Le e-commerçant français Cdiscount exploite l'IA générative pour conseiller ses clients. L'application, que la société teste pour l'instant sur une partie de son catalogue, vise à accompagner les internautes via un chatbot répondant à leurs interrogations en langage naturel. Pour ce faire, le e-commerçant a choisi de s'appuyer sur la start-up nantaise iAdvize, avec qui il travaille depuis 2011.

L'intérêt du e-commerçant pour l'IA générative s'est manifesté dès la fin 2022, avec la sortie d'outils comme ChatGPT. « Pour notre entreprise, l'IA est un levier essentiel pour traiter les vastes volumes de données que nous manipulons : 20 millions de visiteurs uniques par mois, 80 millions de références de produits... Dès que les nouveaux modèles d'IA générative sont apparus, nous les avons testés pour imaginer des cas d'applications de la technologie », indique Alaric d'Agrain, chef de projet chez Cdiscount qui rappelle qu'une cinquantaine d'algorithmes d'IA sont en production au sein de la société. Le e-commerçant, qui fait partie du groupe Casino, décide alors de tester en premier lieu la technologie sur la partie conversationnelle, domaine où il travaille depuis une dizaine d'années avec iAdvize. « Deux mois après les premiers échanges avec cette société sur le sujet, nous avons pu lancer nos tests », reprend le chef de projet.

Un prompt sur mesure soumis à GPT 3.5

Pour aller rapidement en production, Cdiscount mise sur le modèle GPT 3.5 d'OpenAI, hébergé sur les serveurs européens de Microsoft Azure. « Le modèle n'est pas entraîné sur nos données, mais nous travaillons le prompt pour limiter le plus possible les hallucinations », décrit Alaric d'Agrain. Les questions des consommateurs sont ainsi associées, dans le prompt, à leur contexte de navigation, en particulier la description complète du produit qu'ils sont en train de consulter.

Positionné en amont des téléconseillers d'abord sur le gros électroménager, le chatbot motorisé par GPT 3.5 permet de traiter 40% des questions, celles portant uniquement sur les caractéristiques du produit. « Car c'est ce qu'on le contraint à faire », précise le chef de projet. Là encore, pour limiter tout risque lié à l'usage de l'IA générative, notamment la propension de cette technologie à inventer des réponses (les fameuses hallucinations). Cette précaution est doublée d'une analyse des conversations mal notées par les internautes. « Cette analyse nous a permis, aux débuts des tests, d'écarter dans un premier temps les recommandations de produits. Car le modèle avait manifestement été entraîné sur des catalogues produits comportant des références et des prix ne figurant pas dans notre inventaire, références qu'il suggérait dans ses réponses », précise Alaric d'Agrain. Enfin, pour éviter toute polémique liée aux usages de l'IA générative, Cdiscount modère les questions - pour filtrer les données personnelles de ses clients -, mais aussi les réponses du chatbot, via des mots-clefs. Une sécurité supplémentaire par rapport au travail déjà mené par OpenAI pour policer les réponses de sa technologie.

Un taux de conversion similaire à celui des téléconseillers

« Nous avions la conviction que cette technologie nous permettrait de dépasser les limites des chatbots basés sur les arbres de décision, qui se révèlent assez décevants, dit Alaric d'Agrain. Et, effectivement, le niveau de qualité et la rapidité attendus sont bien là. » Cdiscount fait état d'un taux de satisfaction de 70% sur le nouveau chatbot, là où les téléconseillers atteignent 80 à 85%. C'est aussi trois fois plus que les générations précédentes de chatbots n'intégrant pas l'IA générative (ce qui, au passage, laisse songeur sur l'intérêt de ces derniers).

« Surtout, le taux de conversion est similaire à celui obtenu par nos téléconseillers », précise Alaric d'Agrain, qui se réfère aux tests menés par le e-commerçant en A/B Testing. Pour le directeur de projet, le positionnement de ce type de chatbot en amont des téléconseillers permet de libérer du temps pour ces derniers et de mieux traiter les volumes de questions auxquels ces équipes font face. « Nous avons beaucoup travaillé sur la capacité du chatbot à passer le relais à nos téléconseillers », note le directeur de projets. « J'ai la conviction que l'IA générative va transformer la relation client en apportant une qualité de service renforcée aux clients et des missions à plus forte valeur ajoutée aux conseillers », indique pour sa part Antoine Pierart, directeur marketing et expérience client chez Cdiscount, dans un communiqué.

D'abord testée sur le gros électroménager, la technologie a depuis été étendue à deux autres catégories de produits : la télévision et l'outillage de jardin. Une extension qui permettra à Cdiscount de réellement chiffrer les bénéfices économiques du projet, les appels à l'API de GPT 3.5 se traduisant par un coût. « Avec les volumes que nous traitons désormais, nous allons pouvoir mesurer l'incrément de transformation qu'apporte l'outil et donc son retour sur investissement », précise Alaric d'Agrain. En effet, sur les questions relatives aux produits, les clients étaient auparavant directement mis en relation avec les téléconseillers, les chatbots des générations précédentes étant limités à des problématiques liées à la relation client. « Donc, sur les questions relatives aux produits, nous étions jusqu'alors limités en termes de volume de conversations que nous pouvions prendre en charge », précise le directeur de projets.

Extension à tout le catalogue de produits

Ces premiers jalons permettent aujourd'hui au e-commerçant de regarder plus loin. Notamment de lorgner sur le potentiel de l'IA générative pour traiter les 60% de questions qui sont toujours transmises directement aux téléconseillers. « La prochaine étape pourrait consister à confier au chatbot les questions sur les recherches de produits alternatifs, avec des suggestions issues de notre catalogue et des comparaisons entre différents produits », dit Alaric d'Agrain. Sans oublier évidemment l'extension de la technologie à l'ensemble du catalogue, qui nécessitera la sortie du mode tests et donc une industrialisation de la solution conçue avec iAdvize.

Et, pour le e-commerçant, dont l'avenir dépend du plan de sauvetage du groupe auquel il est rattaché, l'IA générative ne se limite pas au seul domaine de la relation client. « Nous testons d'autres usages, par exemple sur la qualité des titres et descriptions des fiches produits, confirme Alaric d'Agrain. Vis-à-vis de cette technologie, notre démarche consiste à identifier des problématiques que nous parviendrions à traiter en y affectant 1 000 personnes et à nous demander si l'IA générative permettrait d'y apporter des avancées significatives. »