Thunderbird n'a pas l'attention qu'il mérite, le mieux pour ce logiciel Open Source de gestion de ses mails serait donc de sortir de Mozilla. Voilà en substance le message de Mitchell Baker, qui dirige Mozilla Corp., l'entité commerciale de la Fondation Mozilla, qui édite Thunderbird et Firefox. Dans son blog, Mitchell Baker explique en effet que Mozilla accorde toute sa priorité au navigateur Firefox, et réfléchit par conséquent à de nouvelles options pour continuer le développement de Thunderbird et le rendre plus visible. La CEO de Mozilla Corp. appelle donc les utilisateurs à donner leur avis et propose de son côté trois options : - Option 1 : créer une organisation à but non lucratif sur le modèle de Mozilla, une Thunderbird Foundation, qui elle-même pourrait donner naissance dans le futur à une filiale commerciale pour gérer les revenus. Mais cela demande un travail complexe de mettre sur pied tout cela. - Option 2 : créer une nouvelle filiale au sein de la fondation Mozilla, mais avec toujours le risque que la priorité soit donnée à la filiale gérant Firefox. - Option 3 : développer Thunderbird en tant que projet communautaire, soutenu par une petite entité commerciale assurant services et support. Une solution qui paraît à Mitchell Baker « plus simple et plus efficace que créer une nouvelle filiale ». Dans tous les cas, il ne s'agit en aucun cas de tuer Thunderbird, mais au contraire de faire en sorte que l'autonomie gagnée lui offre de meilleures bases pour se développer, explique Tristan Nitot, président de Mozilla Europe. « Au début, raconte-t-il, il y avait deux développeurs sur Thunderbird et deux sur Firefox. Les deux projets avaient autant d'importance. Puis cela a commencé à diverger. Il y a aujourd'hui plus de 100 millions d'utilisateurs de Firefox, contre 4 à 5 millions pour Thunderbird. » Du coup, Thunderbird est resté avec ses deux développeurs, tandis que la communauté Firefox grandissait. Pas de communauté ni d'avenir sans leader charismatique Pour Tristan Nitot, le fait d'accorder la priorité dans les arbitrages à Firefox va de soi. « D'une part parce que la dynamique du marché est très différente, il y a par exemple des problèmes de compatibilité dans les navigateurs Web qui n'existent pas dans l'email. Il est par ailleurs beaucoup plus facile d'essayer d'utiliser un nouveau navigateur que de changer de gestionnaire d'email si on a de grosses archives. En outre les nouveaux arrivants sur le Web privilégient le webmail, la messagerie instantanée, les blogs et sites communautaires... Les jeunes considèrent le mail comme un truc de vieux, quelque chose pour l'entreprise. Donc vu l'enjeu qu'est le Web aujourd'hui, il est logique que lorsque Firefox et Thunderbird sont en compétition pour une ressource (marketing, assurance qualité, etc.), Firefox l'emporte. Dans ces conditions, Thunderbird ne peut pas atteindre son plein potentiel. » Tristan Nitot espère que les utilisateurs de Thunderbird se mobiliseront, afin de « prendre leur destin en main, influer sur l'avenir du produit ». Que ce soit en donnant de l'argent, ou en remontant des bugs. Le président de Mozilla Europe assure que la maison mère n'a aucune idée préconçue sur la forme que cette séparation prendra : « Personnellement, j'aime bien l'option 2, qui me paraît plus raisonnable que l'option 1, monstrueuse d'un point de vue administratif. Et je crois que Scott McGregor, un des deux développeurs de Thunderbird, aimerait l'option 3. » Mais quelle que soit la solution retenue (une des trois options ou une autre suggérée par un utilisateur), il faudra un leader charismatique pour constituer et maintenir cette nouvelle communauté, faute de quoi un bon gestionnaire d'emails risque de disparaître.