Les inventeurs européens vont bientôt pouvoir obtenir un brevet valable à l'échelle de l'Europe, vient d'annoncer le Parlement européen. Après plus de trente années de discussion, souligne-t-il dans un communiqué, un nouveau régime va réduire de façon importante, jusqu'à 80%, le coût d'un brevet européen. Cela permettra à ce dernier d'être concurrentiel face à ceux déposés aux Etats-Unis et au Japon. Les députés du Parlement de Strasbourg ont adapté le coût des brevets aux contraintes des petites entreprises, dans un compromis avec le Conseil, adopté ce mardi par le Parlement. « La propriété intellectuelle ne doit pas s'arrêter aux frontières », a déclaré Bernhard Rapkay, le député européen responsable de la législation sur ce système de protection par brevet unitaire.

Bernhard Rapkay (Allemagne), député européen responsable de la législation sur le système de protection par brevet unitaire.
Bernhard Rapkay (S&D, Allemagne), député européen.

Les parlementaires européens ont voté les trois propositions de réglementations nécessaires à la constitution du système : celle concernant un brevet unitaire, le régime linguistique associé, ainsi que la constitution d'une juridiction unifiée du brevet. Tous les états membres de l'Union européenne ne souhaitent pas prendre part à ce système. L'Italie et l'Espagne par exemple, n'y participent pas, même si elles peuvent changer d'avis et rejoindre l'initiative à tout moment.

Des brevets disponibles en anglais, en français et en allemand

Le futur système réduira donc les coûts d'obtention d'un brevet au sein des pays participants. Celui-ci sera disponible en anglais, en français et en allemand. Les demandes devront être faites dans une de ces trois langues. Si elles sont déposées dans une autre langue, elles devront s'accompagner d'une traduction dans une des trois langues principales. L'étape suivante du processus législatif conduit le projet devra être l'adoption par le Conseil Européen de la décision du Parlement, mais cela ne devrait constituer qu'une formalité puisque que celui-ci a déjà approuvé le texte lundi, selon un fonctionnaire du Parlement européen. Les Etats membres devront ensuite chacun ratifier la décision.

« L'accord international mettant sur pied la juridiction unifiée en matière de brevet entrera en vigueur le 1er janvier 2014 ou après sa ratification dans treize États contractants, à condition que le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne en fassent partie », indique le Parlement européen dans son communiqué. « Les deux autres volets s'appliqueront à compter du 1er janvier 2014 ou à la date de l'entrée en vigueur de l'accord international, si celle-ci intervient après cette date ». Il n'y a toutefois pas de date limite pour la ratification. Le processus pourrait donc être plus long à se mettre en place, selon un officiel.

Les opposants au texte craignent que l'innovation soit freinée

(maj) Rendre plus facile et moins coûteux le dépôt de brevets en simplifiant le cadre juridique peut soutenir l'innovation, estime Toine Manders, député européen, membre du parti ALDE, interrogé par nos confrères d'IDG News Service du bureau d'Amsterdam. Il est lui-même inventeur et juriste. Mais la réglementation adoptée ne satisfait pas tout le monde. Les parlementaires opposés au texte adopté craignent au contraire que le nouveau système ait des conséquences néfastes sur l'innovation et sur l'activité économique. Ils considèrent qu'en votant ce texte, le Parlement lâche du pouvoir.

Pour Christian Engström, membre du Parti Pirate qui siège également à Strasbourg, la future réglementation signifie que le Parlement européen cède tous ses pouvoirs politiques à une organisation... qui se trouve hors de l'Union Européenne ». Il ajoute qu'il reste en faveur d'un brevet européen tant que celui-ci ne freine pas l'innovation comme le fait, selon lui, la proposition examinée dans sa forme actuelle.

L'eurodéputée socialiste Françoise Castex s'est abstenue

Dans un communiqué, la députée Françoise Castex, membre de la Commission des affaires juridiques du Parlement européen, dénonce de son côté un « camouflet pour l'assemblée européenne ». Elle considère qu'il est fondamental que l'Europe encourage les esprits innovateurs à moindre frais et que le brevet soit accessible aux PME, moteur de la croissance. Mais elle ajoute : « Nous veillerons à ce que l'acquis communautaire soit respecté par cette juridiction unitaire, à commencer par la non-brevetabilité du vivant et des logiciels. » 

Selon l'eurodéputée socialiste, « dans cette affaire, le Conseil et notamment la Grande-Bretagne a eu une attitude inacceptable. La réalité est qu'elle a infligé un véritable camouflet au Parlement européen ! ». Elle indique s'être abstenue en expliquant : « Nous avons un brevet à effet unitaire mais nous n'avons pas de brevet communautaire à proprement parlé, ni ce titre européen que nous permettait le Traité de l'UE.  De fait, ce compromis ne règle pas toutes les préoccupations juridiques en renvoyant à un accord de droit international. »