Alors que Facebook vient tout juste de célébrer son 500 millionième inscrit, certains développeurs envisagent un avenir dans lequel les réseaux sociaux seraient décloisonnés. Certaines technologies Open Source pourraient autoriser le partage de statuts, photos ou commentaires sur Internet entre utilisateurs de différents réseaux sociaux, affirme Evan Prodromou, directeur de l'éditeur de logiciels libres de microblogging StatusNet. Les services « Open Social » de ce type existent depuis de nombreuses années, bien qu'ils ne connaissent clairement pas la popularité des leaders actuels du marché.

Les développeurs mettent donc en avant l'interopérabilité de telles offres, qui pourraient libérer les utilisateurs et leurs données des enceintes propriétaires des sites actuels. Ils ont mis en pratique une solution, dans laquelle une personne met en ligne la photo d'une autre sur un service de partage quelconque, marquant cette dernière avec le nom de l'individu représenté. Celui-ci voit alors l'image sur son réseau social de prédilection, tandis qu'une tierce personne, à partir d'une autre plateforme, peut aussi la voir et la commenter. Le message serait alors relayé aux autres services, les deux internautes initiaux pouvant alors le lire. « Un réseau social fédéré serait le réseau ultime, autorisant quiconque à participer » explique Evan Prodromou.

AOL, géant déchu de l'email


Celui-ci illustre son propos en prenant l'exemple des mails. Dès lors qu'une technologie propriétaire devient populaire, elle tend à être remplacée par des spécifications libres. Celles-ci sont alors utilisées par une multitude de fournisseurs de services qui proposent alors des versions génériques du même système. Ce fut le cas dans les années 90 : il fallait, par exemple être chez AOL, en 1992 pour envoyer un mail à un d'abonné de ce FAI. Il était dès lors relativement difficile de relayer les messages provenant de différentes plateformes, celles-ci étant entièrement cloisonnées. Mais en deux ans, les différents acteurs avaient fini par passer à des programmes utilisant le protocole SMTP, fédérant à la fois internautes et fournisseurs de services autour du libre envoi de courriers électroniques. AOL était, avant cela, très populaire, offrant des fonctionnalités Internet tels que les mails, le chat et le surf à des dizaines de millions d'utilisateurs. Et comme Facebook de nos jours, le FAI était critiqué pour ses politiques de confidentialité, der sécurité et pour son usage d'outils exclusivement propriétaires. Mais son éclat s'est terni au fur et à mesure de la mise en place d'un accès Internet plus libre et direct.

L'Open Source avance, mais ne fait pas encore le poids

Quelques standards allant dans le sens d'un réseau social fédéré existent déjà. OpenID et OAuth pour l'authentification, Activity Streams et Pubsubhubbub (Google) pour la publication de notifications multiplateformes, et Salmon pour la soumission de commentaires eux-aussi à différents services sont les exemples les plus aboutis. Un package de différents protocoles existe déjà, dénommé OStatus, combinant les trois derniers cités, ainsi que Portable Contacts et Webfinger. Cette pile de standards va d'ailleurs être utilisée pour concevoir Diaspora, réseau social alternatif qui sortira à la rentrée, tandis que d'autres encore sont en préparation. Evan Prodromou admet toutefois que certains éléments manquent encore : la confidentialité pose problème avec ces outils conçus sur le mode du partage, et des interfaces de programmation d'applications seraient elles-aussi bien utiles.

Ces protocoles seraient pourtant en voie d'être ratifiés. Le World Wide Web Consortium (W3C) étudie des standards destinés aux activités sociales sur le web, et pourrait approuver OAuth prochainement. Pourtant, Chris DiBona, responsable Open Source chez Google, consent à dire que la demande en la matière est encore peu claire, étant donné que le marché est dominé par un oligopole restreint. Le besoin d'intercommunication n'est donc pas si évident. Selon lui, il faudrait pour cela qu'émergent d'autres challengers. Evan Prodromou conclue en indiquant que les leaders ne rejoindront le réseau fédéré que lorsque ce dernier sera devenu incontournable. Google, qui prévoit de lancer prochainement sa propre plateforme, travaille activement la question en rassemblant les technologies nécessaires.

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