Même si la suite bureautique libre OpenOffice est une fille directe de son StarOffice, et que Sun Microsystems fournit l'essentiel des efforts en termes de code et de développeurs, il étoufferait son développement. Les critiques en ce sens se multiplient, les langues semblant se délier après l'arrivée d'IBM au sein de la communauté. Ken Foskey, qui a quitté OpenOffice.org en 2005 après trois de développement, explique avoir été de plus en plus « frustré » par la bureaucratie de l'organisation : « OpenOffice a un processus très centralisé de contrôle du code source et, par ce système, rate complètement l'intérêt d'un développement Open Source. » De même, Bruce d'Arcus, un des développeurs principaux d'OOo, dit que si « les développeurs Sun ont travaillé dur pour ouvrir le processus d'OOo », avec « des résultats positifs », cela ne lui convient toujours pas. « Il y a une contradiction fondamentale entre avoir une communauté ouverte et animée, et avoir un processus contrôlé par un seul acteur. » Ces développeurs frustrés d'OpenOffice.org dénoncent ce contrôle serré, lié à une culture bureaucratique, qui handicaperait l'évolution de la suite bureautique. Pour eux, c'est cela qui explique certains retards du produit au niveau fonctionnel. Et de citer l'interface Mac, à la traîne du système, ou l'incapacité à lire et écrire le format OOXML utilisé par Microsoft dans Office 2007. Cette frustration aurait aussi retenu d'autres éditeurs, comme Novell ou Google, de s'impliquer davantage dans le projet. IBM nouveau leader de l'opposition à Microsoft Erwin Tenhumberg, employé de Sun en charge du développement et du marketing de la communauté, reconnaît le manque d'ouverture de Sun. Mais pour lui, le fait que ce soit des employés de Sun qui aient écrit 90% de la dernière version de la suite bureautique est aussi dû au manque d'implication des autres : « Il y a une longue tradition chez Sun de ne pas donner assez d'attention aux contributeurs externes parce que pendant longtemps il n'y en a pas eu. » IBM ne manque pas de pointer du doigt ce souci de management. « Nous pensons qu'il y a un large consensus pour estimer que des changements structurels et de gouvernance rendraient le projet OpenOffice plus séduisant pour les autres, lance par exemple Doug Heintzman, directeur de la stratégie Lotus chez IBM. Ce n'est pas un secret de dire que cela a été un problème pour nous depuis un certain temps et, qu'à cet égard, nous considérons qu'OpenOffice.org n'est pas en aussi bonne santé qu'il pourrait l'être. » L'arrivée de cet autre poids lourd dans la communauté OpenOffice pourra-t-elle changer la donne ? C'est en tout cas l'intention d'IBM qui, après avoir dédié 35 développeurs à ce projet, lancé sa propre distribution sous le nom de Lotus Symphony, et pris la tête de l'opposition à OpenXML (Sun, nouveau meilleur ami de Microsoft, se réfugiant dans l'abstention), ne cache pas ses ambitions. Pour Sean Poulley, vice-président business et stratégie de la division Lotus, si IBM va travailler dans le cadre existant, « nous prendrons notre position de leader de droit dans la communauté aux côtés de Sun et des autres ». Transformant ainsi le dragon bureaucratique en hydre à deux têtes ?