À terme, le développement de la technologie des réseaux quantiques permettra une connectivité plus sûre et plus rapide, mais il est encore trop tôt et il reste beaucoup de défis à relever avant qu'elle ne devienne la norme. « Alors que les composants clés des réseaux quantiques, comme les répéteurs et la photonique, sont en cours de développement, il est probable que les premiers développements concrets à sortir du laboratoire concerneront les applications de sécurité, en particulier la cryptographie post-quantique (Post-Quantum Cryptography, PQC) », a déclaré Liz Centoni, vice-présidente exécutive, directrice de la stratégie et directrice générale des applications chez Cisco. Les algorithmes cryptographiques complexes de la PQC, ou cryptographie à sécurité quantique, devraient protéger les ordinateurs quantiques contre des attaques sophistiquées. « La cryptographie post-quantique (PQC), en tant qu'approche logicielle fonctionnant avec des systèmes conventionnels pour protéger les données des futures attaques quantiques, sera adoptée avant même qu'elle ne soit normalisée », a écrit Mme Centoni dans un blog récent sur les principales technologiques qui devraient émerger en 2024 et au-delà. « La PQC sera adoptée par les navigateurs, les systèmes d'exploitation et les bibliothèques, et des innovateurs vont l’expérimenter en l’intégrant dans des protocoles comme le SSL/TLS 1.3, qui régit la cryptographie classique », a encore déclaré Liz Centoni. « La cryptographie post-quantique va également se répandre dans les entreprises qui cherchent à garantir la sécurité des données dans le monde post-quantique », a-t-elle ajouté.

Aujourd’hui, la nécessité d'une telle sécurité devient critique, car les acteurs malveillants utilisent déjà des vecteurs d'attaque pour se préparer aux futures capacités de décryptage des ordinateurs quantiques. « Le principe du « récolter maintenant, décrypter plus tard » nous met face à un défi de taille », a déclaré Vijoy Pandey, vice-président senior du groupe de recherche avancée Outshift de Cisco. « Pour les gouvernements et les institutions financières, la sécurité des transactions sensibles est une question importante et les gens deviennent paranoïaques à ce sujet », a ajouté M. Pandey. « Il n’y a aucun doute sur le fait que la quantique va créer un Armageddon de la cybersécurité », a ainsi déclaré Ana Paula Assis, directrice générale d'IBM pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique, lors du Forum économique mondial de Davos. M. Pandey souligne qu'aucun ordinateur quantique actuel n’est capable d'effectuer ces piratages de sécurité qui peuvent susciter des inquiétudes, car ils ne sont pas encore assez puissants. Par contre, « si une entreprise subit une effraction dont elle n'a pas connaissance, et que le trafic est redirigé et stocké quelque part pour le jour où un acteur malveillant aura la capacité de construire un nœud quantique de taille raisonnable, il pourra tout simplement tout décrypter », a-t-il déclaré. Heureusement, la bonne nouvelle, c’est que les futurs développements de l'informatique quantique pourraient déboucher sur des technologies de sécurité infaillibles qui protégeraient les communications de données de toute interférence ou de tout espionnage. Des travaux sont en cours pour créer des environnements quantiques sécurisés dans diverses entreprises, notamment Verizon, British Telecom, Ernst & Young et des laboratoires gouvernementaux comme le DARPA Quantum Networking Program et le Los Alamos National Lab. 

Potentiel des réseaux quantiques

La recherche et l'investissement dans le développement de réseaux à sécurité quantique sont également en cours. Cisco envisage de créer des centres de données quantiques qui pourraient utiliser des modèles LAN classiques pour relier des ordinateurs quantiques, ou un réseau quantique qui transmettrait des bits quantiques (qubits) à partir de serveurs quantiques à des vitesses élevées pour gérer des applications commerciales. « Par ailleurs, dans 4 ou 5 ans, ou plus, l'importance croissante des réseaux quantiques permettra aux ordinateurs quantiques de communiquer et de collaborer pour offrir des solutions quantiques plus évolutives », a soutenu Mme Centoni. « Les réseaux quantiques tireront parti de phénomènes quantiques comme l'intrication et la superposition pour transmettre des informations », a-t-elle ajouté. « Aujourd’hui, les chercheurs et les développeurs quantiques cherchent à développer l’architecture radix, étendre les réseaux maillés (la capacité des réseaux à prendre en charge beaucoup plus de connexions par port et une plus grande largeur de bande) et à créer des commutateurs et des répéteurs quantiques », a souligné M. Pandey. « L’objectif est d’arriver à transporter des signaux quantiques sur de plus longues distances, car les signaux quantiques se détériorent rapidement », a-t-il expliqué. « Nous voulons absolument arriver à gérer ces signaux dans l'empreinte d'un centre de données, et c'est une technologie sur laquelle nous allons commencer à expérimenter », a-t-il ajouté. M. Pandoy a indiqué que Cisco construisait des simulateurs logiciels pour ce type d'environnement et qu'il les mettrait à disposition sous forme de logiciel libre.

En outre, le Quantum Lab de Cisco travaille au développement de répéteurs pour les réseaux quantiques. « Les protocoles de répéteurs quantiques sont généralement divisés en deux catégories selon le type de communications requises : les répéteurs bidirectionnels et les répéteurs unidirectionnels », a expliqué Cisco dans un billet de blog sur ses travaux dans ce domaine. « Par rapport aux répéteurs unidirectionnels qui nécessitent une correction d'erreur quantique vers l'avant, les répéteurs bidirectionnels disposent d'un matériel quantique plus simple et peuvent gérer de plus longues distances, mais ils présentent deux inconvénients : la latence et la congestion », a encore écrit Cisco. « Néanmoins, jusqu'à l'avènement d'un ordinateur quantique compact équipé de capacités de correction d'erreurs quantiques, les répéteurs bidirectionnels restent les plus adaptés pour la communication quantique à longue distance. Les protocoles de répéteurs conventionnels ont un point commun : le matériel est entièrement conçu pour des codes quantiques spécifiques et des changements substantiels doivent être apportés pour passer à un autre code », a déclaré Cisco.

Photonique et quantique pour le réseau 

« Dans notre travail, nous réunissons toute la complexité dans un seul dispositif appelé générateur d'état de ressource (Resource State Generator, RSG), lequel produit des qubits codés multiphotons en envoyant un laser pulsé à travers un réseau d'interféromètres et de détecteurs de photons. Les RSG sont fabriqués sur des circuits intégrés photoniques en silicium, qui constituent également une plateforme candidate pour l'informatique quantique », a encore expliqué Cisco. « Ainsi, le passage à un nouveau code quantique devient une mise à jour logicielle, c'est-à-dire une reprogrammation du circuit photonique. Cette flexibilité offre un avantage à long terme, car de nouvelles générations de codes quantiques seront disponibles », a encore déclaréle fournisseur. D'autres travaux du Cisco Quantum Lab portent sur la mise en place de réseaux quantiques sur les infrastructures à fibre optique existantes. « Les réseaux quantiques utilisent des liens de communication optiques. En envisageant une approche pragmatique et économique de la construction de ces réseaux, une stratégie convaincante consiste à capitaliser sur notre infrastructure de réseau optique déjà établie. La première étape pour construire des réseaux de distribution d'intrication dans une infrastructure existante va de pair avec la capacité à identifier les sites optimaux pour intégrer du matériel quantique », a écrit Cisco.