Avec plusieurs semaines de retard sur le calendrier habituel, la Dinum (Direction interministérielle du numérique) a publié sa mise à jour du panorama des grands projets IT de l'Etat. L'édition de décembre 2023 - la 18ème -, publiée fin avril, répertorie 48 projets majeurs au sein des ministères, des projets dont le coût dépasse les 9 M€, ce qui, depuis un décret d'août 2014, les oblige à passer par un audit de la DSI de l'Etat avant leur démarrage. Ensemble, ces 48 initiatives représentent un investissement de 3,6 Md€ de l'Etat, ce total consolidant les coûts de construction des solutions et deux années de fonctionnement de celles-ci.

Depuis un an, le nombre de grands projets suivis par la Dinum s'est allégé de 6 unités, mais l'engagement budgétaire total s'est, lui, alourdi d'environ 500 M€. Imaginée pour réduire la durée et le budget de grands projets vus comme trop monolithiques et risqués, la méthode des audits confiés à la Dinum montre ici ses limites : en effet, la durée moyenne des 48 projets audités s'élève à 6,2 années, soit un chiffre identique à celui relevé en décembre 2022 et à peine inférieur à la moyenne affichée sur la première mouture du panorama des grands projets, en 2016.

Intérieur : l'inflation des coûts du Réseau radio du futur

En revanche, ce suivi semestriel des grands projets de l'Etat laisse apparaître une meilleure maîtrise des projets au sein des ministères. L'écart budgétaire moyen est ainsi tombé à 10,8% en décembre 2023, contre 24% un an plus tôt et même 32% en 2016, lors de la première publication du panorama des grands projets de l'Etat. Mais ce dépassement plus faible s'applique à une enveloppe budgétaire qui a enflé de 60% entre 2016 et fin 2023. Fin 2019, la 9ème édition du tableau de bord recensait même un engagement budgétaire total limité à 1,6 Md€, soit 2 Md€ de moins qu'actuellement.

Dans ce total, avec un investissement de près de 900 M€ à lui seul, le projet de Réseau radio du futur (RFF) du ministère de l'Intérieur, lancé en octobre 2022 pour une durée de 8 ans, pèse très lourd. S'appuyant largement sur les infrastructures 4G et 5G des opérateurs de téléphonie mobile, ce réseau est censé doter l'ensemble des services en charge de la protection des citoyens d'un système de communication mobile haut débit. Surtout, lors de la 16ème édition du panorama, en décembre 2022, le projet RFF n'était censé coûter 'que' 155 M€ sur 3 ans. En un an, les coûts ont été multiplié par près de 6 !

La facture de la facturation électronique

Derrière ce mastodonte, le ministère de la Santé totalise deux projets dépassant chacun la barre des 200 M€. Mon Espace Santé tout d'abord. Ce projet de plateforme de santé, permettant à chaque citoyen d'accéder à ses données de santé et d'interagir avec les professionnels impliqués dans son parcours de soin, lancé en 2020 pour 4 ans, est entré en phase de conception et réalisation. L'investissement estimé de 227,4 M€ est légèrement inférieur à celui planifié il y un an (le total s'est allégé d'environ 30 M€). L'autre grand projet du ministère de la Santé, le SI-Samu, est de son côté évalué à 218,3 M€. Cette modernisation des SI et des systèmes de télécommunications des Samu et des centres 15 a été lancée dès 2014, pour une durée supérieure à 10 ans. Elle a toutefois subi une réorientation en février 2022. Sur un an, le budget de ce projet, entré lui aussi en phase de conception et réalisation, est quasi-stable.

Seul autre programme du panorama à dépasser les 200 M€ d'investissement, le projet facturation électronique du ministère de l'Economie et des Finances voit, lui, sa facture totale enfler à 231 M€, contre environ 133 M€ dans la 16ème édition du panorama, datant décembre 2022. Ce projet de généralisation de la dématérialisation des factures et d'automatisation des déclarations de TVA, lancé en mars 2021 pour une durée de plus de 8 ans, se heurte à des difficultés dans la conception du Portail public de facturation, la pierre angulaire du dispositif.

Derrière ces quatre poids lourds, seuls trois autres projets (NED à la Justice, Pilat à l'Economie et aux Finances et PPN toujours à la Justice) dépassent le seuil des 100 M€ d'investissement. Les deux-tiers des projets suivis par la Dinum (32 sur 48) affichent un budget compris entre 20 et 100 M€, une proportion stable sur un an.

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