Presque tous les DSI disent la même chose : les données sont la clef pour obtenir un avantage concurrentiel. Selon l'étude 2022 Data & Analytics de Foundry, 88 % des décideurs IT estiment que la collecte et l'analyse des données sont susceptibles de modifier radicalement la façon dont leur entreprise exerce ses activités au cours des trois prochaines années.

Cependant, la collecte et l'analyse des données ne sont que le point de départ. Les entreprises qui souhaitent tirer le meilleur parti des données qu'elles collectent ont besoin de compétences spécifiques, capables d'utiliser la technologie pour transformer les informations en idées efficaces. Quelles sont ces compétences si cruciales pour obtenir les résultats souhaités et comment les utiliser à bon escient ?

Revenir en arrière pour aller de l'avant

Les conclusions du cabinet de recrutement Nash Squared convergent, confirmant que pour les décideurs du digital, les données sont essentielles pour obtenir un avantage concurrentiel. Dans son rapport annuel sur le leadership numérique, la société qualifie même les données de « joyau de l'économie numérique ». Toutefois, si l'importance des données est reconnue, l'étude du recruteur suggère que le polissage de ces pierres précieuses reste un défi. Seuls 21 % des leaders interrogés estiment que leur entreprise est très ou extrêmement efficace dans l'utilisation des données pour générer des revenus.

Il y a donc une incohérence : les entreprises savent que les données sont importantes, mais elles ne savent pas nécessairement comment en tirer le meilleur parti. Pour Bev White, PDG de Nash Squared, les raisons expliquant cette contradiction sont complexes. « Pour embarquer les gens sur cette trajectoire, il faut souvent commencer par mettre de l'ordre dans sa propre maison », dit-elle. « Les entreprises peuvent disposer d'une grande quantité de données, mais celles-ci peuvent être très déconnectées et incohérentes. Donc, si vous voulez vraiment en tirer parti, vous devez revenir en arrière pour aller de l'avant ».

Pour certains, cette vision rétrospective peut sembler rétrograde. À l'ère des données abondantes et des technologies émergentes telles que l'intelligence artificielle (IA) et l'apprentissage machine (ML), pourquoi les entreprises se concentreraient-elles sur les aspects moins sexy de l'infrastructure sous-jacente et des pipelines de données ? La raison, c'est tout simplement que les entreprises auront du mal à transformer les informations en connaissances sans des bases de données solides. Il y a cinq ans, le cabinet d'analyse Forrester a mis en garde les entreprises des risques d'un sous-investissement dans les capacités d'ingénierie indispensables pour aider les data scientists à créer de la valeur à partir des données. Aujourd'hui, les dirigeants IT reconnaissent qu'un investissement dans ces capacités fondamentales est plus crucial que jamais. L'étude de Foundry suggère également que certaines des compétences les plus importantes dont ces décideurs ont besoin pour soutenir leurs programmes d'analyse sont tournées versn la gestion des données, l'intégration de celles-ci, l'architecture data et l'ingénierie des données.

Pour les DSI les plus avisés, le retour en arrière implique de développer des capacités d'ingénierie en interne pour s'assurer que les employés de l'entreprise ont accès à des sources d'information fiables. Prenons l'exemple de Barry Panayi, responsable des données et de la connaissance chez le groupe de distribution britannique John Lewis Partnership. Il y a dix ans, il était question de « devenir un scientifique des données », dit-il. « Mais aujourd'hui, il faut devenir un ingénieur des données. Je veux des spécialistes des données qui ont un état d'esprit similaire à celui d'un ingénieur logiciel, car vous construisez des produits. Avec les données, tout est devenu un produit ». Barry Panayi travaille avec ses data engineers et la technologie Snowflake pour créer une approche intégrée des informations de l'entreprise, une version unique de la vérité à partir de laquelle il est possible de réaliser des analyses utiles. « Toutes les données se trouvent alors dans un écosystème commun, au lieu de devoir s'appuyer sur les structures disparates du passé », explique-t-il.

Jeff Singman, vice-président exécutif de la technologie chez Arkos Health, est un autre dirigeant IT qui croit en la nécessité de mettre en place des fondations solides. Son organisation gère des données provenant de diverses sources, qu'il s'agisse de plateformes hospitalières ou d'une application sur le téléphone portable d'un patient. « Quand on y regarde de plus près, il faut disposer d'un mécanisme pour capturer, normaliser et transformer les données », explique-t-il. « Je veux des ingénieurs spécialisés dans les données. Et il ne s'agit pas seulement pour eux d'ingérer les données. Il s'agit de la modélisation des données et des schémas de données. Vous avez donc besoin de tout, depuis la concentration sur les flux et la capture jusqu'à un ensemble de capacités qui traitent de la normalisation ».

Créer une vision à partir de l'information

Jusqu'à présent, le message est simple : les DSI ont besoin de managers data talentueux, capables de garantir l'intégration et l'organisation des données de l'entreprise. Une fois que cette masse de données structurées et non structurées est en ordre, ils ont besoin d'experts qui peuvent les aider à transformer l'information en connaissance. Et comme en témoignent plusieurs leaders du numérique, c'est là que commence le véritable défi.

