Parce que tout, aujourd’hui, dépend des données, les datacenters sont devenus essentiels. Cependant, ils consomment une quantité considérable d'énergie et, à ce titre, ils sont responsables d'une quantité tout aussi considérable d'émissions de CO2. C’est pourquoi, il est indispensable de réfléchir à des sources d'énergie alternatives pour demain. La conférence Bosch Connected World, qui s’est déroulée les 19 et 20 février à Berlin, a permis de voir que des entreprises travaillaient déjà sur des prototypes d’alimentation assez particuliers.

Selon les chiffres cités par Bosch pendant l'événement, les datacenters sont responsables d'environ 10 % des émissions mondiales de CO2, soit plus que l'industrie aéronautique. Parce que nous créons de plus en plus de données qu’il faut également stocker et traiter, cette contribution aux émissions mondiales ne fera qu'augmenter. Et l'efficacité croissante au mètre carré des datacenters, liée à l'avènement et à l'essor continu des infrastructures hyperconvergentes, ne suffira probablement pas à inverser la tendance. À terme, la demande croissante de capacité de traitement se traduira par une plus grande consommation d'énergie des systèmes hébergés dans les datacenters, même s’ils gagnent également en efficacité. Il est évident que la recherche de sources d'énergie alternatives pour alimenter les datacenters est une bonne chose, car nous n'allons pas cesser de créer, stocker et traiter des données. La grande question est de savoir quelles sources privilégier et comment les utiliser.

L’alternative des piles à combustible

Pour trouver une réponse à cette question, Bosch et Ceres Power ont développé un prototype d'unité de distribution d'énergie (PDU) qui utilise des piles à combustion. Pour l’instant, le prototype est appelé SOFC, ou Solid Oxide Fuel Cell, en référence au modèle de pile à combustible. Comme il s'agit d'un prototype, le produit final ne sera pas aussi élégant que ce que l’on peut voir sur la photo de présentation. Bosch et Ceres Power prévoient de tester leur prototype à la fin de l'année dans un datacenter de Bosch, plus exactement dans son centre de R&D de Renningen, en Allemagne. Les deux partenaires n’envisagent pas de livrer une version commerciale avant 2024. « Ces PDU pourraient intéresser d’autres secteurs que les datacenters », ont-ils aussi déclaré. L'idée serait de les déployer également dans les zones résidentielles et de les utiliser pour alimenter les maisons individuelles et les entreprises.

Le concept

Comme indiqué précédemment, le prototype a été développé autour des piles à combustible, comme celles mises au point pour alimenter les voitures. L’intérieur du boîtier contient deux piles de 250 cellules empilées l'une sur l'autre qui fonctionnent selon des principes électromécaniques, donc avec une anode et une cathode et un électrolyte. Dans le cas du SOFC, une sorte de céramique permet de séparer les électrons et les ions, lesquels sont ensuite convertis en énergie électrique. Chaque pile peut délivrer 5 kW, et donc chaque unité peut fournir une puissance de 10 kW. L'ensemble a un rendement de 60 %, ce qui est assez bon, comparé à d’autres sources d'énergie. Une particularité des piles à combustible SteelCell de Ceres Power est qu’elles sont fabriquées dans un matériau courant. Elles ne contiennent donc pas de matières rares. Cet avantage n'est pas seulement intéressant pour la planète, mais il permet aussi de les fabriquer assez facilement, ces matières premières étant disponibles en abondance.

Gaz ou hydrogène

Les SOFC peuvent également utiliser différents types de gaz pour produire de l'électricité, notamment le gaz naturel et le méthane, mais aussi l'hydrogène. Certes, le gaz naturel contient une certaine quantité de CO2, mais selon un porte-parole de Bosch, celui-ci est filtré de manière ingénieuse. De plus, le gaz utilisé n'est pas brûlé, donc cela ne provoque pas d’émission dans l'air. À long terme, l'hydrogène serait certainement le meilleur carburant pour alimenter SOFC, puisque l’hydrogène produit 0 g/Wh en émissions de CO2. Cependant, l'hydrogène n'existe pas à l'état naturel sur terre. Il doit d'abord être extrait de l’eau. Or ce processus consomme également de l'énergie. Donc, si cette énergie ne provient pas de sources propres, il perd son intérêt. La question est donc d’avoir des garanties sur le processus.

