Hier matin, à Paris, le Collectif du numérique, désormais composé de vingt-et-une organisations du monde des TIC(*), a confronté les responsables de ces questions au sein des équipes de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Fin mars, le regroupement avait interpellé les dix candidats à la Présidentielle sur leur vision numérique.

A première vue, ce matin, peu de dissensions apparentes entre les deux camps en lice. Enfin... tant qu'il s'est agi de présenter les actions prévues par les équipes rivales pour soutenir l'innovation, les PME, le développement international, les échanges entre l'industrie, l'université et la recherche ou, encore, l'indispensable renforcement de la formation. Sur ces dossiers, Fleur Pellerin, responsable de l'économie numérique au sein de l'équipe de campagne de François Hollande, et Nicolas Princen, responsable du projet numérique et de la campagne web de Nicolas Sarkozy, ont déroulé tour à tour des intentions souvent proches. Pourtant, lorsqu'à l'issue de deux heures d'exposé et de questions/réponses avec le Collectif, les représentants des candidats ont été sondés sur les points qui les opposaient véritablement, quelques propos plus vifs se sont échangés.

Une vision différente de l'Internet

« Ce qui nous oppose, c'est notre vision de l'Internet », a lancé Fleur Pellerin, faisant écho à son blog et à certaines de ses prises de parole. « Nous n'avons pas parlé des questions de surveillance, de l'Hadopi. Nicolas Sarkozy dans son programme sur le numérique a des dispositions de nature répressive. Il voit un peu Internet comme un espace de sauvageons », à réguler absolument. « Ce qui nous oppose, c'est le bilan, les promesses qui sont faites... mais 'le meilleur reste à venir' », a-t-elle poursuivi en reprenant le slogan des 45 propositions sur le numérique du candidat président.

Piqué au vif, Nicolas Princen a énuméré la création du poste de secrétaire d'Etat au numérique [en 2008], devenu ministre rattaché à l'Industrie, ainsi que le renforcement du CIR (crédit impôt recherche) et, auparavant, le statut de JEI [créé en 2004]. « Sur Hadopi, je constate que vous n'avez rien trouvé de mieux et je vous renvoie à vos débats internes », a-t-il encore répliqué. Il a néanmoins reconnu les difficultés que l'on rencontrait une fois aux manettes. « On apprend l'humilité. Internet est un phénomène qui se transforme en permanence, ce n'est pas la chasse gardée d'une minorité. C'est de votre part un intérêt récent. Vous n'avez pas suivi le numérique dans les années précédentes », a-t-il asséné. « La cybercriminalité sur Internet, cela existe », a-t-il ajouté, en évoquant aussi les questions liées au terrorisme. Nicolas Princen a vivement regretté les critiques lancées contre diverses initiatives du président, dont le « e-G8 », qualifié de 'bling bling'. « Nicolas Sarkozy s'était fortement impliqué sur les questions du numérique alors qu'elles ne lui étaient au départ pas familières ». Il a encore rappelé la visite récente du candidat sur le Campus Numérique de Ionis Education.

Les candidats doivent s'approprier leur programme numérique

Avant cette montée au créneau, les deux représentants avaient exposé les vues de leurs équipes respectives pendant une demi-heure chacun, devant une salle comble mais fort exigüe, située à l'étage d'une annexe de la Gaîté Lyrique, dans le 3earrondissement. Après les avoir écoutés, les membres du Collectif du numérique ont posé leurs questions et demandé des précisions sur les mises en oeuvre concrètes. Guy Mamou-Mani, président de Syntec Numérique, a estimé que la profession aurait un peu abouti dans sa démarche d'interpellation des candidats si lors du grand débat entre les deux candidats à l'élection présidentielle, ce sujet est abordé d'une façon ou d'une autre. « Nous avons ici une déclaration d'intention mais pas, pour l'instant, une appropriation des sujets par les candidats tant que je ne l'aurai pas entendu dans les discours des candidats ».

D'autres membres du Collectif ont par la suite émis des considérations similaires, notamment le secrétaire général de l'Afdel, Loïc Rivière. « Si la compétence et l'implication des représentants des candidats pour le numérique ne fait aucun doute, le silence des candidats eux mêmes sur le sujet nous laisse plus que dubitatif », a-t-il écrit dans un message. « Nous craignons même que la création d'un ministère ou d'un secrétariat d'Etat dédié au numérique ne soit pas assurée. »