Le salon Big Data 2021 est l’occasion pour certaines entreprises issues de domaines variés de se rencontrer sur des sujets communs. La Redoute, le Crédit Mutuel et Bouygues Telecom n’ont au premier abord, que peu de similitudes. Sur la question de l’industrialisation des projets d’intelligence artificielle, ces trois entreprises se rejoignent pourtant : elles sont toutes favorables à un passage à l’échelle. Ce thème intervient dans un contexte où la Commission européenne a présenté un projet de règlement sur l’intelligence artificielle instaurant un cadre juridique contraignant. Pour l’opérateur mobile français, « tous les projets autour de l’IA ont systématiquement été soumis à des comités de conformité, à la fois sur les données utilisées et sur leur traitement. Certains projets n’ont pas abouti par ailleurs pour cette raison » admet Romain Dutot, responsable de l’innovation chez Bouygues Telecom. Dans les prochains mois, son équipe compte se concentrer sur la conformité totale au règlement européen à venir.

Chez la Redoute, Samir Amellal, responsable des données de la marque historique, tient beaucoup à cette question. « On a un enjeu de gouvernance d’autant plus fort avec cette réglementation, on va devoir s’assurer d’être en conformité avec ce dispositif bien sûr. Etant historiquement une entreprise de VPC (vente par correspondance), la Redoute était déjà très familière avec les anciennes réglementations. Ces problématiques devraient être intégrées dans l'approche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) de l'entreprise en s'assurant par exemple de l'éthique des algorithmes.

Une mise à l’échelle accélérée par la pandémie 

L’IA, longtemps sujet de critiques, tend vers une plus large acceptation au sein des entreprises. Autrefois vue comme une technologie qui remplacerait l’humain, elle sert aujourd’hui de soutien aux équipes et permet de traiter certaines tâches complexes pour l’humain. Romain Dutot reconnaît toutefois que l’opérateur n’est pas « IA native ». L’entreprise travaille depuis un an sur une mise à l’échelle et connaît quelques problèmes d’acculturation à l’IA. Avec le temps, des avancées ont cependant pu voir le jour, un chatbot – depuis 2015 –, un voicebot en soutien à la relation client, ou encore des outils dédiés au département finance, « cela nous permet de faire des analyses qui sont complexes pour l’humain, à l’exemple de l’analyse de contrat pour la direction des achats » assure ce responsable de l'innovation. 


Romain Dutot, responsable de l’innovation chez Bouygues Telecom, travaille depuis plusieurs années sur le développement d'outils basés sur l'IA. (Crédit : Bouygues Telecom)

Le Crédit Mutuel a, quant à lui, accompagné toutes ses équipes, incluant la direction, sur ce sujet. « L’intelligence artificielle avait amené des peurs au démarrage, dont certaines qui persistent aujourd’hui » déclare Michèle Brengou, coordinatrice métier des solutions cognitives chez Euro Information Crédit Mutuel. En 2016, le groupe avait créé un analyseur d’e-mails en dix mois pour traiter le nombre de messages qui arrivent par différents canaux. Durant la pandémie, celui-ci a a réitéré l’expérience et créé un assistant de recherche pour les 30 000 conseillers du groupe bancaire en moins de six semaines. Fière de cette standardisation réussie, l’entreprise a appliqué cette modélisation d’un processus déjà connu aux outils clients, au sein des différentes filiales du groupe pour passer à l’industrialisation.

Michèle Brengou, coordinatrice métier des solutions cognitives chez Euro Information Crédit Mutuel, était également présente au salon Big Data 2021. (Crédit : Crédit Mutuel)

Afin d’accélérer son passage à l’échelle, Samir Amellal indique que l’équipe dédiée à la data chez la Redoute (une trentaine de personnes) a notamment mis en place des outils de gestion de promotion, une tâche auparavant gérée manuellement. Cette industrialisation a été accueillie avec certaines réserves de la part des employés de la Redoute. Le déploiement d’un framework au sein de l’entreprise, dans tous les services, a permis de travailler sur l’identification de problèmes de qualité de données, ou des dispositifs commerciaux pour identifier les potentiels concurrents. Michèle Brengou précise pour sa part avoir observé un changement considérable dans le temps de traitement des mails, divisé par deux grâce à des outils basés sur l’intelligence artificielle. Chez Bouygues Telecom, Romain Dutot, explique de son côté avoir développé plusieurs chatbots à destination des collaborateurs. L’opérateur admet par ailleurs avoir finalisé la migration de l’ensemble de ses environnements développement sur le cloud depuis cet été. Par ces outils, les trois firmes espèrent faire avancer le débat sur l’IA et son application au quotidien, au service des collaborateurs comme des clients.