D'un point de vue réaliste, le gaz apparaît actuellement comme le combustible le plus évident pour alimenter les SOFC. Selon Bosch, « cette solution pourrait permettre de réduire sérieusement les émissions de CO2 ». Le chiffre avancé est de 40 %, avec des variations d'un pays à l'autre ou d'une région à l'autre. Dans un pays comme la Norvège, par exemple, où pratiquement toute l'énergie provient de centrales hydroélectriques, cela n'a pas de sens. Ou encore la France, qui tire 80 % de son énergie des centrales nucléaires. Mais en Allemagne, ce gain de 40 % serait bien visible.

Un SOFC pour chaque rack ?

Quelle que soit la réduction potentielle de CO2, il est important aussi que ces appareils à base de SOFC soient pratiques. Dans le cas des datacenters, il reste certainement quelques défis à relever. Le premier et le plus évident, c’est qu’il faudra équiper chaque rack complet d’un SOFC. Outre qu’il faudra débarrasser le prototype de son boîtier et de toute fioriture de design, il faudra également que la taille du SOFC soit quasi identique à celle d'un rack standard. On a encore aucune idée du prix de ces piles, mais l’on peut supposer qu’équiper chaque rack représentera un investissement considérable. Et même si les matériaux sont relativement bon marché, Bosch et Ceres Power attendent certainement un ROI sur les investissements en R&D qu’ils auront réalisés.

Chaleur et gaz, des effets très indésirables

Mais le gaz pose sans doute un problème plus important que le coût. En effet, la présence de gaz dans les datacenters n’est pas forcément bienvenue. Il faudra aussi construire une infrastructure spécifique, que l’on utilise le gaz naturel ou l'hydrogène comme carburant. De plus, ces piles SOFC produisent beaucoup de chaleur, puisque le processus ne fonctionne de manière optimale qu'à des températures comprises entre 800 et 1000 degrés Celsius. Or, la chaleur est aussi bannie des datacenters. Selon un porte-parole de Bosch, l’entreprise a déjà une solution pour résoudre ce problème : en plaçant la pile SOFC sur le rack qu'elle alimente, la chaleur peut être évacuée assez facilement, car les piles à combustible sont de toutes les façons en hauteur dans la pièce. Cela résout aussi le problème d'espace auquel on pourrait être confronté si l’on devait installer un SOFC de la même taille qu'un rack normal.

Piles intelligentes

En termes de potentiel des piles à combustible, il ne faut pas se limiter à la manière dont elles produisent l'énergie. Dans le cas du prototype mis au point par Bosch et Ceres Power, un autre élément peut avoir de l’importance dans un datacenter : la distribution de l'énergie générée entre les racks. Ce n’est pas un hasard si l’entreprise a présenté son prototype dans le cadre du salon Bosch Connected World, très axé sur l’IoT et les solutions intelligentes pour connecter les composants entre eux. La connexion de ces unités de distribution d’énergie entre-elles permet de faire de l'équilibrage de charge et du basculement. Tous les racks ne seront pas complets et/ou n'auront pas les mêmes besoins en énergie, si bien que certaines unités auront de l’énergie disponible et d'autres seront à leur limite. Pour éviter d’avoir à ajouter de nouvelles unités, les PDU peuvent équilibrer leurs charges les unes par rapport aux autres sans intervention humaine. De plus, si l'une d'entre elles tombe en panne, d'autres PDU peuvent prendre le relais et satisfaire les besoins énergétiques.

Les piles à combustible, l'avenir des datacenters ?

Alors, comment savoir si cette solution résoudra la question de l’approvisionnement énergétique des datacenters de demain ? Comme mentionné plus haut, plusieurs problèmes demeurent avant que cette solution ne devienne vraiment intéressante. Un point très positif, c’est que les SOFC sont relativement simples à produire, et il sera facile de répondre à une demande qui sera sans doute assez importante. L’approvisionnement en énergie hybride semble certainement une bonne option, car elle mélange les anciennes et les nouvelles façons de produire l'énergie nécessaire, et pourrait s’accorder par exemple à des cycles de rafraîchissement. Quoi qu'il en soit, le sujet mérite d’être suivi. Il sera intéressant de voir notamment ce que donneront les premiers tests effectués dans le datacenter de Bosch.