement parce que le progrès se vend bien. Cette année, le CES accueillera les plus importants fournisseurs de l’industrie automobile, à savoir les décideurs de l'infodivertissement embarqué (IVI), les vendeurs de systèmes de capteurs et autres pièces d’électronique. « 464 exposants appartiennent au secteur de l’électronique embarquée : un record », selon IHS. Entre autres choses, ils présenteront des technologies dans les domaines de l’audio, de la robotique, des dispositifs portables et des télécommunications.

L'interface homme-machine, une composante de base

Les technologies d'interface homme-machine, qui sont en train de changer rapidement la façon dont les conducteurs et les passagers communiquent avec leurs systèmes d'infodivertissement embarqués, méritent une attention particulière. « Il ne s’agit plus d’avoir un système de navigation ou des applications. Aujourd’hui, la question est de savoir quel [système] sera plus facile à utiliser et lequel sera plus facile à apprendre », a déclaré Mark Boyadjis. « C’est dire que l’interface homme-machine est devenue une composante de base ». La technologie de reconnaissance vocale dans le cloud, qui utilise les compétences d'apprentissage automatique pour identifier des types de langage plus rapidement afin d’identifier avec précision les demandes, va devenir monnaie courante dans les voitures.

De plus en plus, des caméras et des capteurs installés dans l’habitacle vont permettre la reconnaissance des gestes. Le conducteur pourra par exemple contrôler certaines fonctions d'infodivertissement, comme modifier le volume ou faire défiler une liste de contacts, d’un geste de la main. Déjà, dans la série des berlines de luxe BMW 7, un système d’interprétation des mouvements de la main en trois dimensions permet au conducteur de contrôler le système d'infodivertissement.

Dans la BMW 7, le conducteur contrôle le système de divertissement par gestes.

Les analystes espèrent vivement voir au CES le système Modular Infotainment Platforms (MIB), qui doit permettre aux constructeurs de mettre à jour l'électronique des véhicules, même pendant la phase de développement des véhicules – une opération généralement impossible. Par exemple, le processeur d'un système d'infodivertissement pourrait être remplacé même quand le véhicule est dans un cycle de développement de plusieurs années. Traditionnellement, il faut plusieurs années aux constructeurs pour mettre l'électronique embarquée au niveau de ce que propose les appareils grand public. « Aujourd’hui, le marché de l'industrie automobile se concentre majoritairement sur les écrans modulaires d'infodivertissement, les contrôleurs, la télématique, les unités de contrôle électronique et l’optique », a déclaré l’analyste senior de IHS. Par exemple, l'année dernière, à l'Expo Connected Car de Los Angeles, Audi a présenté sa technologie MIB-2 et son cockpit virtuel.

L’arrivée d’une électronique modulaire devrait permettre aux constructeurs d’installer les derniers modèles de processeurs et écrans tactiles disponibles dans les véhicules et les camions. (Photo Audi)

Selon Egil Juliussen, directeur de recherche chez IHS, au cours des cinq dernières années, le CES est devenu un rendez-vous incontournable pour les fournisseurs de l'automobile, les salons purement automobiles ne leur offrant pas une telle vitrine. Alors que les voitures dépendent de plus en plus de leur électronique et des logiciels associés, les fournisseurs se sont intéressés à la manière d'améliorer ces systèmes, comme le feraient les fabricants d’ordinateurs. De plus en plus, les constructeurs automobiles intègrent le Wi-Fi et étendent les capacités de leurs réseaux pour mettre à jour leurs logiciels Over-the-air (OTA). « Le marché de l’OTA pourrait atteindre 45 milliards de dollars d'ici 2022 », a estimé Egil Juliussen. « L’essentiel de ce marché sera centré sur les capacités OTA, qui permettent aux constructeurs de ne pas rappeler les véhicules pour faire leurs mises à niveau », a-t-il expliqué. « Les constructeurs ne sont vraiment pas capables de mettre en place des plates-formes OTA rapidement », a encore déclaré Egil Juliussen. Le marché de l’OTA est également le lieu d’une vague d'acquisitions. Ainsi, cette année, le fabricant Harmon, leader des systèmes d'infodivertissement embarqués, a acquis le fournisseur de logiciels OTA Redbend.

Apple Carplay et Android Auto rivalisent et réussissent mieux que les fabricants traditionnels de systèmes d'infodivertissement embarqués. Un grand nombre de constructeurs automobiles devraient annoncer des applications en mode natif de ces systèmes sur leurs véhicules. (Photo : Honda)

Mais, alors que la connectivité à Internet est de plus en plus présente dans les véhicules, les risques de sécurité augmentent, et le déploiement de mises à jour par OTA offre un canal d’attaque supplémentaire aux pirates potentiels. Cette année, le CES devrait donc aussi mettre en avant la cybersécurité, pendant inévitable des véhicules connectés. En effet, les constructeurs automobiles n’ont jamais mis en place de pare-feu efficaces entre les systèmes d'infodivertissement embarqués et les systèmes de contrôle du véhicule. Donc, si un pirate parvient à entrer dans l’unité, des systèmes plus critiques - comme le freinage et l'accélération – se trouvent exposés. Selon Jeremy Carlson, analyste senior IHS, spécialiste des véhicules autonomes, les constructeurs devraient adopter une « approche itérative » de la cybersécurité, combinant protection matérielle et logicielle. « Le logiciel de sécurité devrait être capable d’identifier les messages transmis entre les systèmes hardware et détecter les anomalies pour repérer d’éventuelles attaques », a expliqué Jeremy Carlson. 

Les voitures connectées sont effectivement exposées à un risque de sécurité plus élevé, mais la technologie représente aussi un énorme potentiel de services et d’applications. Deux entreprises, Apple et Google, arrivent à tenir tête aux plus importants fournisseurs de l’automobile. Les constructeurs sont prêts à proposer les interfaces Apple Carplay et Google Android Auto en natif, de même que le mirroring d’applications. Et ce ne sera pas l'un ou l'autre, mais les deux à la fois. « Carplay et Android Auto ont considérablement compromis le rôle des fabricants traditionnels de systèmes d’infodivertissement », a déclaré Jeremy Carlson. « C’est le plus grand chamboulement intervenu dans ce marché. Même pour les appareils de navigation personnels, ça n’était pas arrivé. La capacité d'apporter du contenu avec les smartphones a fondamentalement modifié l’attente des consommateurs », a reconnu Egil Juliussen, ajoutant : « Au fil du temps, Apple et Google vont, dans une large mesure, prendre une importante part d’activité aux constructeurs automobiles, en proposant notamment des services basés sur le cloud ».