Pour France Télévisions, la migration vers le système de paiement SEPA n'est plus à faire. Le groupe audiovisuel français a démarré son projet en mai 2013 et l'a achevé fin novembre. D'ici le 1er février 2014, toutes les entreprises françaises devront de la même façon avoir pris en compte dans leur logiciel de trésorerie cette harmonisation européenne de la gestion des virements et des prélèvements bancaires. Mais une partie d'entre elles n'a pas encore franchi le pas et il reste moins de sept semaines avant la date butoir (*). Chez France Télévisions, le passage s'est fait le 25 novembre dernier en big bang, c'est-à-dire en une seule fois sur toutes les banques avec lesquelles l'entreprise travaille.

L'équipe projet a réuni une quinzaine de personnes sur cinq mois : des spécialistes fonctionnels, sur les questions de trésorerie, une maîtrise d'oeuvre et une maîtrise d'ouvrage sur la finance et RH, la DSI intervenant sur la mise à jour de l'ERP et du SIRH, secondée par une équipe de tierce maintenance applicative. La mise en place du format SEPA a concerné l'ensemble des virements en euros issus de différents logiciels : Oracle/Ariane pour l'ERP finance principal, Qualiac et Xotis (un logiciel adapté aux métiers de l'audiovisuel), FRP Treasury (de Sage) et Pléiades (Sopra)/Papyrhus NG pour gérer la paie des collaborateurs permanents et non permanents.

Des tests à effectuer avec rigueur

Le groupe audiovisuel français, qui a réalisé en 2012 un chiffre d'affaires de 3,18 Md€, compte 23 entités juridiques distinctes et 10 700 collaborateurs. Il présente la particularité d'évoluer dans un environnement multibancaire avec 6 banques dans l'Hexagone et 6 banques pour les DOM/TOM qui ont chacune leur processus et leur organisation, nous a expliqué Jérôme Pouvreau, responsable trésorerie et financement groupe chez France Télévisions. « Cela crée de la complexité d'échanger avec 12 partenaires différents. Il a fallu mener des tests et mettre à jour les contrats avec 12 établissements ». En revanche, les problématiques ne s'appliquent dans le groupe qu'à des règlements franco-français, ce qui permet cette fois de réduire la complexité.

La période de test a duré de juin à août. Elle a porté sur les structures de fichiers et a conduit à réaliser 450 tests de communication bancaires suivant le protocole EBICS T&S avec signature électronique. « Il faut être extrêmement organisé et structuré sur ces protocoles de test », met particulièrement en garde Jérôme Pouvreau qui estime au passage que les banques ne disposent pas toujours des compétences requises. « Elles ont sous-investi en formation », trouve-t-il. Pour lui, elles sont techniquement faibles et débordées alors que le projet SEPA a pourtant été lancé dès 2007.

Parmi les points pouvant s'avérer délicats à traiter sur les projets SEPA, Jérôme Pouvreau recommande de porter attention au format de fichiers. Il existe aujourd'hui différentes versions du format SEPA supposé standardisé, souligne-t-il en expliquant que toutes les banques n'utilisent pas exactement les mêmes champs, certains de ceux-ci étant obligatoires pour les unes et facultatifs pour les autres. « Nous avons demandé aux banques de s'adapter au format de plus couramment utilisé », rapporte le responsable trésorerie et financement.

Récupérer les codes IBAN oblige à recourir à un prestataire

Le virement et le prélèvement SEPA nécessitent d'utiliser des coordonnées bancaires  harmonisées à l'échelle européenne : l'IBAN qui identifie le compte bancaire (sur 27 ou 34 caractères selon le pays où le compte est tenu) et le BIC pour identifier la banque. France Télévisions devait transformer 95 000 RIB. Parmi les mauvaises surprises rencontrées au cours du projet, Jérôme Pouvreau a relevé les difficultés de cette « ibanisation ». Il rappelle qu'il n'y a pas de bases de données pour récupérer automatiquement les codes BIC (gérés par Swift**). Il existe bien un portail Internet pour effectuer des vérifications mais il ne permet pas de retrouver facilement le code de la banque. Pour transformer les coordonnées bancaires en IBAN, il y a des algorithmes, mais rien d'automatisable pour la récupération du code BIC. Cela nécessite donc de recourir à des prestataires ayant développé des outils pour interroger la base Swift. Sur cette partie, les entreprises se retrouvent dès lors tributaires de prestataires extérieurs.

Si elle est incontournable, la migration vers SEPA constitue en revanche un projet à très faible valeur ajoutée, met en évidence Jérôme Pouvreau. Pour en tirer néanmoins avantages, le groupe France Télévisions en a profité pour nettoyer son référentiel de données sur les tiers (fournisseurs et clients) et sur ses salariés, notamment en rectifiant les RIB erronés ou invalides.

(*) Le Gouvernement a mis en place un site d'informations : Urgence-SEPA
(**) Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication.