Le communiqué de presse met l'accent sur l'orientation ALM (Application Lifecycle Management) engagée par Borland depuis trois ans. L'acquisition de Segue Software, un éditeur d'outils de qualité et de test, s'inscrit dans cette stratégie. Entre les mastodontes que sont devenus Eclipse et Visual Studio, il ne reste guère de place pour les éditeurs d'environnements de développement. Avec la montée inexorable d'Eclipse, les parts de marché de JBuilder se sont fortement érodées. C++Builder et C#Builder n'ont jamais vraiment réussi à percer. Quant à Delphi, s'il garde un base de développeurs fidèles sur la plate-forme Win32, il n'a plus les moyens de rivaliser avec le couple plate-forme .NET/Visual Studio. Borland accuse donc de mauvais résultats, ce qui a conduit à la démission de Dale Fuller de son poste de PDG en juillet dernier [https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-borland-perd-son-pdg-et-revoit-ses-previsions-de-resultats-a-la-baisse-9799.html], remplacé depuis par Tod Nielsen. De mauvais résultats dus à l'activité IDE de la société, en net déclin depuis 2002. En revanche, l'activité ALM connaît selon Borland une croissance à deux chiffres. L'abandon de l'activité IDE s'inscrit donc dans une logique économique implacable. Mais pour les développeurs, surtout les fidèles à Delphi, cet abandon risque d'être un choc. C'est tout un pan de l'histoire du développement logiciel qui s'écroule. Bien qu'il n'ait pas inventé l'IDE, Borland a popularisé le concept avec Turbo Pascal. A partir d'un compilateur Pascal écrit par Anders Hejlsberg, la société menée par le français Philippe Khan ajoute une interface utilisateur et un éditeur et lance la première version de Turbo Pascal en 1983. C'est le premier outil de développement réellement conçu pour le PC, vendu dix fois moins cher que les outils IBM ou Microsoft de l'époque. Le succès est immédiat et Borland fonde sa notoriété sur ce produit. Anders Hejlsberg rejoint la société et lance Delphi en 1995 (Anders rejoint Microsoft en 1996 où il conduit J++, Windows Foundation Classes et C#). Dans les années 90, tente une diversification dans les applications bureautiques (Quattro Pro, Paradox, dBase). Mais Microsoft est sur tous les fronts, et reconquit le domaine des outils de développement avec Visual Basic, puis Visual Studio. En 1998, Borland tente un nouveau virage dans les solutions d'intégration d'entreprise et change son nom en Inprise. Mauvaise idée, la société reprend le nom de Borland en 2001 et renoue timidement avec le succès. L'arrivée d'Eclipse marque un nouveau déclin. Aujourd'hui, Chris Barbin, vice-président senior de la division mondiale de Services de Borland, était le seul interlocuteur disponible pour répondre aux questions. Pour l'heure, on ne connaît les éventuels repreneurs de l'activité IDE. Borland semble confiant et l'éventualité qu'il n'y ait aucun repreneur ne l'inquiète pas. En attendant, les développements ne sont pour autant pas stoppés. Quant aux chances de Borland de s'imposer dans le marché de la gestion du cycle de vie, face à IBM et Microsoft, Chris Barbin délivre le discours rodé de la firme : l'atout de Borland est d'être indépendant et cross-plateforme. Concernant l'intégration des outils provenant de l'acquisition de Segue Software, cela devrait se faire rapidement, ils sont déjà intégrés avec CaliberRM et StarTeam. Si Borland conserve encore une bonne longueur d'avance sur Microsoft dans le domaine de la gestion du cycle de vie (Team System n'est pas encore sorti), la compétition sera rude avec IBM qui s'appuie avec succès sur Eclipse et qui dispose d'une bonne base installée dans les grands comptes. D'autres acteurs tels que Mercury, Serena, Telelogic sont également dans la course dans un marché qui s'annonce juteux. IDC prévoit un marché en croissance jusqu'à 3,3 milliard de dollars en 2009, avec un taux de croissance annuel de 9,2% de 2004 à 2009. La décision de tout miser sur la gestion du cycle de vie est un véritable coup de poker. Borland peut sauver sa peau ou tout y perdre. L'avenir nous le dira.