Certains DSI abordent la modernisation technologique en choisissant une plate-forme de cloud, en concevant un schéma directeur et en le déployant avec leurs propres équipes IT, le soutien de leur direction et l'appui de quelques experts. D'autres confient la plus grande partie du projet à des sociétés de conseil.

C'est le cas de C&S Wholesale Grocer, une entreprise centenaire spécialisée dans la distribution en gros, dont le chiffre d'affaires atteint 27 Md$ et qui livre plus de 7500 épiceries, supermarchés et autres clients à travers les Etats-Unis. Ce groupe né en 1918 dans le Massachusetts mise largement sur le cloud pour moderniser ses opérations. Et bien que C&S dispose d'une équipe IT étoffée, le distributeur a choisi l'année dernière de signer un contrat de 7 ans avec Tata Consultancy Services (TCS) pour gérer sa transformation numérique vers la Google Cloud Platform et pour mettre en oeuvre des applications analytiques avancées reposant sur des entrepôts de données et des prévisions de la chaîne logistique basées sur l'IA.

Un retard en passe d'être rattrapé

Si C&S a choisi de s'appuyer sur TCS pour mettre en oeuvre sa plateforme cloud, c'est afin d'accéder rapidement aux nouvelles fonctionnalités tout en renforçant ses résultats financiers - un équilibre délicat étant donné le coût élevé du partenariat et de la migration. Mais, pour le DSI de C&S, Sudhakar Lingineni, il s'agissait là du seul moyen de rester compétitif dans un secteur en mutation : « Soyons honnêtes, le secteur de la vente en gros avait pris du retard en matière d'investissement technologique. Mais les investissements que nous avons vus au cours des trois à cinq dernières années sont sans précédent », amorçant le rattrapage de ce pan de l'économie. Un phénomène accentué par les circonstances exceptionnelles qu'a traversées et que traverse encore le secteur (goulets d'étranglement dans les chaînes d'approvisionnement, perturbations amenées par la pandémie).

C&S n'est pas pourtant novice en matière d'usages de l'IT. Son équipe informatique interne a développé sa propre solution d'entreposage de données, un datalake basé sur les bases de données Oracle. Sur ce socle, la DSI a mis en oeuvre des prévisions avancées à l'aide d'outils de BI et de visualisation tels que Tableau. En outre, le distributeur a automatisé et robotisé certaines opérations au sein de ses 35 entrepôts. Il utilise ainsi UiPath comme outil de RPA et Alteryx pour l'automatisation des processus analytiques (APA). Et sa DSI a créé des applications d'IA à l'aide de Python et de R, ainsi qu'une application de prévision appelée Pulse. Mais l'évolutivité de ces différentes solutions restait un point d'interrogation et un facteur limitant. Pour faire passer l'analytique, l'automatisation et l'IA au niveau supérieur, Sudhakar Lingineni savait depuis longtemps déjà qu'une migration significative vers le cloud serait nécessaire.

Du reporting classique au prédictif

Le partenariat de C&S avec TCS a débuté en avril 2022, en même temps que la migration vers GCP. « Il y a une longue liste de choses que nous voulons faire, dit le DSI. Le grand défi auquel nous sommes confrontés consiste à faire évoluer l'entreprise à grande vitesse, et à adapter les ressources et compétences en conséquence, et c'est ce que Google Cloud nous apporte. » Le choix de s'associer à un grand acteur du services IT comme TCS ? Miser sur le vaste éventail d'experts permet d'accélérer le processus et de garantir que les considérations structurelles essentielles à la réussite de cette transformation sont bien prises en compte, selon le DSI.

Ainsi, TCS a identifié trois dossiers clés dans la transformation de C&S : la sortie du centre de données, la modernisation du mainframe et celle de l'architecture de données, explique Nidhi Srivastava, vice-présidente et responsable du département Google chez TCS. Et, concernant le dernier volet, d'insister sur le caractère central d'une migration de Teradata vers l'entrepôt de données Serverless Google BigQuery, afin de mettre en oeuvre des scénarios de modélisation (de type "what if") ou des optimisations de prix et de prévisions à l'échelle. « Nous voulons mettre à profit cette migration pour passer d'un reporting classique à des analyses prescriptives et prédictives. La chaîne d'approvisionnement est un aspect très important de notre activité et l'optimisation des prévisions et de nos achats joue un rôle clef dans nos résultats », détaille Sudhakar Lingineni.

Une plateforme IoT sur les fondations du cloud

Dans la supply chain, les outils et la scalabilité offerts par le cloud doivent aider C&S à mettre sur pied des opérations pilotées par l'IA - une étape essentielle pour rester à la pointe des progrès dans ce domaine. Par le passé, les entreprises pouvaient utiliser des modèles de prévision pendant des semaines ou des mois, mais la masse de données disponibles sur les facteurs ayant un impact sur les chaînes d'approvisionnement, comme la météo ou les grèves des transports ou l'augmentation d'un centime du prix d'un article, permet aujourd'hui d'aller bien plus loin. De bâtir des modèles de prévision à la journée ou à l'heure près.
Outre la possibilité d'unifier et d'exploiter plus efficacement des données disparates et déconnectées, le déploiement d'outils nativement cloud, tels que TensorFlow pour le Machine Learning et Google Apigee pour la gestion d'API, constitue un autre pan du plan à long terme de C&S, selon TCS.

Un an après le lancement du programme, C&S a mis en place les fondations de sa stratégie et a migré en Lift & Shift une partie de ses 200 applications vers GCP, tandis que d'autres ont été redéployées dans des conteneurs Kubernetes et que d'autres encore ont été redéveloppées en cloud-natif. C&S investit également dans les technologies Edge et de vision assistée par ordinateur afin de faciliter et accélérer les prises de décision concernant la sélection, l'affectation et la protection des produits pendant le transport. Et le fait d'être déjà sur GCP aidera C&S à bâtir la plateforme IoT nécessaire pour y parvenir. « Nous avons aujourd'hui des capteurs sur les camions frigorifiques qui assurent déjà certains contrôles, explique Sudhakar Lingineni. Mais nos futurs déploiements vont nous permettre de consolider les données et de nous montrer plus réactifs. »

« Relier les points et prédire ce qui va se passer »

La capacité d'accéder aux données et de les exploiter, depuis le début du processus - l'achat - jusqu'à la livraison, permettra à C&S d'améliorer son service aux 7500 épiceries et supermarchés que le groupe dessert, ainsi que de fluidifier ses relations avec les producteurs alimentaires dont il est partenaire. « Une fois que nous sommes en mesure de connecter toutes ces données, alors nous pouvons évaluer l'impact d'une décision en matière de merchandising ou de supply chain sur les opérations dans les entrepôts et durant le transport, explique Sudhakar Lingineni. Nous pouvons relier les points et prédire ce qui va se passer, et ainsi déterminer où se vont se situer les goulets d'étranglement. »

Pour parvenir à ce résultat, C&S a encore du chemin à parcourir, mais le bilan à date est encourageant, selon le DSI. Le cloud a déjà permis au grossiste de construire un portail unifié et intégré orienté client, qui prend en charge vendeurs et les fournisseurs. Auparavant, l'entreprise opérait des portails distincts pour ses clients B2C et B2B. Sans oublier les avantages du cloud en termes d'empreinte carbone de l'IT, comme le souligne Sudhakar Lingineni : « une fois que nous aurons quitté notre datacenter, nous générerons beaucoup moins de CO2. »