Depuis les attentats de 2015, la France a renforcé les capacités de surveillance terroriste de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) en faisant appel depuis 2016 à l’éditeur américain Palantir. Ce dernier, fondé en 2003 à l’aide d’In-Q-Tel, un fonds d’investissement dépendant de la CIA, propose des outils analytiques big data utilisés depuis longtemps par de grandes entreprises privées, des organisations publiques et de nombreuses agences fédérales et services de défense (CIA, DHS, FBI, l’US Army...). Outre le terrorisme, la DGSI lutte également contre les extrémismes violents, le contre-espionnage, la protection des intérêts économiques de la Nation et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.
La France a reconduit ainsi son contrat avec le géant américain des logiciels de renseignement Palantir pour une durée de trois supplémentaires. « Ce renouvellement intervient à un moment où les défis en matière de sécurité nationale exigent des capacités technologiques robustes et évolutives, répondant aux normes les plus élevées en matière de sécurité, de confidentialité et de gouvernance des données », explique le fournisseur dans un communiqué. Cet accord porte sur la fourniture de la plateforme logicielle propriétaire de l’éditeur, ainsi que sur les services d'intégration, d'assistance et de support nécessaires au déploiement et à son utilisation opérationnelle. « Nous sommes heureux de pouvoir continuer à accompagner dans les prochaines années les renseignements français sur leurs missions critiques incluant le contre-terrorisme, mais pas uniquement. Nous continuons de fournir notre logiciel à la DGSI pour qu'elle puisse mieux exploiter ses données dans le respect de la réglementation française », a expliqué Pierre Lucotte, directeur général délégué de Palantir France, aux Echos.
Un remplacement qui prend du temps
L’extension du partenariat entre la DGSI et Palantir intervient alors qu’un appel d’offres nommé OTDH (outil de traitement de données hétérogènes) a été lancé en 2022 pour remplacer l’éditeur américain par un acteur français. L’idée n’est pas nouvelle : dès 2018, Laurent Nuñez, actuel ministre de l’Intérieur mais à l’époque directeur de la DGSI, indiquait à Bloomberg déjà vouloir travailler « à développer une offre française ou européenne afin de mettre un outil à disposition de tous les services de renseignement ». En 2023, l’appel d’offres lancé par la DGSI s’était resserré autour de trois fournisseurs (contre 9 au départ) : Athea (alliance entre Atos et Thales), Blueway et Chapsvision. « Ça [l’outil] marche plutôt bien. On avance en tout cas, en partenariat avec eux [les services de renseignement] et on pourra succéder, je l'espère, un jour au logiciel américain de manière totalement opérationnelle. On touche au but », indiquait fin novembre Cédric Pelegry, directeur des affaires publiques de Chapsvision, à France Info.
Suite à l’annonce du renouvellement du contrat entre Palantir et la DGSI, la migration effective de Palantir vers un outil français devra cependant encore attendre. Une situation qui a poussé l’éditeur américain à se montrer rassurant : « Le champ d'action de Palantir reste strictement défini et conforme aux exigences opérationnelles et réglementaires fixées par les autorités françaises. De plus, il s'inscrit dans le cadre d'un effort plus large visant à soutenir la transition vers l'autonomie française, conformément aux orientations stratégiques du gouvernement français. » Mais montre aussi à quel point un fossé existe entre la promesse de s’affranchir d’outils étrangers pour des offres souveraines, avec la réalité du terrain.

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