La commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée Nationale a saisi la Cour des comptes sur les systèmes d'information de la DGFIP (direction générale des finances publiques) et de la DGDDI (direction générale des douanes et des droits indirects). L'institution vient de rendre sa copie avec un titre résumant bien la teneur du document : « Investir davantage, gérer autrement ». A elles deux, le budget affecté aux systèmes d'information est de 650 millions d'euros et elles mobilisent près de 5 500 agents. Sur le plan global, elles représentent plus d'un quart des dépenses et effectifs informatiques de l'Etat.

Des couches successives par sédimentation

Une fois le décor planté, la Cour des comptes a analysé les forces et les faiblesses des deux SI étatiques. Premier constat, les SI sont robustes, mais vieillissants. La DGFIP comprend 700 applications et la DGDDI comprend 200 applications, qui sont gérées « avec un degré élevé de fiabilité ». « Les SI sont globalement robustes avec des taux de disponibilités élevés et peu d'incidents majeurs », précise les sages de la rue Cambon. Mais, « les équipes matériels et logiciels des deux directions présentent néanmoins des faiblesses liées à leur ancienneté. Les systèmes ont en effet été bâtis par sédimentations successives de couches technologiques dont certaines remontent aux années 1970 », poursuivent-ils. Cette dette technique hypothèque ainsi le passage à une gestion plus agile des SI.

La Cour des comptes pointent également du doigt les budgets des deux directions, inférieurs à ceux de leurs homologues étrangers. La DGFIP notamment a connu une nette baisse de ses crédits, bloquée par l'arrivée de prélèvement à la source. En 2018, la part de la dépense informatique dans son budget global s'élève à 6,7% soit « un niveau sensiblement inférieur » à celle des administrations fiscales étrangères, mais aussi des administrations de sécurité sociale. L'organisme de contrôle constate surtout que la composition du budget informatique de la DGFIP est « singulière » avec les dépenses de personnel représentent 70%. Ce qui signifie ne pas avoir recours à l'externalisation et donc à certains avantages. Par ailleurs, le poids des dépenses d'exploitation (62%) et de maintenance (20%) réduit à une portion congrue les nouveaux projets d'investissement.

Un pilotage des projets et des recrutements faibles

Après le vieillissement des SI, la Cour des comptes tacle des faiblesses structurelles autour de la conduite des projets et la gestion des ressources humaines. Sur le premier point, elle constate que ni la DGFIP, ni la DGDDI n'ont mis en place d'indicateurs permettant de piloter les projets informatiques. Le résultat de cette absence est sans appel, « échecs trop fréquents, dépassements des délais et des coûts quasi systématiques ». La DGFIP pourrait s'inspirer de la réforme du prélèvement à la source aboutie dans les délais impartis et avec un pilotage géré par le directeur général et suivi de façon hebdomadaire par le ministre.

Autre point de tension, le recrutement de compétences est difficile. Du côté des douanes, la DGDDI pâtit d'un fort déficit d'attractivité et connait de grandes difficultés de recrutement. « En 2018, près de 80% des postes d'informaticiens ouverts aux concours n'ont pu être pourvus ». Pour les finances publiques, « les modalités actuelles du concours ne lui permettent pas de recruter les jeunes diplômés et les apprentis dans des conditions satisfaisantes ». Par ailleurs, la Cour des comptes observe que le recrutement de contractuels reste marginal à cause « de freins internes ».

L'opportunité du programme Action Publique 2022

Face aux problèmes cités précédemment, les sages de la rue Cambon misent sur le programme Action Publique 2022 pour tenter de les résoudre. Ce plan de transformation des administrations financières vise dans les années à venir à améliorer la qualité du service rendu mais également de réaliser des économies. Pour réussir ce pari, l'organe de contrôle propose d'intensifier la capacité d'investissement dans les SI notamment pour résorber la dette technique.

Cependant, la Cour conditionne cette aide à deux évolutions. La première est l'établissement d'un cadre stratégique pluriannuel en matière d'informatique. Ce point cible particulièrement la DGFIP qui ne dispose pas actuellement de schéma directeur. Le deuxième effort porte sur l'organisation, le pilotage et les méthodes de travail. Sur le plan des ressources humaines, le recours aux personnels contractuels doit être un moyen de recrutement. Concernant les projets, le recours aux méthodes dites « agiles » gagneraient à s'accroître.