L'OS mobile de Google a été attaqué de toutes parts ces derniers mois. D'abord, un procès intenté par Oracle, qui s'est peu à peu complexifié et dans lequel les dommages ont été évalués par certains jusqu'à plusieurs milliards de dollars de dommages. Ensuite, des plaintes déposées par Apple à l'encontre de plusieurs fabricants de terminaux sous Android, parmi lesquels HTC et Samsung. Enfin, Microsoft qui réclame des redevances à ces fabricants en déclarant qu'il possédait des brevets liés à l'OS de Google.

Dans ce contexte, l'acquisition de Motorola Mobility, fabricant de smartphones et détenteurs de plus de 24 500 brevets, pourrait aider à protéger Google et ses partenaires de futures actions en justice d'Apple et d'autres. Mais il est peut-être trop tard pour aider les fabricants de terminaux à faire face à des procès déjà engagés et cela n'aidera pas Google à affronter Oracle qui l'accuse de violation de brevets Java. Ce procès doit démarrer en octobre.

Motorola apporte son ancienneté dans le sans-fil


Google n'a jamais vraiment pris la peine de se constituer son propre portefeuille de brevets et il a été pris au dépourvu par la « course aux armements » qui a prévalu dans l'industrie du sans-fil. La semaine dernière, il s'est déchaîné contre ses concurrents, accusant Microsoft, Apple et d'autres, d'essayer d'imposer une « taxe sur les brevets » autour d'Android pour stopper la progression galopante de l'OS.

Le bonus de 63% offert lundi sur le titre Motorola Mobility n'a donc pas surpris les observateurs. Larry Page a d'ailleurs clairement expliqué que les brevets qu'il récupérait ainsi l'aideraient à se renforcer contre les attaques qu'il qualifie d'anti-concurrentielles.

Pour Alexander Poltorak, PDG de General Patent Corp, le portefeuille de brevets de Motorola agira de façon dissuasive envers les sociétés qui envisagent de faire un procès à Google ou à l'un de ses partenaires. « Ils vont maintenant y réfléchir à deux fois avant de déposer une plainte, parce qu'ils peuvent être certains que Google répliquera », affirme-t-il.

Ce rachat va donner du poids à Google, considère aussi Jonathan Goldberg, analyste à la Deutsche Bank. Motorola figure parmi les plus groupes ayant le plus d'ancienneté dans le sans-fil. Son portefeuille de brevets est solide et crédible.

Négocier un accord en cas de procès


« Je pense qu'un grand pas a été franchi », estime de son côté David Mixon, juriste spécialisé dans les brevets chez Bradley Arant Boult Cummings. Il s'attend à ce que Google pousse un gros soupir de soulagement lorsque la transaction sera effectivement réalisée. « Il y a eu surenchère dans la vente des brevets Nortel et ce fut le fait du consortium mené par Microsoft et Apple. Ils ont clairement ressenti une certaine pression. »

Si Google est visé par un autre procès, les brevets de Motorola l'aideront à négocier un accord et à récupérer une licence pour Android, ajoute Alexander Poltorak. Cette licence pourrait également s'étendre aux fabricants de terminaux exploitant l'OS mobile. « Si Google obtient une licence pour son OS, alors tous ceux qui utiliseront Android en bénéficieront de la même façon. »

Si un concurrent s'en prend plutôt à un partenaire de Google, ce dernier pourra transférer temporairement la possession de quelques brevets Motorola au fournisseur attaqué afin qu'il puisse se défendre, avance Alexander Poltorak.

Cela ne jouera pas le rôle de bouclier, estime Florian Mueller


Pourtant, parmi les spécialistes, tout le monde ne partage pas cet avis. Certains doutent de l'effet dissuasif des brevets. Florian Mueller, auteur du blog FOSS Patents, rappelle qu'Apple a déjà attaqué Motorola Mobility pour violation de brevets. Pour lui, l'argument Motorola n'est pas assez solide pour dissuader d'un procès.

« Cela ne servira pas de bouclier protecteur pour Android, écrit-il. Il signale que Motorola a déjà grillé ses meilleures cartouches dans des procès contre Apple et Microsoft avec apparemment peu d'impact. Mais Motorola avait alors tiré le premier, précise Alexander Poltorak. Il avait attaqué Apple en octobre en l'accusant de violer 18 de ses brevets et l'avait poursuivi devant l'ITC (United States International Trade Commission). « Apple n'avait d'autres choix que se défendre », souligne Alexander Poltorak. Ce à quoi Florian Mueller répond que Motorola s'attendait à un procès de la part d'Apple et que le sien constituait une action défensive. Pour lui, l'acquisition de Motorola a été réalisée par Google en désespoir de cause.

Monnaie d'échange inutile face à Oracle


Il y a en tout cas une chose sur laquelle s'entendent les observateurs : il est peu probable que le rachat de Motorola aide Google dans son procès contre Oracle. L'acquisition ne pourra être effective qu'à la fin de cette année ou début 2012, alors que le procès Oracle est programmé pour débuter dans onze semaines.     (.../...)

(crédit illustration : Google)