Officiellement, le site de la bibliothèque européenne Europeana « a croulé sous l'intérêt immense qu'il a suscité lors de son lancement (10 millions de hits par heure) ». Ouverte à peine quelques heures, sa page d'accueil a très vite été refermée, et le restera jusqu'à la mi-décembre. En réalité, le site était incroyablement sous-dimensionné. Installé sur trois « serveurs » (sans plus de précisions sur la configuration), Europeana a été incapable de supporter les 10 millions de "hits" émis par 3000 visiteurs (et non 10 millions de visiteurs, comme on l'a laissé entendre). La configuration ne permettait d'en supporter que la moitié. Dans la précipitation, la Commission a pourtant donné l'ordre d'augmenter la capacité de traitement. Le « doublement des serveurs » devait permettre de supporter 8 millions de hits. Las, entre-temps, 4000 visiteurs en émettaient 13 millions. Décision fut alors prise de fermer le site et d'y afficher un mot d'excuse : « Le site Europeana est momentanément inaccessible du fait de l'intérêt immense qu'il a suscité lors de son lancement (10 millions de hits par heure). » Peut-on, honnêtement, qualifier d'immense succès l'écroulement sous la pression de 3000 visiteurs/heure d'un site destiné à une population de plusieurs centaines de millions ? Dans les tristes traces de Galileo et Quaero Avec ce plantage, resurgit le vice qui hante la high-tech européenne, victime d'une ambition inversement proportionnelle à son efficacité. On passera rapidement sur les mois, pour ne pas dire les années, de retard du projet Galileo et le transfert de son financement sur des fonds publics (2,4 Md€). On se contentera d'évoquer la déconfiture du moteur européen de recherche multimédia Quaero qui n'est plus qu'un « projet de recherche » essentiellement français grassement subventionné (99 M€) et on ne citera le cas du Geoportail, qui fait toujours pâle figure face à Google Earth ou Maps, que par souci d'exhaustivité. Il est pourtant à craindre qu'il faille continuer d'apprécier Europeana à l'aune de ces déceptions. Tous les ingrédients sont réunis : à l'échec flagrant du lancement s'ajoute l'auto-satisfaction ambiante. Sans malice, le quotidien Le Monde a qualifié l'ouverture d'Europeana de « point d'orgue culturel de la présidence française de l'Union européenne ». Le ton est donné. Le reste est à l'avenant. Première maquette d'un projet initié en 2005