Depuis le 8 mars, la pétition [http://classicvb.org/petition/] a recueilli plus de 2000 signatures dont plus de 200 MVP Microsoft (Most Valuable Person, distinction attribuée par Microsoft pour ses partenaires les plus méritants). Cette pétition réclame la reprise du développement de VB6, la continuation de son support et suggère une mise à jour qu'elle appelle VB.COM (basée sur la technologie COM) qui cohabiterait dans l'IDE Visual Studio.

Interrogé sur sa position vis-à-vis de cette pétition, Microsoft n'a encore délivré aucun discours officiel. Cependant, Alain Le Hégarat, responsable marketing .NET Microsoft France, précise que l'arrêt du support ne concerne que le support gratuit du produit et qu'il était tout à fait prévisible. En effet, chez Microsoft, le support gratuit d'un produit s'arrête avec la sortie de la version N+1. Pour VB6, lancé en 1998, ce support aurait déjà dû s'arrêter avec la sortie de Visual Studio .NET en 2002. Il a été repoussé au-delà de la version N+2 (Visual Studio 2003). De plus, il ne s'agit que du support gratuit qui s'arrête, c'est-à-dire des deux appels hotline inclus dans la boîte – qui d'ailleurs ont déjà dû être consommés, depuis le temps… Le support payant continuera d'exister jusqu'en 2008, notamment via les contrats d'abonnement MSDN, voire même jusqu'en 2012 pour certains contrats spécifiques.

Cette pétition provoque de vives réactions dans la communauté Visual Basic, en témoigne la forte activité de la blogosphère relayée par la presse en ligne. Certains vont même jusqu'à demander à Microsoft d'ouvrir le code de VB6 en Open Source [http://www.panopticoncentral.net/archive/2005/03/10/7951.aspx] et de laisser la communauté VB le maintenir selon ses propres besoins : pourquoi pas ! Au-delà du fait que le support gratuit s'arrête, ce mouvement met le doigt sur le vrai problème qui est la difficulté de migrer de VB6 vers VB.NET.

D'une manière générale, les aficionados du langage VB s'insurgent contre la politique de Microsoft consistant à forcer les utilisateurs à migrer vers VB.NET, car arrêter le support de VB6 revient à cela. Nombreux sont ceux qui ont tenté la migration VB6 vers VB.NET et qui en sont revenus : l'effort à consentir pour adapter le code mais surtout pour appréhender la nouvelle plate-forme .NET est trop important. Les développeurs sont souvent pris par le temps et freinés dans leurs moyens. Visual Basic est souvent utilisé pour écrire des utilitaires, des petites applications sous Windows et les programmeurs dans ces cas-là ne voient pas l'intérêt de passer à .NET.

Avec l'adoption massive de VB dans les années 90, les développeurs VB ont souvent été critiqués et ont critiqué leur langage comme étant de seconde zone. Lorsque que Microsoft lança en 2002 Visual Basic .NET avec la plate-forme .NET, ce fut une rupture technologique importante. Visual Basic devenait un véritable langage objet, supportait le multhreading, accédait à toute l'API de la plate-forme… Mais ce fut également une rupture financière. Comme le reconnaît Alain Le Hégarat, Microsoft a sous-estimé l'impact formation nécessaire à cette adaptation. La firme a également commis des erreurs au niveau communication : elle n'a pas assez insisté sur le fait que VB avait vraiment évolué. En fait VB.NET est quasiment un nouveau produit et le discours marketing a jusqu'alors cherché à minimiser les différences entre les deux versions.

Aujourd'hui, le discours marketing va changer. Plutôt que de vouloir à tout prix migrer ses applis VB6 en .NET, Microsoft va prôner l'intégration de l'existant VB6 avec les nouveaux composants .NET. D'une certaine manière, la nouvelle version de Visual Studio 2005 qui pointe son nez représente un pas en arrière, un rapprochement vers VB6. Au niveau du prix, l'édition Express retrouve son public, la grand public. Au niveau technologique, VB2005 renoue avec certains avantages de VB6 qui avaient disparu dans VB.NET : Edit and Continue, l'espace de nommage My… Pour Microsoft, 2005 sera un tournant décisif pour l'adoption de la plate-forme .NET.

Pour l'heure, Microsoft semble rester sur sa position. Les développeurs VB6 devront se faire une raison : continuer à développer avec un produit qui n'évoluera plus, avec ses défauts et ses qualités, ou passer à .NET.

Concernant le développement d'un nouveau VB.COM non managé, Paul Vick, Technical Lead dans l'équipe Visual Basic .NET, donne sur son blog [http://www.panopticoncentral.net/] une réponse semi-officielle : « Microsoft a très clairement exposé […] que le code managé est la direction vers laquelle se dirigent nos composants et nos API. Ainsi, favoriser un nouveau développement (par opposition à étendre le support d'un développement existant) dans un « VB non managé » ne reporte pas seulement l'inévitable, il le rend pire. Cela encourage les gens à continuer à écrire beaucoup plus de code qui, quelque part au bout du chemin, devra être porté en .NET. Cela soulage la douleur à court terme pour seulement causer une plus grande douleur à long terme, quelque chose dont nous ne voulons pas prendre la responsabilité. »

Selon une étude portant sur 2600 développeurs [http://www.visual-expert.com/us/info/survey_vb_2004_results.htm], 78% des développeurs VB utilisent encore VB6, contre 19% seulement pour VB.NET. Parmi ceux qui sont encore en VB6, un tiers ont l'intention de migrer en VB.NET cette année, alors que 12% n'ont pas l'intention de migrer et 42% ne savent pas encore. Comme on peut le constater, la migration sera lente et partielle et VB6 a encore de beaux jours devant lui. A noter que VB est plutôt utilisé dans de petites équipes : 75% des entreprises ont des équipes de moins de 5 développeurs VB.

Il convient cependant de relativiser la « révolte » que représente cette pétition. On estime à plusieurs millions le nombre de développeurs Visual Basic dans le monde. Que représente les quelques milliers de mécontents qui ont signé ? Cette pétition et l'émotion qu'elle suscite dans la communauté VB auront au moins eu le mérite de montrer à quel point les développeurs VB6 sont attachés à leur langage.