Alors que les opérateurs européens affichent un retard sur le déploiement de la 4G, équipementiers, industriels et experts se sont donnés rendez-vous à Munich pour discuter de la 5G en Europe. A l'initiative de Huawei, ce 5G Summit était l'occasion de voir les orientations des uns et des autres sur cette technologie. En premier lieu, l'Union européenne s'est mise en ordre de marche pour ne pas être à la traîne par rapport à l'Asie et aux Etat-Unis. La Commission européenne a lancé en décembre dernier une initiative baptisée 5GPPP, un partenariat public-privé où l'exécutif bruxellois investit 700 millions d'euros sur 7 ans et la même somme pour les équipementiers avec une option pour multiplier par 3 ce montant soit un potentiel de 2,8 milliards d'investissements.  Huawei entend bien devenir un leader de ce groupe. L'équipementier chinois a déjà annoncé sur le plan mondial un investissement de 600 millions de dollars sur la 5G d'ici à 2018.

Reste que cette organisation est en phase de construction et que des annonces sur la structure de l'association seront dévoilées lors du Mobile World Congress à Barcelone. Thibaut Kleiner, responsable de l'unité « Network Technologies »  auprès du Commissaire européen Neelie Kroes, indique « nous sommes aujourd'hui dans une première phase pour poser les fondations de la 5G en fixant le cap des travaux de recherche ». Il constate néanmoins que des forces contraires existent dans cette association, les équipementiers sont concurrents et les spécialistes du broadcast (télévision, opérateur satellitaire) vont avoir aussi leur mot à dire. Il pense que le prochain paquet télécom donnera une plus grande visibilité réglementaire et levera certaines interrogations.

Plusieurs technologies en lice


Si cette visibilité est importante pour les experts techniques, les besoins des opérateurs et du modèle économique des futures applications (issues de l'utilisateur, mais aussi de sa relation avec l'Internet des objets)  sont des éléments importants pour fixer les orientations technologiques. Cette perplexité est soulignée par le Dr Wen Tong, expert de Huawei auprès de l'IEEE (organe de standardisation), « la question va se poser : garder les technologies actuelles avec leurs limites ou passer par un changement radical de conception de l'architecture de la téléphonie mobile autour de l'OFDM pour aller vers un modèle plus intégré ». Certes, les débits vont augmenter fortement pour atteindre le gigabit par seconde voire plus. Cependant, les discussions ont plutôt porté sur la réduction de la latence avec un objectif de 1 ms fixé par l'association 5GPPP et sur la capacité à gérer un trafic de data mobile qui va être multiplié par 1000.

Mais quelles technologies choisir pour répondre à ces exigences? Sergio Benedetto, professeur à l'Université de Turin a donné quelques éléments de réflexions. En premier lieu, le besoin en spectre sera absolument crucial en allant jusqu'à 6 GHz. Il distingue la réattribution de certaines bandes de fréquences (extinction progressive de la 2G, optimisation du WiFi par exemple) plus une partie de la bande 2GHz pour une utilisation en extérieur. Par ailleurs, il prône l'utilisation d'un spectre large entre 1 et 6 GHz pour une couverture à l'intérieur des bâtiments. Cela implique selon lui l'apparition d'une licence unique ou d'une fédération de licences, ainsi qu'une allocation dynamique des ressources spectrales.

Il a listé ensuite les pistes technologiques pour la 5G. Parmi elles, on trouve le mmwave ou longueur d'onde millimètrique qui utilise les hautes fréquences (Samsung a réalisé un test avec un émetteur/transmettreur en mai dernier sur une bande de fréquences de 28 GHz). Aujourd'hui en France, ces bandes de fréquences sont utilisées par des besoins militaires. L'utilisation massive du MIMO (Multiple In/Multiple Out) est une autre approche en augmentant les antennes au sein des stations de base. Sur la réduction de la latence, les chercheurs réfléchissent sur un système de cache distribué pour les contenus les plus demandés au sein des stations de base.

Un écosystème à créer


L'ensemble de ces orientations technologiques ont des avantages et des inconvénients et le Pr Benedetto pense que l'on se dirige vers une combinaison de ces techniques. A cela, il faut ajouter une réflexion sur l'architecture du réseau des opérateurs avec une forte poussée des fonctionnalités de virtualisation et plus encore du SDN pour orchestrer les différentes techniques. Ces réseaux devront être adaptatifs en se basant sur les usages et le contexte, ce qui implique un important travail sur l'apport du big data et l'analytique. Par ailleurs, les fournisseurs de contenus déjà en pleine transformation digitale, regardent la montée des débits et la connaissance de l'utilisateur comme un vecteur de croissance. M. Wong nous a indiqué qu'un des premiers usages de la 5G pourrait se trouver dans la voiture connectée et le besoin d'être fréquemment en contact avec le cloud. Un représentant de BMW a confirmé cette piste de réflexion, mais en pointant du doigt les problématiques de sûreté et de sécurité.

La route est encore longue pour la 5G, Thomas Kleiner évoque l'horizon 2030 pour une adoption massive de cette technologie. Avec ce 5G Summit, Huawei a réussi une première étape en réunissant autour de la table des discussions ses concurrents, Alcatel-Lucent, NSN, Ericsson et les opérateurs télécoms. L'aventure commence...