Certains salariés des entreprises installées dans l'Epicenter, un immeuble de bureau high-tech de 15 000 mètres carrés situé en plein coeur de Stockholm, ont accepté de se faire implanter des puces d'identification par radiofréquence RFID dans la main, pour être identifiés aux portiques de sécurité et aux photocopieuses, sans avoir à composer un code PIN ou à présenter une carte magnétique. Les salariés peuvent même payer leur déjeuner à la cafétéria du complexe de bureau. Un night-club à Barcelone avait déjà proposé à ses clients VIP la greffe d'une puce RFID pour s'identifier et régler leurs consommations.

Les propriétaires de l'Epicenter veulent rendre le centre le plus attractif possible « aux entreprises numériques de pointe à forte croissance et aux entreprises innovantes ». Comme l'a déclaré Hannes Sjöblad, fondateur de Bionyfiken, une association suédoise de Biohackers, « les salariés de l'Epicenter qui ont décidé de remplacer leurs porte-clés par des implants NFC ont fait un choix personnel. Ils sont peu nombreux, mais d'autres sont en train de les rejoindre ». Selon lui, les personnels de plusieurs immeubles de bureaux, entreprises, gymnases et établissements d'enseignement de Stockholm se sont aussi fait implanter des puces RFID/NFC pour accéder aux installations. Rappelons que le NFC a une portée de 10 cm et le RFID de plusieurs mètres et que le premier est une évolution du second.

Des puces RFID de la taille d'un grain de riz

Les premiers tests réalisés par le groupe de Hannes Sjöblad avec les implants RFID, dont la taille est à peine plus grosse qu'un grain de riz, ont démarré l'an dernier. Et très récemment, Bionyfiken a lancé une étude nationale sur les implants NFC/RFID. L'idée est de créer une communauté d'utilisateurs d'au moins 100 personnes dont le rôle serait d'expérimenter ces implants NFC, de contribuer à leur développement et d'identifier les utilisations possibles. Par exemple, l'usage pourrait aller au-delà du contrôle d'accès et inclure l'ID du salarié et le suivi de ses déplacements. Les participants au projet Bionyfiken paient pour leurs propres implants. Les expériences actuelles comportent aussi des tests de « socialisation » entre groupes de 8 à 15 « implantées ».


Une puce RFID pour remplacer un badge dans son entreprise, c'est le choix de plusieurs salariés suédois.

Bionyfiken aimerait aussi changer la perception du public sur les implants sous-cutanés et montrer qu'ils sont sans danger et utile dans la vie quotidienne. La communauté d'implantés Bionyfiken est constituée de gens divers qui considèrent « ce rapport à la technologie de plus en plus naturel », selon le site de l'entreprise. « Les puces sont faciles à implanter et tout aussi faciles à retirer. La durée de vie de ce type d'implant est assez longue. Je pense que celle que j'ai sous la main pourra tenir plus de 10 ans, mais il est probable que j'aurais envie de la changer pour un modèle plus récent d'ici-là », a déclaré Hannes Sjöblad, qui estime que le choix de se faire implanter une puce RFID est très personnel « dans la mesure où il touche à l'intégrité des personnes, ce à quoi moi-même et mes collègues suédois accordons une très grande importance ». Mais « fondamentalement, je pense que les implants intelligents représentent une technologie de l'avenir », a-t-il ajouté.

Identifier formellement un malade avec son implant RFID

Mais tout le monde n'est pas convaincu que l'implantation sous la peau de puces RFID contenant des informations d'identification est une aussi bonne idée. John Kindervag, analyste principal chez Forrester Research, spécialisé dans la sécurité et la confidentialité des données, estime pour sa part que les implants RFID sont tout simplement « effrayants » et qu'ils représentent une grave menace pour la vie privée et la sécurité. Quelles soient implantées ou transportées dans un bipeur, les puces RFID sont passives et sont activées quand elles se trouvent à proximité d'un lecteur électronique. Le lecteur pourrait être piraté pour lire les données sensibles. En outre, des voleurs malintentionnés pourraient mettre en place des lecteurs dans des endroits discrets pour activer les puces et voler l'accès à ces mêmes informations.

La différence entre les implants et les technologies de paiement mobiles courantes, comme Apple Pay, c'est que l'implant RFID n'est en général pas protégé. « Les puces NFC externes, comme celles que l'on trouve dans les smartphones, les bipeurs ou les cartes, peuvent être placées dans des étuis qui bloquent le signal radio jusqu'à ce qu'on ait besoin de les utiliser », a expliqué John Kindervag. Mais pour le fondateur de Bionyfiken, les implants peuvent simplifier et accroître considérablement l'efficacité de tâches banales. Les puces RFID servent déjà comme clés de voiture ou cartes de membres, et elles remplacent les mots de passe et les codes PIN sur smartphones, tablettes et ordinateurs. « Mais ce n'est vraiment que le début. Dans un an ou deux, on pourra utiliser les implants dans les transports publics et pour faciliter certains paiements », a déclaré Hannes Sjöblad. « Et dans trois ans, ils pourront remplacer les trackers de remise en forme ».

Attention aux dérives  

« Les puces RFID peuvent également être utilisées pour contrôler l'activité humaine », met encore en garde l'analyste de Forrester Research. Par exemple, un bipeur RFID qui sert à démarrer un véhicule pourrait très bien permettre à la banque de bloquer la voiture au cas où l'acheteur est en retard de ses mensualités de paiement. « Pour ma part, je trouve ça assez effrayant que des gens aient envie de se faire implanter des puces », a déclaré John Kindervag.