Les associations, syndicats, fédérations et autres organisations sont nombreuses à faire valoir leurs idées et leur vision du secteur du numérique et des TPE-PME à l’occasion de cette élection présidentielle 2022. Regroupant des opérateurs, des intégrateurs et des équipementiers, la fédération InfraNum n’y échappe pas et a présenté à l’ensemble des candidats à l’élection une trentaine de propositions « pour une France connectée et durable ». « Le numérique irrigue notre quotidien, comme l’a brutalement rappelé la crise sanitaire, et les infrastructures ont ainsi été un facteur clef de résilience nationale. Incontournable, le numérique reste donc fondamentalement un objet politique » rappelle Philippe Le Grand, président d’InfraNum et, accessoirement, vice-président de Nomotech.

Il rappelle ainsi que « les défis sont colossaux : convergence des transitions environnementales et numériques, souveraineté, compétitivité, accompagnement de la transformation numérique de l’État, des collectivités et des différents services publics. Selon InfraNum, ce quinquennat à venir est marqué par trois enjeux fondamentaux : « aller au bout du plan France très haut débit, améliorer la compétitivité et relever le défi de la transition environnementale, et renforcer l’engagement à l’export ». Tous les candidats ont été sollicités et sept d’entre eux ont choisi de venir ou d’être représentés.

« Nationaliser les télécoms »

Le député de l’Essonne et candidat à l’élection présidentielle 2022, Nicolas Dupont-Aignan, s’est exprimé sur la question du déploiement de réseaux de communications fiables. Face à l’enjeu de la fin du déploiement de la fibre optique sur tout le territoire, le candidat prône « un montage financier pour avoir un réseau unique nationalisé que les opérateurs loueraient », évoquant un système possible de redevance. Il se rallie ainsi aux propositions de la fédération consistant à organiser un Grenelle de la résilience et de la souveraineté des infrastructures numériques à l’aune de la décentralisation des réseaux. L'idée est de poursuivre le développement de ces derniers, en assurant leur viabilité économique. 

Le candidat de La France Insoumise rejoint Nicolas Dupont-Aignan sur ce point. Son porte-parole, Alexandre Schön, prône un recours fort aux pouvoirs publics et regrette la domination du secteur privé sur le marché des télécoms. Souhaitant se diriger vers la nationalisation, il appelle à un dialogue avec les acteurs concernés, et envisage le rachat d’entreprises stratégiques comme Alcatel Submarine Networks ou Orange Marine. « Les télécoms sont une compétence régalienne, il faut mettre plusieurs règles en place et s’adapter aux territoires pour une uniformisation » plaide-t-il. « Sur le secteur des télécoms, si les acteurs privés sont prêts à mutualiser les moyens, nous pourrons avancer sur une réponse collective avec des prix uniformes, sans augmentation des prix d’abonnement pour les plus excentrés ».

Pour ou contre un ministère du Numérique ?

Nicolas Dupont-Aignan énonce également la nécessité d’un ministère de l’aménagement du territoire avec une composante numérique pour avoir une vision globale. Il répond ainsi partiellement à la proposition d’InfraNum de créer un « ministère du Numérique de plein exercice auquel serait rattaché un comité de pilotage interministériel doté d’un fonds durablement abondé de soutien à certains usages clés des territoires ». Un point sur lequel les candidates Anne Hidalgo et Valérie Pécresse ont répondu par l’affirmative. La première souhaite en effet également promouvoir un ministère du Numérique autonome.

De son côté, Valérie Pécresse entend « créer un poste de coordonnateur du numérique en lien permanent avec la Présidence afin de mieux coordonner l’action publique depuis le plus haut niveau de l’État. Elle souhaite également installer un Haut Conseil de la souveraineté économique et numérique, sous l'autorité du Premier ministre, qui pourra contrôler les investissements étrangers à l’aune de ces enjeux stratégiques.

