L’Union européenne n’a de cesse de vouloir soutenir les entreprises européennes dans leur développement afin que celles-ci passent au stade de licorne (entreprise – généralement une start-up – dont l’évaluation dépasse 1 milliard de dollars, non cotée en bourse et non filiale d’un grand groupe). Aujourd’hui, le vieux continent poursuit ses efforts en faveur de l’émergence de ce qu’il nomme « les futurs champions européens de la deep tech ». Le Conseil européen de l’innovation (EIC), sous l’égide de la Commission européenne, a lancé la semaine dernière l'initiative EIC Scale Up 100. Son objectif est d'identifier, de promouvoir et de soutenir la croissance de 100 entreprises européennes prometteuses dans le domaine des deeptech, susceptibles de devenir des licornes.

Cela fait suite à la validation par la Commission européenne en décembre dernier de la feuille de route 2023 de l’EIC. Doté d’un budget de 1,6 milliard d'euros pour le secteur technologique, ce programme est divisé en trois systèmes de financement répartis ainsi : 343 millions d’euros pour la recherche (Pathfinder), 128 millions d’euros pour la transformation de ces recherches en projets fiables (Transition), et 1,13 milliard d’euros pour aider les start-ups et PME du secteur (Accelerator). Plus d'un demi-milliard d'euros est en fait destiné aux technologies dans des domaines stratégiques pour l'Europe, notamment le stockage de l'énergie, le quantique, les semi-conducteurs et la sécurité alimentaire.

Développer un réseau de 400 acteurs a minima

Concernant les modalités, ces jeunes pousses « seront sélectionnées parmi les lauréats les plus performants des programmes financiers de l'EIC, d'autres programmes d'innovation nationaux et européens et au-delà » explique l’EIC. Par cette action, l’UE compte animer un réseau - baptisé EIC Scaling Club - d'au moins 400 acteurs de qualité de l'écosystème, composé de la façon suivante : 100 investisseurs les plus actifs, dont des fonds de capital-risque, des fonds de croissance et des fonds publics ; 100 entreprises les plus pertinentes avec leurs unités d'innovation, de capital-risque ou de développement ; 100 agences, clusters et médias qui promeuvent les entreprises à grande échelle dans les États membres, les régions ou les secteurs ; 100 mentors indépendants ayant une expérience et des relations au niveau du conseil d'administration des entreprises à grande échelle.

Sont notamment mis en avant les impacts suivants : amélioration de la mise en réseau des fondateurs/PDG, des entreprises, des investisseurs publics et privés, des décideurs politiques à travers l'UE, etc. ; attraction de capitaux européens et amélioration des services de jumelage, accès aux installations et équipements de production ; amélioration des connaissances et des compétences des équipes de direction ; image renforcée de la scène scaleup européenne ; accompagnement d'entreprises positionnées comme de futurs leaders mondiaux prospères, à croissance rapide et durables. La Commission a également précisé qu’elle mettra en œuvre EIC Scaling Club avec un consortium de partenaires dirigé par TechTour et comprenant Bpifrance, 3ura, EurA, Universidad de Navarra - IESE Business School, Webrazzi, et Hello Tomorrow. Ils ont été sélectionnés à l'issue d'un appel à candidatures lancé dans le cadre du programme de travail 2022 de l'EIC.

Pousser aux développements « d’activités à l’échelle internationale »

Les entreprises qui intègreront ce réseau sont choisies parmi différents domaines favorisant la transition verte et numérique de l'Europe, tels que le développement durable (climat et énergie), le numérique, la santé, etc. Les États membres et les pays associés à Horizon Europe ("programme-cadre" de recherche et d'innovation de l'Union européenne qui succède au programme Horizon 2020. Il a pris effet au 1ᵉʳ janvier 2021 pour une période allant jusqu’à 2027) seront invités à désigner des entreprises de leurs écosystèmes, leur participation étant subordonnée au processus de sélection. Il s’agit d’aider les entreprises à faire progresser leurs stratégies, à atteindre des investisseurs et des partenaires stratégiques et à développer leurs activités à l'échelle internationale.

Cette action doit également donner aux entreprises les moyens d'établir et d'entretenir des relations avec des partenaires stratégiques et des institutions clés au niveau de l'UE (Conseil européen de l'innovation, Banque européenne d'investissement et Institut européen d'innovation et de technologie), ainsi qu'avec des décideurs politiques dans les États membres et les régions. D’une durée de deux ans, ce plan est ambitieux : les entreprises participantes devraient connaître une croissance annuelle de 40 % en termes d'évaluation, de nouveaux investissements, de partenariats et d'emplois, et de 50 % sur les mêmes paramètres pour les 20 entreprises les plus performantes. L’ensemble de ces points s’inscrit dans l’objectif du nouvel agenda européen de l'innovation qui souhaite améliorer l’accès au financement pour les entreprises à grande échelle, et en partie aussi à son appel à attirer et retenir les talents de la deep tech et à améliorer les outils politiques.

Un travail de longue haleine

Il ne s’agit pas de la première intervention de l’UE en faveur de l’émergence de champions technologiques. En février 2022 déjà, alors que la France a pris la présidence du Conseil de l’UE, le gouvernement français a organisé un événement dédié à la souveraineté numérique. Plusieurs pays ont ainsi été invités pour présenter une feuille de route commune en faveur d’une telle politique. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance a annoncé que « La France injectera 300 millions d’euros dans le PIIEC (projet important d'intérêt européen commun) sur le cloud et 12 Etats membres participeront également à ce PIIEC. L’objectif : avoir un stockage de données véritablement souverain au plus vite. Au total, le projet doit mobiliser environ 7 milliards d'euros de financements publics et privés européens. Dans le même temps, 16 des 27 Etats membres se sont regroupés derrière une autre initiative : celle de créer des socles de communs numériques pour contrebalancer la prédominance historique des acteurs américains en la matière.

Ce rassemblement a aussi été l’occasion de préciser les contours de l’initiative Scale-Up Europe. Il s’agit d’un fonds européen dédié et créé à l’issue de cette conférence ministérielle qui « va rassembler 10 à 20 fonds pour un montant total minimal d’un milliard d’euros pour financer les champions de la technologie ». L’Allemagne, le Danemark, la France, la Grèce ainsi que la Banque européenne d’investissement ont, à l’époque promis de s’engager financièrement. Un an plus tard, en février 2023, l’initiative a porté ses fruits, réunissant 3,75 milliards d'euros. L'Allemagne et la France, investisseurs de la première heure, sont rejoints par la Belgique, l'Espagne et l'Italie avec la volonté de soutenir les « jeunes pousses innovantes les plus prometteuses d'Europe » et les hisser sur la scène internationale. Le projet porté en ce début de mois par la Commission « aidera de manière proactive l'UE et ses États membres à renforcer la croissance, l'expertise et le leadership dans le domaine de l'expansion des entreprises » indique l’EIC dans un communiqué.