L’écosystème de la French Tech a connu des jours meilleurs. Après une année 2021 fleurissante, celle qui a suivi a été plus houleuse. Des vents économiques contraires ont d’ailleurs eu raison de certaines entreprises qui ont reporté leurs tours de table en espérant voir arriver les beaux jours en 2023. Dans sa dernière étude, Erevena rappelle ainsi que l’année écoulée n’a pas été haute en couleurs pour les fondateurs d’entreprises. Le scandale FTX fin 2022 a braqué les projecteurs sur la gouvernance, et plus particulièrement sur les conseils d'administration des start-ups. FTX n'avait pas de conseil d'administration conventionnel, ce qui constitue un signal d'alarme, et a conduit à des appels en faveur d'une gouvernance d'entreprise plus stricte et plus efficace.

En janvier dernier, la chute de SVB a accru l'incertitude du marché pour les entreprises soutenues par des investisseurs en capital. Une question est alors revenue : quelle est l’influence des investisseurs en capital ? Les fondateurs ont besoin d’un « accès aux bons conseils, au bon moment, de la part de dirigeants indépendants qui savent par expérience comment naviguer dans l'adversité du marché » rappelle Erevena. Après cela, les VC et fondateurs veulent s’assurer qu'ils sont le mieux préparés à tout ce que le marché peut encore leur réserver. Et pour le savoir, ils ont aussi besoin des conseils d'administration des start-ups, qui devront être aussi prévoyants et efficaces que possible. En ce sens, l’ajout de membres indépendants au conseil d'administration est un moyen très efficace d'y parvenir. Everena fait le point sur la gouvernant des start-ups et, plus précisément, au sein de la French Tech.

Des chiffres encourageants…

« Sans surprise, près de 90 % des investisseurs en capital exigent systématiquement un siège au conseil d'administration dans le cadre de leur stratégie d'investissement ». Si l’on pouvait aisément s’attendre à ce résultat, les chiffres suivants sont assez surprenants mais montrent la bonne santé de la relation entre VC et fondateurs. Ainsi, 82 % des investisseurs en capital engagent la conversation avec les fondateurs sur la création de conseils d'administration dès le premier jour. 86 % des entreprises financées par un capital-risque disposent d'un conseil d'administration composé de fondateurs et d'investisseurs.

Ces derniers ne sont pas moins de 60 % à se réunir une fois par trimestre et 40 % plus d'une fois par trimestre. Les membres du conseil d'administration ont des contacts réguliers et ponctuels, précise Erevena. « Les membres du conseil d'administration sont très sollicités en dehors des réunions du conseil, 28 % d'entre eux déclarant avoir de nombreux contacts en dehors des réunions et 71 % déclarant avoir des contacts supplémentaires pour aborder des sujets spécifiques tels que les fusions-acquisitions, la stratégie et le recrutement ».

…Et des axes d’amélioration en matière d'indépendance

Toutefois, des améliorations sont possibles, notamment sur la question de l’indépendance. 68 % des répondants ont ainsi indiqué qu'aucun ou presque aucun de ces conseils d'administration n'a de président indépendant à la tête du conseil d'administration. De même, seuls 7 % affirment que tous les conseils d'administration des entreprises de leur portefeuille comptaient des membres indépendants. 25 % ont d’ailleurs déclaré que pratiquement aucun conseil d'administration n'avait de membres indépendants. Et si le sujet est abordé avec intérêt, il n’empêche que 25 % des fonds de capital-risque interrogés ont déclaré que pratiquement aucun n'a été nommé dans ce délai. Pour y remédier, les VC cherchent un type de profil et d’expérience bien définis.

Erevena, qui a tenté de dresser un portrait-robot de ces membres indépendants qui montent au board, indique qu’un seul et unique profil résonne dans la grande majorité des cas. Il s’agit d’un entrepreneur (un homme donc) qui a réussi à développer (et idéalement à sortir) une entreprise. Il y a un certain intérêt (mais très peu) pour l'apport d'expérience d'autres régions telles que les États-Unis, et pratiquement aucun intérêt pour l'apport d'expérience d'autres secteurs ou d'autres horizons fonctionnels. Un profil qui fait écho à celui des fondateurs de start-ups : un homme blanc, plutôt jeune, tout droit sorti d'une école d'ingénieur ou de commerce de renommée. Quant à l’aspect de la diversité, il est clairement mis au placard.

La diversité loin d'être un critère de sélection indispensable

L’étude fait ressortir des chiffres assez inquiétants à ce sujet : « 57 % des sociétés de capital-risque déclarent que la diversité est très importante et 29 % qu'elle est essentielle. Toutefois, les investisseurs estiment que la diversité n'est peut-être pas une priorité aussi essentielle pour les entreprises de leur portefeuille (43 % estiment que les fondateurs pensent qu'elle est très importante et seulement 7 % qu'elle est essentielle) ». 11 % des sociétés de capital-risque déclarent que la diversité est un critère de sélection « indispensable » dans leur recherche de membres du conseil d'administration indépendant, tandis que 46 % déclarent que ce serait « idéal » et 43 % cherchent à obtenir une liste de candidats plus équilibrée. Pour Dan Teodosiu, ancien directeur technique de Criteo et Onfido désormais au conseil d’administration de Revolut et Qima, « les start-ups en général, y compris les françaises, peuvent bénéficier d'une plus grande diversité de pensées et d'expériences au sein de leurs conseils d'administration, afin de les aider à développer des ambitions globales, au-delà du marché local ou même européen ».

La French Tech, un exemple mitigé

Alors faut-il prendre exemple sur la French Tech et plus précisément les classements Next 40/FT 120 ? Les données révèlent que sur les 40 jeunes entreprises prometteuses, seules 12 ont des membres indépendants au conseil d'administration et parmi eux, seuls 6 comptent des femmes. Un problème que l'initiative Pacte Parité de la French Tech – signé le 1er juin 2022 – tente de résoudre. Globalement, sur l'ensemble de la French Tech 120, 29 % des start-ups ont des membres indépendants au conseil d'administration et seulement 12 % ont des femmes au conseil d'administration. En somme, les mécanismes sont en place mais leur application prend du temps. Il faudra certainement attendre plusieurs années avant de voir se dissiper ces lacunes et voir apparaître une gouvernance plus forte, indépendante, et assumant sa diversité.