En ces périodes de fin d'année, l'heure des traditionnels bilans a sonné. Nous avons demandé à nos experts leur avis sur cette année écoulée dans le domaine du développement. Certaines tendances se dégagent très nettement : l'avènement des SOA, les débuts de l'industrialisation des développements, montée en puissance des logiciels libres, le client riche et le Web 2.0. 2005, c'est le vrai départ de l'industrialisation du développement logiciel. L'objectif est maintenant de gérer de bout en bout le cycle de vie du logiciel : gestion des exigences, conception, développement, tests, déploiement, maintenance. L'outillage arrive à maturité avec les offres du trio IBM, Borland et Microsoft. Cette année, Microsoft a fait son entrée dans ce marché avec la sortie de Visual Studio 2005 Team System. Une sortie tardive, en novembre, qui a donc laissé un certain répit à la concurrence. D'autant que pour exploiter totalement cette solution, il faudra encore attendre la sortie de Team System Foundation, la partie serveur de Team System, prévue pour le premier semestre 2006. Mais si l'offre des éditeurs est aboutie, le plus gros obstacle reste l'investissement humain. « Le passage à une solution d'industrialisation est encore repoussé par nombre de clients et d'intégrateurs qui refusent les investissements nécessaires (les outils ne sont que la partie émergée de l'iceberg). La politique du court terme, de l'investissement minimal continue de faire des ravages » fait remarquer Jean-Louis Bénard, fondateur de Brainsonic. Le buzzword de l'année 2005 est sans conteste SOA. Les architectures orientées services ont envahi les présentations marketing, les communiqués de presse et les salons branchés. Les éditeurs de middlewares, d'EAI, de BPM, d'outils de workflow ou de messaging ont tous des solutions miracles pour mettre en place la SOA. Les éditeurs n'osent plus parler d'EAI, « un terme tellement devenu en un an quasiment ringard tellement il est signe d'usine à gaz » nous confie Sami Jaber, consultant chez Valtech. Pour Jean-Louis Bénard, « 2005 a été pour les SOA une année paradoxale. Si clients et prestataires s'accordent désormais sur la nécessaire mise en oeuvre d'architectures à couplage faible et à base de services web, l'exaspération face à l'explosion des WS-* ne fait que croître. La complexité sous-jacente que les éditeurs sont en train d'établir, comme toujours «pour le bien du client» pousse les entreprises à travailler sur la base de services web simples et pragmatiques. Des solutions censées encapsuler la complexité suffiront-elles à rendre les choses plus faciles ? Il est encore trop tôt pour le dire. En tout cas nul doute que les SOA vont avoir le vent en poupe pour un moment. » Selon Mathieu Poujol, consultant Pierre Audoin, les tendances de 2005 sont la montée en puissance du logiciel libre, les débuts de l'industrialisation, l'avènement des SOA, la standardisation et la consolidation du marché. « Ceci a provoqué un accroissement des externalisations (centres de compétences, nearshore, offshore, infogérance...) ». Ce que confirme Jean-Louis Bénard : « Les grands intégrateurs présents en France se sont réorganisés en «centres de développement» régionaux et se rôdent sur un modèle de «nearshore» dont on ne peut dire s'il est le prélude à un mouvement plus important. Même si la croissance du marché est repartie à la hausse, elle est en partie absorbée par l'offshore ». Pour Matthieu Poujol et Jean-Louis Bénard, la généralisation des SOA et la poussée de l'offshore conduisent tous deux à une nouvelle tendance, une demande de profils haut de gamme, des moutons à cinq pattes : « architecture, compétences mixtes (techniques & fonctionnelles), experts technologiques et experts fonctionnels. Cela va engendrer des tensions sur le marché du travail, d'autant plus que le "papy boom" commence à se faire sentir » observe Mathieu Poujol. La montée en puissance des logiciels libres s'est encore confirmée en 2005 et se traduit par un phénomène de « commoditisation ». Le middleware qui jadis était vendu très cher par des éditeurs, en passant dans l'Open Source banalise son usage. C'est flagrant dans le domaine des serveurs d'applications avec l'arrivée de JBoss dans les entreprises. Didier Girard, directeur technique d'Improve, constate que « ce serveur bouleverse la donne et transforme le serveur d'applications en une véritable commodité. Au point qu'IBM a réagit à la menace JBoss en se lançant dans l'expérience Geronimo ». Le phénomène de commoditisation atteint aussi les ESB avec des projets Open Source d'IONA et d'ObjectWeb. Industrialisation laborieuse, virtualisation des développements, menace de l'offshore... le tableau pourrait sembler bien sombre. Et pourtant dans cette morosité ambiante, des hommes et des entreprises peuvent encore faire preuve d'imagination, innover et créer de la valeur : Yahoo!, Google... Cette mouvance, que l'on appelle le Web 2.0, révolutionne l'usage du Web. Ce qui est nouveau, c'est que des développeurs Web se sont emparés de technologies qui existaient déjà depuis cinq ou dix ans (les blogs, la syndication RSS, Ajax... ) pour les combiner entre elles et pour créer une nouvelle ergonomie, un nouvel usage social. Pour certains, « l'informatique ne sert pas qu'à réduire les coûts, mais bien à créer de la valeur (120 Milliards de dollars pour Google !!!). Elles prouvent que l'imagination débridée peut créer la différence face à ses concurrents. » indique Jean-Louis Bénard, qui s'emballe pour cette nouvelle aventure : « Oui, pour réduire ses coûts, optimiser ses processus, l'informatique industrialisée avec ses armées de développeurs délocalisés, CMMisés, à la créativité bridée, bien propres derrière les oreilles, est certainement la voie tracée pour les années à venir. Mais pour écrire la formidable histoire, l'épopée de la convergence de l'Internet, de la vidéo et du téléphone, il faut à la fois beaucoup moins et beaucoup plus que cela : une poignée de guerriers du code doublés d'une imagination et d'une passion débordantes, bref des chercheurs d'or... » L'année 2005 n'aura pas connu de bouleversements technologiques. Le grand lancement de l'année, Visual Studio, à la fois très attendu par la communauté et très redouté par la concurrence, est arrivé tardivement, laissant ainsi le champ libre quasiment toute l'année. Java, PHP en ont profité pour se développer tranquillement. Le grand gagnant de cette année semble être IBM, tablant sur Java et sur Eclipse, flirtant avec PHP, présent sur tous les fronts : industrialisation, Java, Open Source et même .NET. Pour Sami Jaber, « l'année 2005 a été une année de transition. De nombreuses technologies ont été incubées pendant cette année (en fait, elles avaient débuté courant 2004) et il faudra attendre encore quelques mois pour juger de leur capacité à conquérir le terrain (client riche, Indigo/Avalon). Microsoft a non seulement pris une avance sur Java dans certains domaines (Web, C#, Indigo) mais sa crédibilité devient de plus en plus importante aidé par les gains de part de marché sur le serveur (Windows devant Unix pour la première fois depuis très longtemps). »