Dans le secteur IT, l’emploi de collaborateurs plus âgés pourrait être un moyen de faire face à la pénurie de compétences. Pour autant, il semble que les préjugés sur l’âge persistent chez les employeurs du numérique qui recrutent en priorité des jeunes. Selon les données récoltées en 2020 par le collectif RH Firstalent, 7,7 % des salariés des entreprises technologiques ont plus de 45 ans et seulement 2,4 % plus de 55 ans, Face à ce constat, la French Tech Grand Paris a souhaité identifier les raisons pour lesquelles le recrutement des seniors reste anecdotique dans l’IT. Pour cela, l’association a réalisé deux enquêtes, avec le concours de Simplon, Serena, Evaneos, Winside, Maximis, Sidetrade ainsi que Delphine Goudchaux et Pierre-Yves Martin, deux consultants spécialisés sur l'emploi des plus de 50 ans. 

L’une a été menée auprès de différents types de structures (comprenant entre 1 et 10 salariés et jusqu’à plus de 500 collaborateurs) pour identifier les freins à l’embauche des travailleurs expérimentés L’autre a consisté à questionner cette tranche de candidats afin de comprendre les causes de leur sous-représentation dans les professions liées à l’innovation. A noter que la French Tech Grand Paris a pris le parti de limiter au maximum la désignation du mot senior, considéré comme trop péjoratif par les entreprises et les professionnels et plutôt d’utiliser le terme « personne expérimentée ». Parmi les arguments avancés par les entreprises IT sur le manque de considération portée à ces profils, figurent en premier lieu le coût de leur rémunération jugé trop élevé. Les raisons évoquées en second lieu sont le manque d’adaptabilité à l’utilisation des outils digitaux du quotidien.

Plus d'outils pour recruter et former des seniors

«Ce dernier point est clairement un préjugé à l’encontre des personnes plus expérimentées qui, pour une grande partie, a vécu l’essor des outils numériques et leurs évolutions jusqu’à aujourd’hui », pointe Alexandra André, directrice générale de la French Tech Grand Paris, dans un communiqué. Pour favoriser les recrutements de professionnels plus âgés, les entreprises réclament prioritairement trois solutions : un dispositif d'aide à l'insertion de l'Etat (aide financière et contrats adaptés d'insertion notamment), des outils plus efficaces pour le sourcing et la mise en place de formations. De leur côté, 2/3 des seniors interrogés souhaiteraient bénéficier d’une immersion professionnelle dans l’IT, mais 76 % disposent d’un réseau limité, voire d’aucun réseau dans le secteur. 

Proposer des formations et des moyens de les financer, ou encore promouvoir un programme d’alternance pour les seniors renforcerait l’intégration de ces profils et favoriserait leur employabilité numérique, suggère le collectif dans cette étude. Certains employeurs du secteur restent néanmoins ouverts au recrutement de profils plus âgés et donc plus expérimentés qui apportent « sagesse et expérience » au sein d’équipes plus jeunes. Néanmoins l’étude montre un problème de rencontre entre l’offre et la demande. Que ce soit du côté des entreprises ou du côté des seniors il y a une volonté de collaborer mais une grosse difficulté à identifier cette catégorie de candidats ou à trouver des offres. Pour preuve, 28 % des répondants côté entreprises évoquent des difficultés dans l’identification de seniors et ne pas savoir où les trouver.

L'âge auquel on est un profil senior varie fortement pour une même proportion de répondants. (Source: French Tech Grand Paris)

Des variations très importantes sur la définition de l'âge 

De leur côté 60 % des plus de 50 ans ne savent pas comment identifier les opportunités professionnelles. D’après l’association, le développement et la mise en place d’outils de détection de candidatures et de recherche d’offres apparaissent donc comme essentiels. Outre ces enseignements, il apparaît également que l’âge auquel on qualifie les professionnels de senior varie, et il est intéressant de noter que plus de 20 % des répondants considèrent qu’au-delà de 45 ans, une personne fait partie des séniors. Cela illustre bien la notion très floue de l’âge, puisqu’il y a quasiment autant de répondants pensant qu’une personne est senior à partir de 45 ans qu’à partir de 60 ans, alors que 15 ans les séparent.

 « Il y a donc beaucoup à faire afin de faire tomber les nombreux préjugés que les entreprises de l’IT ont sur les plus expérimentées », juge Houcine Ménacer, directeur général de Winside et membre du conseil d'administration de  la French Tech Grand Paris. La tâche n’est pas des moindres puisque sur l’ensemble des répondants, 1/3 n’ont pas de senior au sein de leur équipe. Plus problématique encore, 1/4 considère qu’une personne ne peut pas être recrutée à partir d’un certain âge  Ces a priori contribuent à l’exclusion de facto d’un réservoir de professionnels qui ne cesse pourtant de croître alors que l’âge de la retraite recule.