L'IA générative d'abord entre les mains des conseillers, avant de la laisser guider les clients eux-mêmes. C'est un peu la démarche que déploie aujourd'hui le Club Med, dans le prolongement d'une stratégie data qui s'est dessinée lors de la crise du Covid. « Alors que nos villages ont été fermés pendant 6 mois, la donnée a été désignée par notre Comex comme un axe stratégique pour une durée de trois ans », indique Siddhartha Chatterjee, le Chief Data Officer (CDO) du Club Med. Trois objectifs principaux sont alors assignés au Data Office : la fidélisation des clients, l'amélioration de l'efficacité opérationnelle et un rôle tourné vers l'innovation. L'infrastructure de gestion des données est refondue en profondeur, autour de GCP (le cloud de Google). « Presque 80% des données sont aujourd'hui remontées en temps réel sur cette plateforme. Parvenir à ce niveau nous a demandé un an de travail, suivi par environ six mois consacrés à la réconciliation des données clients pour piloter les parcours sur de multiples canaux », indique le CDO.

Au sein du groupe qui possède 66 villages vacances haut de gamme, l'analyse de données apparaît comme un levier essentiel, pour mieux connaître les clients, s'assurer de leur satisfaction vis-à-vis des séjours, modéliser leur valeur sur le long terme ou encore piloter finement les budgets marketing. D'autant que le cycle de vente moyen - soit la durée entre les premiers contacts et la réservation - atteint 100 jours.

« Un saut qualitatif »

C'est dans ce paysage que vient s'insérer les technologies d'IA générative. D'abord pour des questions d'efficacité opérationnelle. « Nous étions parmi les pionniers à tester la technologie : dès 2021 et 2022, nous menions des tests sur la synthèse de conversations précédentes. Nous avons, au fil de ces expérimentations, réellement vu un saut qualitatif par rapport aux technologies des générations précédentes. Les résultats sont produits beaucoup plus rapidement, car presque tout est automatisé », explique Siddhartha Chatterjee. La société mène alors également une expérimentation visant à simplifier l'exploitation de l'information disponible sur ses différents villages, via le modèle Claude AI de la société Anthropic, mis en oeuvre en collaboration avec la startup Allobrain.

Siddhartha Chatterjee, le Chief Data Officer du Club Med : « avec l'IA générative, on a besoin d'une qualité de donnée presque parfaite ». (Photo : D.R.)

« C'est sur ces bases que nous avons formalisé notre stratégie en matière d'IA, en collaboration avec nos métiers afin de partir de leurs problématiques », résume Siddhartha Chatterjee. Autour de deux grands principes : l'efficacité interne (via des applications autour de la synthèse automatique, mais aussi de la traduction) et la personnalisation de l'expérience client (via des outils conversationnels mis entre les mains des équipes de vente, mais aussi des clients pour leur donner davantage d'autonomie dans la préparation de leur séjour).

Un outil conversationnel intégré dans WhatsApp

Pour l'heure, la société de tourisme qui emploie environ 25 000 personnes (employés, mais aussi les fameux gentils organisateurs) a déployé trois principaux cas d'usage d'IA générative. D'abord, la société propose à son réseau de vendeurs dans plusieurs pays un outil conversationnel pour accéder rapidement à l'information sur ses différents villages. « Fin 2023, la même technologie sera proposée dans WhatsApp à nos clients au Brésil, avec la possibilité de poursuivre le dialogue avec un vendeur », détaille Siddhartha Chatterjee. Un autre test de même nature est également prévu en Chine. Cet outil conversationnel, basé sur le modèle LLM embarqué dans Claude AI, a nécessité la vectorisation d'une base de données semi-structurée renfermant les caractéristiques des offres. « Et nous avons beaucoup insisté sur le prompt engineering, notamment via une bibliothèque de prompts mis à disposition des utilisateurs », reprend le CDO.

Par ailleurs, via un modèle de Google, le Club Med a automatisé et enrichi l'indexation de ses plus de 50 000 images utilisées dans sa communication ou ses documents marketing. L'application est en cours d'intégration et d'industrialisation dans l'outil en charge de cette gestion du patrimoine visuel. Enfin, l'IA générative est utilisée pour améliorer la traduction de contenus dans un groupe présent dans 40 pays. « Le déploiement de cette technologie remet la question de la qualité des données sur le devant de la scène : avec l'IA générative, on a besoin d'un niveau presque parfait, sinon les conséquences se matérialisent très rapidement, observe le CDO. Par ailleurs, si elle n'a pas d'effet direct sur l'emploi à ce stade, cette technologie transforme les façons de travailler de nos métiers. La question de son adoption doit donc être étudiée de près et un plan de gestion du changement doit accompagner son déploiement. »