Peut-être que votre feuille de calcul en SaaS ne chargera pas, que Netflix chargera votre série dans le vide, et que le WiFi ne fonctionnera pas. Et si Internet tombait ? A partir du moment où l’idée nous vient, elle ne nous quitte plus... Finalement, qu’est-ce qu’Internet ? Un tas de serveurs interconnectés. Peuvent-ils planter tous en même temps ? De quelle manière ? Pour ceux dont l’informatique est le métier, ces réflexions sont à prendre en considération. Mais à partir de là, d’autres questions viennent : quels seraient les impacts sur les marchés, sur les armées, les hôpitaux ?
Une réponse sage serait que, en tant que réseau planétaire composé de routeurs, de serveurs et de commutateurs, Internet est beaucoup trop gros, décentralisé et redondant pour s’arrêter d’un seul coup. C’est la matrice de communication la plus puissante et intriquée assemblée par l’être humain. Internet change de minute en minute, à mesure que des terminaux s’y connectent et s’en débranchent.
La redondance empêcherait le réseau de tomber
« Il serait très difficile pour l’ensemble d’Internet de tomber en panne sur la base d’un principe important de la théorie des systèmes appelé redondance » explique Paul Levinson, auteur et professeur de communication et d’études des médias à l’Université Fordham (New York). Il a consacré une grande partie de sa carrière à l’analyse d’Internet sous l’angle cette théorie des systèmes. « Il y a énormément de processus de sauvegarde, de solutions de contournement, de manières différentes de passer d'un point A à un point B. Ces derniers seraient mis en ligne instantanément et automatiquement si le système tombait en panne » précise-t-il.
« Il serait très difficile pour l’ensemble d’Internet de tomber en panne sur la base d’un principe important de la théorie des systèmes appelé redondance » explique Paul Levinson. (Crédit : Pixabay)
Mais pourtant des scénarios catastrophes ont été proposés, et pas seulement par des internautes adeptes des théories du complot. Nos confrères d’IDG ont regroupé les scenarii les plus probables d’effondrement du réseau des réseaux.
Une catastrophe planétaire
Pour qu’Internet connaisse un effondrement global – ou même simplement régional - une agence ou un événement devrait désactiver simultanément tous les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) en ligne à ce moment. Les FAI relient les fournisseurs de services Internet commerciaux à la structure d’Internet et sont dispersés dans le monde entier, chacun disposant de plusieurs installations réparties dans la zone géographique couverte par le service. Ils fournissent l'infrastructure même d'Internet.
Si une architecture plante, le trafic Internet est simplement dévié grâce à des milliers d'autres chemins disponibles. En termes de composants physiques, chacun de ces chemins est constitué de différents éléments : des serveurs, câbles et d’autres équipements. Mais il n’est absolument pas possible de bloquer Internet en désactivant un seul matériel informatique - ou même un millier d’ailleurs. Il n'y a pas un cordon central à couper, pas de prise principale à tirer. Pour arrêter ou même ralentir de manière significative Internet sur toute zone géographique importante, « cela nécessiterait une catastrophe » selon Paul Levinson, « ou une série d’événements d’une telle ampleur qu’elle pourrait endommager gravement une grande partie du matériel sous-jacent d’Internet. »
Il n'y a pas un cordon central à couper, pas de prise principale à tirer pour faire sauter le réseau des réseaux. (Crédit : Pixabay)
La bonne nouvelle, dans une moindre mesure, c’est que pour qu’une coupure de tous les FAI de la planète se produise, il faudrait que la catastrophe soit assez puissante pour anéantir toute vie sur Terre. L’événement devrait être de la même ampleur que l’astéroïde ayant signé l’extinction des dinosaures ou une guerre thermonucléaire. Dans ces éventualités, l’accès à Internet ne devrait pas être notre priorité numéro un...
Détruire le hardware à coup de pelle
Cependant, des désastres moins importants pourraient certainement mettre KO des portions du réseau temporairement. Le composant le plus vulnérable du réseau Internet est le réseau de câbles à fibres optiques sous-marins qui connecte les continents. Ces câbles - plus de 400 dans le monde au moment de l’écriture de l’article - sont régulièrement coupés et rompus par des glissements de terrain, des séismes sous-marins et d'autres phénomènes naturels. La grande majorité de ces câbles sont non-blindés, non protégés, de petite taille (comme un tuyau d’arrosage) et relativement délicats.
Au 3 septembre 2018, il existe plus de 400 câbles de fibre optique sous-marins dans le monde. (Crédit : Submarine Cable Map)
Les pannes isolées causées par des phénomènes naturels, ou même des ancrages occasionnels, ne sont généralement pas un problème, car le trafic est instantanément redirigé vers d'autres câbles. Pourtant, des accidents se produisent. En 2011, une femme de 75 ans, creusant pour trouver du cuivre sur le rivage, a coupé un câble et arrêté l'accès à Internet en Arménie pendant cinq heures.
Une bataille navale entre Etats
Un premier scénario serait donc le sabotage délibéré - cette fois – de câbles sous-marins. Que ce soit par des terroristes ou (plus probablement) des forces militaires. Début 2017, les responsables de l'OTAN ont révélé publiquement que les sous-marins russes avaient considérablement accru leur activité autour des câbles de données sous-marins reliant l'Europe et l'Amérique du Nord.
