En 2011, les criminels russophones ont capté plus d'un tiers du marché mondial de la cybercriminalité. Cette forte augmentation de la fraude en ligne, dans et hors du pays, fait de la Russie une superpuissance en matière de criminalité numérique. Telles sont les conclusions du rapport « États et tendances du marché du cybercrime en Russie en 2011 » publié par Group-IB, un cabinet d'études russe spécialisé dans la sécurité. Selon ses estimations basées sur des données provenant aussi bien d'organismes publics que de partenaires, en 2011, le marché de la cybercriminalité mondiale a atteint 12,5 milliards de dollars environ, dont 4,5 milliards sont imputables à des criminels Russes et russophones (incluant ceux qui vivent hors de Russie).

Un marché intérieur florissant

Dans le même temps, sur la base de données collectées par le milieu lui-même, à l'intérieur des frontières russes, le marché de la cybercriminalité a doublé l'an passé comparativement à l'année 2010, pour atteindre les 2,3 milliards de dollars. Un niveau extrêmement élevé au regard de la population du pays et  de ses 143 millions d'habitants. Au premier rang de cette cybercriminalité intérieure, il y a la fraude en ligne, dont le chiffre d'affaires se situe à environ un milliard de dollars, juste devant le spam qui génère 830 millions de dollars, suivi par les services du marché intérieur avec ses 230 millions de dollars et les attaques par deni de service DDoS qui captent 130 millions de dollars.

Mise à part cette augmentation étonnante, le milieu de la cybercriminalité russe s'est également consolidé. Il est constitué de groupes plus grands, plus organisés, et de plus en plus contrôlés par les mafias du crime classique. Le rapport fait aussi état de preuves évidentes de coopération entre ces groupes, plus l'émergence d'un important marché « du crime vers le crime » (C2C) qui contribue à soutenir les activités du milieu.

Des lois encore laxistes en Russie

Le fait que l'enquête soit réalisée par un groupe de chercheurs basés en Russie rend sa lecture passionnante. Celui-ci égrène de multiples preuves diverses sur les méthodes et les tendances, en terme de malwares par exemple, qui montrent que la Russie est un pôle important du cybercrime. Mais les chiffres bruts sont rarement mis au crédit de son mode de fonctionnement ou de son business modèle. Alors, pourquoi la Russie est-elle devenue un pays aussi important pour la cybercriminalité ? Au-delà de l'explication traditionnelle qui invoque la recrudescence de programmeurs russes mal payés, Group-IB soulève pour sa part le problème du contrôle et des lois du pays.

Les chercheurs exposent ainsi l'histoire de Yevgeniy Anikin et Viktor Pleschuk, deux membres du gang qui ont subtilisé 10 millions de dollars en détournant les distributeurs de billets WorldPay ATM de la Royal Bank of Scotland en 2008. Ceux-ci ont été condamnés à des peines avec sursis par les tribunaux russes. « Ces failles dans les lois russes, le manque de sanctions sévères, une constance dans l'application de la loi et le manque de mesures pour lutter contre la criminalité numérique, font que les cybercriminels ne sont majoritairement pas tenus responsables des crimes qu'ils commettent », font remarquer les chercheurs. Selon Ilya Sachkov, le PDG de Group-IB, « chaque année, le marché de la cybercriminalité en provenance de Russie coûte des milliards de dollars à l'économie mondiale ».