L'ordinateur quantique sort-il enfin des romans de science-fiction pour entrer dans le domaine commercial ? C'est en tout cas la promesse de D-Wave Systems, une start-up canadienne forte d'un financement de capital-risque de 20 M$, qui a fait une démonstration mardi dernier d'Orion, son ordinateur quantique. Il est constitué d'une paire de super-conducteurs - aluminium et niobium - portés à une température proche du zéro absolu (- 273,15° C). A un tel froid, les métaux peuvent se trouver dans les positions électriques 0 et 1 simultanément. Permettant ainsi d'obtenir de véritables bits quantiques (qubits). A la différence d'un bit classique se basant sur la physique traditionnelle, un bit quantique peut être soit un 0, soit un 1, soit un 0 et 1 en même temps. En pratique, cela permet de résoudre beaucoup plus rapidement certains problèmes. Comme l'explique Geordie Rose, directeur technique de D-Wave : « si vous écrivez un 0 et un 1 sur une surface classique comme un transistor ou une mémoire magnétique, l'information va se comporter d'une certaine façon. Si vous découvrez une façon d'écrire de l'information sur un objet quantique, cette information va se comporter d'une autre façon. Et vous pouvez exploiter cette différence pour accélérer drastiquement le temps de calcul au point que certains problèmes par principe insolvables jusqu'ici peuvent désormais se résoudre facilement. » Lors de la démonstration, Orion a ainsi résolu un problème de sudoku, arrangé un plan de table par affinités de personnes et - plus utile - vérifié une correspondance moléculaire en quelques minutes. Le calcul quantique est également mis en avant pour résoudre les problèmes de cryptographie : casser une clé ne prendrait que quelques heures, contre des centaines d'années avec les ordinateurs actuels. « Si les scientifiques pouvaient construire un tel instrument, celui-ci effectuerait les calculs à une telle vitesse qu'il ravalerait les superordinateurs modernes au rang de bouliers », écrit Simon Singh dans son Histoire des codes secrets (éditions Lattès). D-Wave commencera par louer du temps de calcul Avec seulement 16 qubits de puissance de calcul, Orion n'est pas si impressionnant, mais il peut, selon son concepteur, effectuer 64 000 opérations simultanées (environ 2 puissance 16). Et D-Wave compte lancer une version à 32 qubits d'ici à la fin de l'année, puis des versions à 512 qubits et 1024 qubits en 2008. En attendant une commercialisation directe, D-Wave propose de louer le temps de calcul d'Orion et de lui envoyer les problèmes à résoudre par Internet. Toutefois, avant de remplacer les data centers traditionnels par des ordinateurs quantiques, il va falloir résoudre au moins trois problèmes. Comment faire tenir les « frigos » nécessaires au refroidissement des composants dans une même salle ? Puisqu'il s'agit de physique quantique, comment augmenter le nombre de qubits sans générer d'interférences nuisibles au calcul ? Et enfin l'éternel problème, comment programmer ces ordinateurs. Pour Orion, D-Wave a utilisé un système nommé Adiabatic Quantum Computation, conçu avec l'aide du professeur Lloyd du Massachusetts Institute of Technology, qui lie profondément logiciel et matériel.