Lors du keynote d'ouverture de Dreamforce 2020, Bret Taylor, président et directeur de l'exploitation de Salesforce, a estimé que « c’est probablement le changement technologique le plus important » entrepris par le fournisseur de SaaS depuis le lancement de sa plate-forme CRM il y a 21 ans. Et il ne parlait pas ainsi de l'accord de rachat de Slack pour 27,7 milliards de dollars. Il parlait plutôt de Hyperforce, un projet initié il y a deux ans en vue de réorganiser la plate-forme Salesforce de fond en comble pour la transformer en infrastructure de cloud public globale, et donner aux entreprises la capacité de choisir où leurs données sont hébergées. « Je pourrais partager avec vous une tonne de détails techniques vraiment intéressants, mais je préfère insister sur ce que cela va vous apporter, à vous, nos développeurs, nos administrateurs et nos clients », a déclaré M. Taylor aux participants à l'événement Dreamforce organisé en ligne le 2 décembre par le fournisseur. « Que vous soyez une petite entreprise ou une multinationale dont l’activité se situe dans un secteur fortement réglementé comme les services financiers ou le secteur public, Hyperforce peut transformer Salesforce en moteur de croissance », a-t-il ajouté.

Daniel Newman, analyste principal chez Futurum Research, l'a traduit un peu autrement : « Salesforce prend enfin acte du fait que le monde est hybride, et qu’il va permettre à ses utilisateurs de l'adopter », a-t-il déclaré. Voilà des années que le fournisseur de CRM de gestion de la relation client, héberge les données de ses clients sur son propre cloud. Au fil des ans, sa plateforme SaaS a permis aux entreprises de s’exonérer beaucoup de tâches de gestion de leurs datacenters et de leur infrastructure réseau. Mais alors que les gouvernements du monde entier renforcent la législation sur la protection des données et font de la souveraineté des données une question de sécurité nationale, l’hébergement des données dans le cloud n’offre plus la garantie de conformité nécessaire pour de nombreuses entreprises. Selon M. Newman, « elles veulent plus de contrôle sur les données hébergées sur site, dans le cloud et dans les deux environnements ».

L’adoptant précoce, pénalisé

Selon Holger Mueller, analyste principal chez Constellation Research, l’entrée précoce de Salesforce dans le cloud n’a pas eu que des avantages. « Á l'époque, le choix de la base de données d’Oracle et de son propre framework de programmation APEX était logique, mais il manque aujourd'hui de flexibilité », a déclaré l’analyste. Salesforce a dû construire sa propre infrastructure cloud parce que les acteurs IaaS comme Amazon Web Services, Microsoft Azure ou Google Cloud Platform n'existaient pas encore. « Grâce à Hyperforce, qui a permis à Salesforce de passer de sa propre infrastructure à l'IaaS, le fournisseur peut transformer une grande partie de ses dépenses d'investissement en dépenses opérationnelles, et de mieux répondre ainsi aux fluctuations des activités de ses clients », a ajouté M. Mueller. « De plus, les architectures applicatives modernes ont besoin de capacités de traitement et de stockage dans le cloud bon marché pour permettre l'exécution de processus AI/ML et big data, ce qui n'est pas possible avec l'infrastructure de première génération de Salesforce », a-t-il expliqué.

Le diable est dans les détails

Les analystes Holger Mueller et Daniel Newman attendent toujours que Bret Taylor, de Salesforce, de livrer les détails techniques qu'il a évoqués. Déjà, Daniel Newman fait remarquer que Salesforce n’a pas encore annoncé dans quels cloud le fournisseur allait lancer Hyperforce. Quant à Olger Mueller, il attend beaucoup plus d'informations de la part de Salesforce, par exemple de savoir quels produits fonctionnent dans quel pays sur quel IaaS. Pour l’instant, Bret Taylor a simplement indiqué que Hyperforce permettrait aux clients de choisir l'endroit où ils stockent leurs données et d'accéder à la capacité de calcul de manière flexible, en fonction de leurs besoins. « C'est en direct en Inde, en Allemagne, et nous allons le déployer dans 10 pays l'année prochaine », a-t-il déclaré.

Ce dernier a également évoqué des partenariats avec « toutes les entreprises de cloud publiques les plus performantes du monde entier » qui permettraient à l’éditeur de fournir des services dans toutes les régions. De plus, « chaque application Salesforce, chaque personnalisation et chaque intégration s'effectueront sur Hyperforce, quel que soit le cloud », a-t-il encore déclaré. « C'est 100% rétrocompatible. Vos applications fonctionneront sans aucun changement. Vous pouvez bénéficier de tout cela automatiquement », a-t-il ajouté. Pour rassurer les DSI qui se préoccupent beaucoup de la sécurité des applications exécutées dans le cloud public, Bret Taylor a déclaré qu'avec Hyperforce, « Salesforce a intégré la confiance directement dans la plate-forme ». Dans la pratique, cela signifie qu'il y aura des limites aux données auxquelles les utilisateurs pourront accéder, et que les données seront cryptées en transit et au repos.