Bruxelles contre-attaque ce 18 décembre 2023. « Nous ouvrons aujourd'hui des procédures formelles d'infraction contre X » annonce la Commission européenne, listant les infractions dont est suspecté l'ex-Twitter en vertu du DSA : manquements présumés aux obligations de lutte contre les contenus illicites et de désinformation, manquements présumés aux obligations de transparence, interface utilisateur trompeuse. Cette procédure doit permettre à l'institution européenne de « déterminer si la société X pourrait avoir enfreint la loi sur les services numériques (DSA) dans des domaines liés à la gestion des risques, à la modération du contenu, aux dark patterns, à la transparence de la publicité et à l'accès aux données pour les chercheurs ».

Pour rappel, X (anciennement connu sous le nom de Twitter) a été désigné comme une très grande plateforme en ligne (very large online platform ou VLOP) le 25 avril dernier en vertu du règlement sur les services numériques de l'UE, après avoir déclaré avoir 112 millions d'utilisateurs actifs mensuels dans l'UE, comme indiqué à la Commission le 17 février 2023. En tant qu'acteur dominant, depuis quatre mois à compter de sa désignation, X a dû se conformer à une série d'obligations énoncées dans le DSA. Cependant, le réseau social doit poursuivre ses efforts en la matière. Cette procédure fait en effet suite à une enquête préliminaire menée notamment sur la base d'une analyse du rapport d'évaluation des risques soumis par X en septembre, d'une étude sur la transparence publié le 3 novembre, et des réponses de la firme à une demande formelle d'information. Cette dernière concernait, entre autres, la diffusion de contenu illégal dans le contexte des attaques terroristes du Hamas contre Israël. Ainsi, la Commission a décidé d'ouvrir une procédure formelle d'infraction contre X en vertu du DSA.

Les entrailles du réseau social scrutées de près

La procédure portera donc sur les points suivants. Le premier porte sur le respect des obligations du DSA relatives à la lutte contre la diffusion de contenus illicites dans l'UE. Il se concentre notamment sur l'évaluation des risques et les mesures d'atténuation adoptées par X pour respecter cet engagement. Le fonctionnement du mécanisme de notification et d'action pour les contenus illicites dans l'UE mandaté par la DSA est également regardé à la loupe, au vu des ressources de modération des contenus du réseau social. Un second point concerne l’efficacité des mesures prises pour lutter contre la manipulation de l'information sur la plateforme, notamment l'efficacité du système de « notes communautaires » de X dans l'UE et celle des politiques connexes visant à atténuer les risques pour le discours civique et les processus électoraux.

Sont également jugées les mesures prises par X pour accroître la transparence de sa plateforme. L'enquête porte sur des lacunes présumées dans l'accès des chercheurs aux données accessibles au public de X, conformément à l'article 40 du DSA, ainsi que sur des lacunes dans le dépôt d'annonces de X. Enfin, le dernier point porte sur la conception de l'interface utilisateur, soupçonnée d'être trompeuse, notamment en ce qui concerne les coches bleues liées à certains produits d'abonnement dites les « Blue checks ».

Une procédure « modèle » qui pourrait créer un précédent

S'ils sont prouvés, ces manquements constitueraient des infractions à l'article 34, paragraphes 1 et 2, à l'article 35, paragraphe 1, à l'article 16, paragraphes 5 et 6, à l'article 25, paragraphe 1, à l'article 39 et à l'article 40, paragraphe 12, de la décision-cadre relative aux services de paiement, précise la Commission européenne. Si elle précise que « l’ouverture d'une procédure formelle d'infraction ne préjuge pas de son issue », notons toutefois qu’il s’agit de « la première procédure formelle lancée par la Commission pour faire appliquer le premier cadre européen relatif à la responsabilité des plateformes en ligne, trois ans seulement après sa proposition ».

Désormais, l'exécutif bruxellois doit recueillir d’autres preuves, notamment en envoyant des demandes d'informations supplémentaires, en menant des entretiens ou des inspections. Elle peut également décider de prendre des mesures provisoires et des décisions de non-conformité et est habilitée à accepter tout engagement pris par X de remédier aux problèmes faisant l'objet de la procédure. « Le DSA ne fixe pas de délai légal pour mettre fin à la procédure formelle. La durée d'une enquête approfondie dépend d'un certain nombre de facteurs, dont la complexité de l'affaire, le degré de coopération de l'entreprise concernée avec la Commission et l'exercice des droits de la défense » est-il précisé.