« La clé est de tirer des informations des données », explique Prakash Rao, directeur groupe des projets de supply chain chez Landmark Group, le géant de la vente au détail et de l'hôtellerie. « Quel est le problème que vous essayez de résoudre ? Lorsque vous disposez d'informations, il y a tellement d'actions qui peuvent en découler et, si ces actions sont correctes, elles conduisent toutes à une amélioration ». Et d'expliquer qu'il y a 15 ans, la recherche de personnes capables de transformer des informations en idées aurait pu être centrée sur l'expertise d'Excel. Aujourd'hui, son entreprise - comme 30 % des décideurs numériques interrogés par Foundry - donne la priorité à la recherche de data scientists talentueux.

Marc Jennings, DSI chargé de l'analyse et de l'IA chez le voyagiste TUI, confie que les compétences en data science, telles que Python, SQL et R, figurent en bonne place sur sa liste des compétences les plus recherchées. Cependant, il reconnaît également que les compétences techniques ne sont qu'un des éléments d'un profil bien équilibré de professionnel des données. « Ce que nous recherchons chez TUI, ce ne sont pas seulement les compétences, mais aussi l'attitude », explique-t-il. « Nous recherchons des personnes curieuses qui ne cessent de se demander "Pourquoi ?" Je veux des personnes qui vont aller au fond des choses. Les compétences techniques, c'est bien, mais elles ne m'aideront que dans une certaine mesure ».

Cette position rejoint celle de Daniel Smith, responsable mondial des applications analytiques et des analyses chez Pangaia, une marque de vêtements. Celui-ci voit beaucoup de candidats très compétents sur l'aspect back-end. Mais là où ils sont plus faibles, c'est dans la visualisation des données, et en raison du lien de plus en plus étroit entre l'IT et les métiers, ce manque de compétence devient un problème. « Les métiers vont poser des questions », développe Daniel Smith. « Si votre expertise se limite à la data science et non à la visualisation, il n'y aura pas beaucoup de personnes dans l'entreprise qui comprendront de quoi vous parlez. »

Bob Michael, responsable des données chez le détaillant DFS, est un autre décideur IT à la recherche de communicants hors pair. Certes, il dispose en interne de solides capacités de gestion des données et d'analyse, mais il a également besoin que ces spécialistes de la technologie soient des curateurs des données et des datasets. Pour réussir, il faut fournir les bons outils aux employés de l'entreprise afin que ceux-ci puissent puiser dans des sources de données fiables et répondre à leurs propres questions de manière rapide et efficace. « À vrai dire, je ne veux pas d'une grande équipe de 400 personnes », affirme Bob Michael. « Je veux façonner la façon dont les gens du métier utilisent les données. En fin de compte, les données doivent faire partie intégrante de l'entreprise. Je ne cherche pas des scientifiques et des statisticiens qui ne peuvent pas communiquer, parce qu'ils ne peuvent pas plaider ma cause du point de vue de la gestion des données. »

Aider les métiers à s'aider eux-mêmes

Et c'est là que le bât blesse : pour transformer l'information en connaissance, il faut s'assurer que les employés de l'entreprise disposent des outils et de la confiance nécessaires pour travailler avec les données. L'étude de Foundry en est une preuve supplémentaire : elle suggère que la compétence la plus importante en matière de données pour les dirigeants IT et data est la formation à l'analyse des employés non IT, comme l'ont indiqué 41 % des répondants à l'enquête.

Mary O'Callaghan, directrice de l'engagement technologique à la British Heart Foundation, estime que la meilleure façon d'avancer est que les responsables data et leurs équipes adoptent une approche collégiale. Les professionnels des données, tels que les CDO, les analystes, les scientifiques et les ingénieurs, doivent travailler aux côtés de leurs pairs pour les aider à exploiter les informations. « Avant de commencer à réfléchir à la manière d'utiliser Power BI, les gens doivent savoir comment poser les bonnes questions », pointe-t-elle. « Parfois, je pense qu'il s'agit simplement d'une question de confiance, car, dans leurs domaines fonctionnels, les gens sont très sûrs d'eux et savent ce qu'ils font. Je pense que nous devons laisser les gens du métier poser des questions et travailler avec eux pour trouver des réponses. »

Ce sentiment résonne chez Caroline Carruthers, ancienne CDO de Network Rail au Royaume-Uni et aujourd'hui PDG de Carruthers + Jackson. Selon l'indice de maturité des données récemment publié par son cabinet de conseil, près de deux tiers des responsables data estiment que la plupart ou la quasi-totalité des employés de leur organisation ne maîtrisent pas les données. C'est un problème, car les entreprises qui ont une bonne maîtrise des données sont les plus susceptibles de comprendre que l'information n'est pas l'apanage d'équipes spécialisées dans les données. Selon Caroline Carruthers, les responsables du digital doivent s'efforcer d'instaurer une culture de la donnée à l'échelle de l'entreprise. « En matière de données, le moins est souvent un plus », dit-elle. « L'utilisation efficace des données n'est pas qu'une question de chiffres. Ce qui compte, ce sont les autres choses que nous pouvons dire aux gens, de la perspicacité et une orientation. Il s'agit de créer une stack data intelligente, sur laquelle les gens peuvent s'appuyer pour mieux faire leur travail. »

Pour Ashley Cairns, directrice du delivery chez Carruthers + Jackson, il est clair que l'importance de la transformation de l'information en connaissance ne va faire que progresser. Ainsi, qu'il s'agisse d'un ingénieur en back-end ou d'un spécialiste du service client en front-end, chacun dans l'entreprise doit développer une approche mature de l'information. « Les données vont faire partie de votre vie professionnelle quotidienne », affirme-t-elle. « Pour réussir, il faut permettre à chacun de développer une pensée critique et fournir un contexte à l'histoire qu'il raconte. »