Mais si la Russie devait couper la totalité ou la plupart des câbles dans le Pacifique et l’Atlantique dans le cadre d’une attaque coordonnée, la décision ne ferait pas tomber Internet. L’Amérique serait tout de même isolée. Les communications entre les alliés américains et européens de l'OTAN seraient les plus perturbées.
S’attaquer aux serveurs racines
Les activités humaines néfastes ne sont pas le seul risque potentiel pour Internet. En 2015, un comité au sein de l'organisation à but non lucratif Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) a publié un rapport plutôt alarmant concernant une faiblesse potentielle profondément ancrée dans la structure sous-jacente d'Internet.
Selon ce rapport, une vulnérabilité du système de carnet d'adresses Internet pourrait potentiellement amplifier l'effet de toute perturbation physique des serveurs racines ou des câbles sous-marins. Ironiquement, le dilemme est lié à la force centrale du réseau des réseaux : la redondance. Si une partie importante d'internet devait tomber en panne pendant plusieurs jours, le « système de sauvegarde » des chemins redondants pourrait se mélanger les pinceaux définitivement, en ajoutant des informations obsolètes aux nouvelles données. Plonger dans les détails est assez complexe. Pour les ingénieurs et les passionnés les plus pointus sur le sujet, le rapport est à lire ici.
Il n'y a plus de nos jours physiquement et uniquement treize serveurs racine du DNS, mais plutôt treize « identités de serveur ». (Crédit : Wikipédia)
Et si ces serveurs racine étaient délibérément désactivés, et bien, les choses deviennent alors très sombres. « Le moyen le plus intéressant de bloquer Internet est de se concentrer sur les 13 serveurs racines de premier niveau qui nous aident à trouver des ordinateurs par nom sur Internet » développe le Dr Patrick Juola, professeur d’informatique à l’Université Duquesne. « Si ces ordinateurs pouvaient être désactivés, que ce soit par une panne de courant, un virus ou des dommages physiques, la plupart des ordinateurs ne pourraient plus se trouver les uns les autres pour envoyer des messages. En d'autres pratiques, Internet cesserait tout simplement de fonctionner ».
Les caprices de l’Univers
Le scénario catastrophe le plus dramatique de la fin d’Internet serait sûrement la possibilité d’une éruption solaire. Cette théorie a fait faire des nuits blanches à maints experts pendant des décennies. Bien avant l’arrivée d’Internet. On sait depuis longtemps qu'une éruption solaire majeure pourrait produire une impulsion électromagnétique qui ferait théoriquement frire tous les composants électroniques de la planète.
(Crédit : Bokeh Life)
« Bien que certains systèmes soient protégés contre ce genre d’événement, la plus puissante protection créée par l’homme ne pourrait avoir aucun effet face à la surpuissance du soleil » avoue Patrick Juola. Son confrère de l’Université de Fordham est d’accord et ajoute que d’autres menaces pourraient également arriver de la voûte céleste. « Avec toutes nos prouesses technologiques, nous n’avons toujours pas maîtrisé ou même découvert toutes les forces à l’œuvre dans l’univers. Nous ne connaissons pas toutes les choses qui peuvent mal tourner. »
Le problème Evil Genius
Même si nous mettons de côté les catastrophes naturelles, les explosions cosmiques et les problèmes de codage, il y a encore au moins une autre menace majeure à évoquer. C'est le scénario le plus populaire dans les films de science-fiction, les thrillers et dans la culture pop en général. Que se passerait-il si un groupe de pirates informatiques – sponsorisés par l’État ou autre – avait effectivement trouvé un moyen de désactiver internet ? Et si quelqu'un développait un nouveau type de virus, une ligne de codes que nous ne pouvons même pas imaginer à ce stade ? C’est ce que M. Levinson appelle le problème Evil Genius.
« Aujourd’hui, c'est très improbable que ça arrive, mais pas impossible » prévient-il. « Il y a toujours une chance pour qu'un groupe de pirates puisse trouver un moyen de faire tomber Internet et tous les systèmes de sauvegarde qui fournissent une redondance. » Et même si ce principe empêcherait par essence Internet de planter, un principe fondamental de sécurité informatique, selon l’universitaire, est qu’on ne peut jamais dire jamais. « Il serait téméraire de ne pas spéculer sur ce qui pourrait arriver. Et le processus même de spéculation peut révéler des faiblesses dans le système. »
Internet, Titanic, même principe
Ce qui nous remmène à la théorie des systèmes et au truisme persistant selon lequel aucun réseau n'est jamais sécurisé à 100%. Il est tout simplement impossible de prévoir toutes les variables. Si ces jours sombres devaient arriver un jour, il est fort probable que nous ne voyions rien venir. « Il est autant possible qu’Internet tombe que de réussir à obtenir face cinquante fois d’affilé en lançant une pièce. Mais c’est possible. Il n’y a juste qu’une chance sur plus d’un billiard. »
Paul Levinson propose une autre analogie, avec le Titanic. « C’était un bateau qui avait été spécifiquement construit pour être insubmersible. Tous les scientifiques de l’époque s’accordaient là-dessus. Mais ils n’avaient pas pensé à tout et un iceberg est venu le percuter pile au mauvais endroit au mauvais moment. C’est la même chose pour Internet. Ce qui peut détruire un système inviolable est précisément la seule chose qu’on ne verra pas arriver, celle à laquelle nous n’avions pas pensé. Et ce principe, lui, ne changera jamais. »
Un titre racoleur pour extorquer une affiliation ... ne devrait pas avoir sa place sur internet !
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