Avant que ne débute l'examen du projet de loi création et Internet par les députés, la commission des Lois de l'Assemblée s'est penchée sur le texte afin d'en ébaucher les premiers amendements. Les édiles annoncent clairement la couleur : ils n'ont pas l'intention d'adoucir la loi. Ils ont ainsi rejeté quantité d'amendements, pourtant souvent de bon sens, qui auraient contribué à rendre le texte plus respectueux des droits fondamentaux. Il en va ainsi de l'amendement prévoyant le caractère suspensif des décisions prononcées par l'Hadopi ou des recours formés par les internautes contre ces mêmes décisions. A la trappe également les propositions visant à indemniser les internautes dont l'abonnement à Internet aura été injustement suspendu ; idem pour celui permettant à l'internaute de ne pas payer pour un abonnement en cours de suspension. Citons également le refus de la commission des Lois de tirer un trait sur la publication par voie de presse des sanctions de l'Hadopi. Une mesure « d'un archaïsme sidérant », aux yeux du socialiste Patrick Bloche, mais néanmoins conservée. L'accès à Internet n'est pas une liberté fondamentale L'amendement suggérant l'intervention du juge judiciaire pour le prononcé de ces suspensions prend également le chemin de la poubelle, en dépit du principe constitutionnel soulignant que ce même juge est le seul compétent lorsqu'il est question d'une atteinte aux libertés fondamentales. Mais, estime le député Franck Riester, rapporteur du texte, « l'accès à Internet n'est pas à mon sens une liberté fondamentale ». Les eurodéputés avaient dit exactement l'inverse en adoptant à une immense majorité le désormais célèbre amendement 138, qui vilipendait le principe même de riposte graduée à la française. Cet inventaire à la Prévert ne saurait être complet si l'on omettait une des perles du débat. Alors que Jean Dionis du Séjour souhaitait introduire un amendement imposant l'interopérabilité et la gratuité des moyens de protection (c'est-à-dire des parefeu) dont l'installation peut être ordonnée par l'Hadopi, la commission a balayé ce principe. Motif invoqué par le rapporteur : « Il faut laisser au consommateur sa totale liberté de choix en fonction de son système d'exploitation. L'interopérabilité n'est pas nécessaire pour les consommateurs et elle est trop contraignante pour les éditeurs de logiciels. » L'Assemblée nationale n'étant pas fréquentée que par des députés intéressés par les questions relatives à l'IT, l'assertion de Franck Riester n'a guère fait bondir les édiles. Lesquels n'ont pas plus sourcillé quand le même rapporteur a approuvé un amendement prévoyant que l'Hadopi établira une liste labellisant les moyens de sécurisation. En clair, l'autorité sélectionnera les logiciels grâce auxquels les internautes pourront montrer patte blanche. Dans ce débat, les élus ne sont décidément pas à une contradiction près. La licence globale réapparaît A côté de ces rejets, la commission des Lois a validé un amendement visant à durcir le projet de loi. La durée minimale de la suspension, ramenée par les Sénateurs à un mois, est désormais susceptible d'être deux fois plus longue. Cette décision de la Chambre haute contribuait, selon le rapporteur, à réduire « à néant l'intérêt » pédagogique de la sanction. Enfin, sans surprise, la proposition de Patrick Bloche de mettre en place une licence globale - renommée pour l'occasion contribution créative - n'a pas convaincu les membres de la commission. Pourtant adoptée, à la faveur d'une session nocturne, par l'Assemblée lors des débats autour de la Dadvsi, puis finalement rejetée in extremis, cette licence n'est pour Franck Riester qu'un instrument remettant « fondamentalement en cause la juste rémunération des offres artistiques auxquelles le public a librement adhéré ».