Lors de la conférence de presse organisée au tribunal de Tokyo vendredi dernier, l'avocat de MtGox a déclaré qu'environ 2,8 milliards de yens (20 millions d'euros) avaient disparu. « Je suis profondément désolé », a déclaré le CEO français de MtGox Mark Karpèles aux journalistes en japonais tout en s'inclinant. « Le système présentait des faiblesses », s'est-il justifié. MtGox a déclaré aux médias que 750 000 bitcoins appartenant à des clients, et 100 000 bitcoins lui appartenant s'étaient volatilisés. À la valeur actuelle de 558 dollars le Bitcoin environ, cela représente 474 millions de dollars environ. La semaine dernière, le site web de MtGox a été mis hors ligne alors que les autorités américaines et japonaises ont commencé à examiner la situation de la plateforme basée à Tokyo. « Je suis en colère et triste », a déclaré Aaron G., un investisseur de MtGox qui a préféré garder l'anonymat. Il a des centaines de bitcoins bloqués chez MtGox, tout comme Kolin Burges. Les deux clients ont organisé une petite manifestation devant l'immeuble de Tibanne à Tokyo où se trouvent les bureaux de MtGox. « Nous étions nombreux à espérer un miracle, même si tout indiquait qu'il n'y avait plus d'espoir », a déclaré Aaron G. dans un courriel.

Une monnaie vraiment volatile

« Maintenant, je demande simplement que justice soit faite. Ce n'est pas seulement une affaire civile. Ils savaient que ces bitcoins étaient perdus et ils continuaient à faire l'échange et à accepter des dépôts. On ne peut pas vendre quelque chose que l'on n'a pas. C'est une fraude », a-t-il ajouté. « Je suis extrêmement déçu par l'entreprise, mais pas vraiment surpris », a déclaré pour sa part Kolin Burges par courriel. « Je suis dégoûté par cette société. Ses dirigeants ont pourri la vie de tout un tas de gens. Je suis dégoûté par leur comportement. Je vais faire tout mon possible pour que chaque personne qui a une responsabilité dans cette débâcle réponde de ses crimes devant la justice. Je vais faire tout ce que je peux pour savoir ce qui s'est passé même si je crois que la justice et la police japonaises sont décidées à enquêter sérieusement sur l'affaire », a ajouté Kolin Burges, qui est venu de Londres pour manifester.

La mise en faillite fait suite à des rumeurs propagées sur Internet selon lesquelles la plate-forme comportait de multiples vulnérabilités de codage qui auraient pu faciliter le piratage informatique qui a permis le vol de bitcoins. Les retraits de bitcoins depuis des adresses externes avaient été interrompus, invoquant un problème d'implémentation du protocole Bitcoin lequel aurait permis de trafiquer les transactions. La plate-forme a prétendu que le bogue dit de Transaction Malleability, connu de longues dates de la communauté Bitcoin, a permis de réaliser des transactions bitcoins frauduleuses. Des demandes répétées adressées à la plateforme d'échange sont restées sans réponse. Jeudi, à la dernière adresse déclarée de MtGox dans une tour de bureaux de Tokyo, quelqu'un a répondu que la société d'échange n'y était plus domiciliée.

Une fraude ou une exploitation des failles techniques de Mt.Gox

« Une chose est sûre, c'est que cette fraude n'a rien à voir avec la cyberattaque qui a visé le réseau Bitcoin au niveau mondial début février en tirant profit de la Transaction Malleability », a déclaré par courriel Kenji Saito, professeur adjoint à la Graduate School of Media and Governance de l'Université de Keio, qui connaît bien le système des bitcoins. « Ce motif semble insuffisant pour justifier l'arrêt d'une des plus importantes plates-formes de bitcoins dans le monde », a-t-il ajouté. « Il y a de fortes chances que MtGox a trompé ses clients avant février 2014. Depuis la fermeture de la plate-forme, la semaine dernière, la police et les autorités japonaises ont commencé à récolter des informations sur MtGox. J'ai le sentiment que tout a peut-être été planifié dans cette affaire afin de rendre les poursuites difficiles », a encore déclaré Kenji Saito. Citant une source anonyme proche du dossier, le Wall Street Journal a rapporté la semaine dernière que MtGox avait été cité à comparaître en février par des procureurs de tribunaux fédéraux de New York, demandant à la plateforme de conserver certains documents. Un porte-parole du bureau du procureur du district sud de New York a refusé de commenter l'information.

La chute de MtGox est l'un des plus grands coups portés à la monnaie virtuelle. Les partisans des bitcoins ont souvent défendu la monnaie numérique en mettant en avant le fait qu'elle était au-dessus de toute réglementation gouvernementale et que les transactions ne coûtaient rien. En novembre dernier plus de 1 million de dollars en bitcoins ont été volés à la plate-forme d'échange Bitcoin Internet Payment Services basée au Danemark qui se vantait d'être la plus grande plateforme de bitcoins d'Europe, 1,4 million de dollars ont disparu du service de portefeuilles en ligne Inputs.io, et 4 millions de dollars se sont volatilisés d'une plateforme d'échange de bitcoins basée en Chine. Qu'à cela ne tienne, selon CoinDesk.com, après l'annonce de la mise en faillite de MtGox, le Bitcoin se négociait à 556 dollars, en léger recul par rapport au cours de 579 dollars atteint cette même journée par la monnaie virtuelle.