Interrogés sur les même sujets par nos confrères de Computerworld au Brésil, Linus Torvalds, père du noyau Linux, et Richard Stallman, initiateur du projet GNU, semblent définitivement irréconciliables. Questionné sur la version 3 de la licence GPL, officiellement lancée début juillet, Linus Torvalds explique que pour lui, la version 2 « est une licence supérieure », et qu'il ne voit pas le noyau changer de licence. « Mais d'autres personnes ont leur propre opinion, ajoute-t-il, et d'autres projets utiliseront la GPLv3. » Pour lui, tout cela n'a finalement guère d'importance : « Nous avons quelque chose comme 50 licences Open Source, et en fin de compte, la GPL est juste une licence de plus. » Une telle attitude fait bondir le fondateur de la Free Software Foundation. « Le fait que Torvalds dise 'Open Source' plutôt que 'logiciel libre' montre d'où il vient. J'ai écrit la GNU GPL pour défendre la liberté pour tous les utilisateurs de toutes les versions d'un programme. J'ai développé la version 3 pour mieux y parvenir et se protéger contre de nouvelles menaces. Torvalds dit qu'il rejette cet objectif ; c'est probablement pourquoi il n'apprécie par la GPL version 3. Je respecte son droit à exprimer son point de vue, même si je le trouve pas très malin. Cependant, si vous ne voulez pas perdre votre liberté, vous feriez mieux de ne pas le suivre. » Etre anti-Microsoft ou ne pas être... Même la question sur Microsoft, qui prétend que l'Open Source viole 235 de ses brevets, montre des divergences claires. Richard Stallman dénonce ainsi jusqu'à l'utilisation de l'expression « propriété intellectuelle », comme un moyen « de propagande », destiné à « vous décourager de vous focaliser sur la loi spécifique, la loi sur les brevets, qu'ils ont tenté d'utiliser pour interdire le logiciel libre ». De son côté, Linus Torvalds critique la façon de jouer de Microsoft mais pas l'éditeur en lui-même. Pour lui, Microsoft essaie d'alimenter le FUD (fear, uncertainty and doubt, c'est-à-dire peur, incertitude et doute). « Microsoft a du mal à être compétitif sur le plan technique, ils ont traditionnellement joué plutôt sur les prix, mais visiblement cela ne fonctionne pas non plus, pas contre l'Open Source. Donc ils continueront de ficeler des packages et de vivre sur l'inertie du marché, mais ils veulent alimenter cette inertie avec le FUD. » En revanche, Linus Torvalds ne se sent absolument pas investi d'une mission anti-Microsoft. « Je fais ce que je fais parce que je pense que c'est intéressant et que cela en vaut la peine, et pas à cause de problèmes anti-Microsoft. Je n'ai utilisé que peu de produits Microsoft jusqu'à présent, mais je n'ai jamais eu d'antipathie forte à leur égard. Microsoft ne m'intéresse tout simplement pas. » Et d'ajouter que l'Open Source dans son ensemble n'est pas un mouvement anti-Microsoft non plus. Pour lui, l'Open Source finira par l'emporter tout naturellement, car il s'agit juste « d'une façon de faire les choses supérieure aux autres ».