Après l'échec de NoviaServ, co-entreprise SNCF/IBM, l'entreprise américaine est de retour chez l'opérateur ferroviaire historique. Les dégâts annoncés sont importants pour l'emploi des informaticiens mais aussi pour la gouvernance de l'informatique de la SNCF. C'est en effet toute l'exploitation des logiciels métiers qui partirait en near-shore dans des filiales d'IBM et, dans une moindre mesure, de Sopra.

L'affaire a tout d'abord été révélée par nos confrères du Parisien et ensuite reprise par la majorité de la presse française. Contactée par la rédaction de CIO, la SNCF n'a pas souhaité s'exprimer. L'ancien DSIT groupe, Gilles Albertus, a été discrètement remplacé au printemps 2012 par François Vanheeckhoet, qui n'était pas non plus joignable.

« Je suis cette affaire depuis trois ans » soupire Hervé Giudici, secrétaire national de l'Union Fédérale Cadres et Maîtrises de la CGT Cheminots. Ce qui était une rumeur depuis tout ce temps est confirmé par le syndicaliste : « même certains dirigeants de la SNCF ne se cachent plus que la création de Noviaserv et, aujourd'hui, ce contrat d'externalisation, constituent une compensation dans le cadre du rachat en 2009 de la logistique interne d'IBM par Geodis, filiale à 100 % de la SNCF ».

Un échec ruineux de 150 millions d'euros

La SNCF n'a jamais accepté de communiquer autour du dossier Noviaserv et surtout de son échec, sauf pour indiquer la naissance et la mort de l'accord avec IBM.

Noviaserv était une filiale créée en janvier 2010 à parité entre IBM et la SNCF. Son objet était de gérer à terme la totalité des prestations infogérées concernant les systèmes d'information de la SNCF dans le cadre du projet Ulysse. Après bien des conflits, l'échec était confirmé en décembre 2011. « Lorsque nous tirions la sonnette d'alarme, la SNCF répondait que c'était de la propagande syndicale et on voit où on en est » stigmatise Hervé Giudici. Il ajoute : « même le Ministère du Budget est intervenu à l'époque pour qualifier Noviaserv d'échec cuisant. La SNCF refuse de donner des chiffres, qualifiés de confidentiels. 

Péniblement, la direction sous-entend des pertes de l'ordre de 80 millions d'euros, compensations versées à IBM pour quitter la co-entreprise incluses. Selon nous, la perte se situe plutôt autour de 150 millions d'euros. »

Le nouveau contrat fonctionnera-t-il mieux que la co-entreprise ? On peut en douter. Les prémices ne sont, en tous cas, guère réjouissantes.

Une perte d'autonomie de la SNCF

Jusqu'à présent, l'exploitation était assurée sur les sites SNCF de Lyon et Lille par des prestataires, notamment de Steria depuis 1999, avec un pilotage par une cinquantaine d'informaticiens internes de la SNCF. « Le nouveau contrat entraîne donc des pertes d'emplois surtout chez Steria » déduit Hervé Giudici. Evidemment, les informaticiens de la SNCF ne se retrouveront pas, eux, au chômage mais il y aura moins d'embauches chez l'opérateur ferroviaire, les emplois se libérant devant être occupés par les informaticiens perdant leur poste dans le cadre du contrat avec IBM. Pour l'heure, 260 emplois vont être supprimés et, à terme, près de 500.

L'exploitation des logiciels métier est donc reprise par des informaticiens tchèques et polonais de filiales d'IBM ainsi que, pour le SIRH, par une filiale espagnole de Sopra. Les informaticiens de Steria et de la SNCF forment leurs remplaçants en nearshore depuis plusieurs mois. La maîtrise insuffisante de la langue française par les nouveaux venus serait source de difficultés.

Mais, au delà de la question de l'emploi, le passage en nearshore supprime l'encadrement par des informaticiens internes de la SNCF. « Cela a des conséquences graves sur les pertes de savoir-faire, livré à IBM » dénonce Hervé Giudici.
Les syndicats de la SNCF réclament donc l'abandon de ces contrats d'externalisation et la réinternalisation de toute l'informatique. Hervé Giudici interroge : « où les jeunes informaticiens arrivant sur le marché du travail vont-ils trouver un emploi ? En Pologne ou en Tchéquie ? ».