Tout n'est pas encore joué. Alors que l'adoption du format de fichier OpenDocument par plusieurs Etats américains semblait acquise par avance, une série d'initiatives viennent freiner la marge de progression de ce format soutenu par le monde de l'Open Source - et format par défaut dans la suite OpenOffice. Si l'Etat de New York est venu se greffer à la liste des "early adopters" d'ODF, le Texas, l'Oregon, la Floride, le Connecticut et, plus récemment, la Californie font machine arrière. Sans définitivement abandonner l'idée d'utiliser ODF dans leurs échanges de documents, ces Etats ont transformé ce qui semblait être une recommandation d'usage en une simple étude de cas. Mettant en sommeil les projets de loi, et repoussant aux calendes grecques la formalisation d'ODF. Un constat qui rejoint la décision prise par le Massachusetts qui, s'il constitue toujours le bastion pionnier du standard ouvert, a rapidement changé son fusil d'épaule, optant pour la formule édulcorée d'un traducteur bi-directionnel. Comme celui développé par Clever Age en collaboration avec Microsoft. L'Etat de New York et le Minnesota restent quant à eux mois radicaux, préférant avancer sur la pointe des pieds, déclarant d'emblée qu'il ne s'agit que d'une étude de faisabilité. De l'influence des lobbyistes Certains y verront une preuve de la puissance du lobbying de Microsoft qui, pour barrer la route à l'adoption d'ODF et d'applications supportant le format, s'est rapproché des comités censés valider les projets de lois. D'autres mettront en avant les trop lourdes spécifications techniques qui, misent entre les mains de sénateurs, demeurent indigestes. Y compris pour ODF, même si le dossier technique est beaucoup plus léger que celui du format concurrent Open XML défendu par Microsoft. " Nous sommes des experts de politiques publiques. "Décider de standards techniques n'est pas notre métier', rappelle Don Betzold, sénateur démocrate du Minnesota. Pourquoi alors basculer vers un format compliqué, aussi ouvert soit-il? Don Betzold insiste sur le fait que si le lobbying de Microsoft était évident, IBM, de son côté, le principal sponsor d'ODF, n'était pas non plus innocent. "Microsoft avait ses intérêts. IBM avait les siens", commente-t-il. IBM reste toutefois serein Pour Bob Sutor, vice-président des standards et de l'Open Source chez IBM - fervent défenseur d'ODF -, le recul des Etats américains dans l'adoption d'ODF constitue une étape dans l'évolution naturelle d'un standard. "Nous avons pu constater cela avec d'autres standards. Prenons le Web par exemple. Il s'est popularisé vers 1994 et 1995. Avec le recul, il débuta dans les années 80. Pour la plupart des standards, cela prend entre 5 ou 10 ans pour s'établir. Ils débutent à travers des comités, existent par eux-mêmes et ensuite, arrivent les intérêts commerciaux. Les services Web ont démarré en 2000, mais nous avons vu la SOA arriver entre 2004 et 2005." Pas lieu dès lors de s'inquiéter, semble-t-il supposer. ODF suit une trajectoire normale. Il s'agit simplement d'une période de transition. D'autant plus que la lenteur des processus des comités législatifs des Etats ralentissent les négociations. Il se veut toutefois confiant : "Les changements sont bien en cours". Des changements bien plus importants pourraient par ailleurs se produire. Car si pour l'heure aucune convergence entre les formats ODF et Open XML n'est à prévoir pour des raisons techniques - "la technologie XML de Microsoft n'est pas bonne"-, Sutor anticipe que l'éditeur de Redmond se mette à développer d'ici quelques années un autre format, plus proche d'ODF en termes d'architecture. Et " ainsi, je pourrais penser à une convergence naturelle qui unira les deux [formats, ndlr]".