« Embarquer le monde industriel dans la 5G »

Député des Côtes d’Armor et conseiller numérique pour la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron, Éric Bothorel a fait le point sur le quinquennat du candidat, évoquant notamment les objectifs de bon débit pour tous en 2020, et du haut débit en 2022. Il indique que d’ici la fin de l’année, 87% du territoire sera raccordé et une généralisation de la fibre est prévue d’ici à 2025. « Sur le prochain quinquennat, il s’agit de continuer la complétude des réseaux jusqu’en 2025 et se préparer avec les technologies du futur, notamment la 5G » précise-t-il. « Il y a un vrai enjeu d’embarquer le monde industriel pour se moderniser. On ne peut pas louper le virage de cette technologie au motif qu’elle ne serait pas disponible. Elle l’est, les entreprises doivent s’en saisir » ajoute-t-il.

Un point sur lequel s’entend la fédération qui veut « établir, en concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière, les modalités techniques et financières permettant de développer les usages innovants de la 5G, au bénéfice des industriels et des territoires ». Elle promeut le renforcement du plan d’accompagnement Industrie 4.0 pour moderniser les sites industriels par le recours à la 5G privée. De même, Éric Bothorel retient la proposition de « mettre à la disposition des entreprises des « kits de survie » sur les sujets numériques, incluant des dispositifs de cybersécurité et de visibilité en ligne souverains ». « Le Campus Cyber est l’une des réponses aux besoins des entreprises, participant au partage de bonnes pratiques ». 

Sur la question du réseau, Sylvain Raifaud - conseiller municipal de la ville de Paris - s’est également exprimé au nom de Yannick Jadot. Les Verts ne sont pas fondamentalement opposés à la 5G, mais souhaitent avoir un moratoire pour connaître toutes les finalités. Sylvain Raifaud admet que le parti souhaite « privilégier les réseaux filaires, dans les locaux, logements, entreprises et services publics ». En ce sens, InfraNum demande l’extension de l’avis consultatif de l’ABF au déploiement de la fibre optique dans les territoires afin de permettre aux opérateurs d’infrastructure d’installer plus vite les équipements nécessaires au raccordement des foyers.

Former aux métiers porteurs

Le programme du candidat Emmanuel Macron prévoit également d’aller plus loin sur l’inclusion avec l’adaptation aux métiers du futur, répondant par la formation initiale et la formation continue. « Il faut affiner les besoins des entreprises pour s’adapter dans le tronc scolaire » affirme le député, ajoutant que le programme prévoit une réforme des lycées professionnels pour s’adapter à ces nouveaux métiers, avec la mobilisation de l’alternance. Sur ce point, InfraNum a en effet proposé de « renforcer les formations en alternance permettant une gestion prévisionnelle des emplois et compétences sur le secteur des infrastructures numériques (GPEC) et renforcer et diversifier l’offre de formation relative aux infrastructures et services numériques à destination des collectivités territoriales et de l’État, le cas échéant en encourageant les partenariats entre organismes de formation des agents publics et la filière industrielle ». 

Alexandre Schön, animateur du groupe thématique numérique de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, est également intervenu sur cette question de la reconversion professionnelle. Dans le programme du candidat La France Insoumise, « un budget de 200 milliards d’euros est accordé à la bifurcation écologique et une partie ira à la formation vers de nouveaux secteurs stratégiques et à davantage d’inclusion » explique-t-il. En ce sens, InfraNum a expliqué vouloir poursuivre et amplifier la mise en œuvre de l’EDEC « infrastructures numériques » et enfin renforcer les actions soutenant la féminisation des professions du numérique.

Repenser le numérique pour le public

Soutenant un numérique pour tous, Sylvain Raifaud a de son côté abordé les différents points de blocage : le droit au raccordement face au dysfonctionnement actuel de certains sous-traitants d'opérateurs, la formation des aidants et des habitants face aux procédures de plus en plus dématérialisées, mais aussi l’accompagnement des familles pour un accès égal aux équipements. Sur ce sujet, Anne Hidalgo s’est précédemment exprimée, annonçant vouloir « doubler le nombre d’aidants numériques présents dans le pays, passant de 4 000 personnes à 8 000 ». A cela, Nicolas Dupont-Aignan répond par la prise en main de la formation par l’éducation nationale. « La révolution numérique ne doit pas être pour une France à deux vitesses, avec deux skis qui s’écartent, elle doit profiter à tous » assure-t-il.