MariaDB, le spécialiste des bases de données open source, poursuit son attaque contre Oracle, leader du marché, mais pointe également la puissance de plus en plus forte des fournisseurs de cloud. Le CEO Michael Howard est lui-même un ancien d’Oracle, puisqu’il a travaillé pour l’éditeur pendant quatre ans entre 1996 et 2000, avant de rejoindre MariaDB en décembre 2015. Dans un entretien avec nos confrères de Computerworld UK, celui-ci a revendiqué la place « de successeur naturel » à Oracle, et a évoqué la préparation d’une version autopilotable de la base de données MariaDB ainsi qu’un projet d’introduction en bourse inscrit au programme de l’entreprise en 2017. MariaDB a été créé par des développeurs de la base de données relationnelle MySQL, dont Michael « Monty » Widenius, lequel a quitté le navire après l’acquisition de MySQL par Oracle. MariaDB a toujours été développée avec l’idée de proposer un équivalent open source à MySQL.

Lors de l'événement OpenWorks qui a eu lieu hier à New York, Michael Howard a expliqué, chiffres à l’appui, que l’année 2018 avait été très riche en événements pour la technologie open source, rappelant l'acquisition de Red Hat et de sa distribution Linux open source pour l’entreprise par IBM pour 34 milliards de dollars et les récentes introductions en bourse de MongoDB et de Elastic. « Sur la seule année 2018, l’open source a généré 107 milliards de dollars de revenus », a-t-il estimé. « Nous sommes à un point de basculement. La technologie communautaire a imprimé sa marque à Wall Street. C'est aujourd’hui une force avec laquelle il faut compter. Des entreprises comme MariaDB vont devenir le support de grosses entreprises et vont développer des produits importants pour les marchés mondiaux ». Ajoutant : « Quand, il y a quelques années, je collectais des fonds pour MariaDB, les investisseurs étaient souvent réticents. Ils remettaient toujours en question la viabilité des modèles d'affaires open source. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. L'open source est bel et bien installé dans le paysage technologique ».

Des contreparties attendues chez les géants du cloud 

Michael Howard s’est également attaqué aux grands fournisseurs de cloud et à leurs solutions propriétaires qui « exploitent à ciel ouvert des technologies et des entreprises open source ». « Vous savez à qui je fais allusion », a-t-il déclaré. « Ils abusent de la licence et du privilège, sans donner grand-chose en retour à la collectivité, ils forcent certaines entreprises à avoir ce que j'appellerai des réponses maladroites et insuffisantes. Vous devez être fort et soutenir avec conviction votre modèle d'affaires open source ».

Michael Howard a également partagé son point de vue sur les grands fournisseurs de cloud avec nos confrères. « Oracle est l’exemple même du lock-in sur site et Amazon, l’exemple même du lock-in dans le cloud. On pourrait facilement intervertir leurs noms, et déclarer aujourd’hui qu’Amazon s'appelle Oracle Prime. De plus, ces deux entreprises sont devenues très agressives », a-t-il ajouté en riant. « Heureusement ou malheureusement, cette attitude joue en faveur de MariaDB parce qu’elle fait de nous le protecteur des consommateurs. Nous allons protéger la qualité de la marque et la qualité technique de notre produit, partout où il est utilisé ».

Rivalité avec Oracle

Los de l'événement OpenWorks précédent, Oracle avait déjà été la cible du CEO de MariaDB. L’an dernier, Michael Howard critiquait surtout le forcing d’Oracle pour pousser le plus grand nombre de clients à migrer vers Oracle Enterprise. Cela dit, le CEO a quand même été surpris d'apprendre que MariaDB avait déjà enregistré « cinq fois plus de migrations d'entreprises qu’Oracle » au cours des deux premiers mois de l’année par rapport à toute l’année 2018. « Il faut nuancer. Je ne suis pas sûr d'avoir été convaincu qu’il serait possible d’utiliser des applications Oracle sur MariaDB », a-t-il déclaré. « J'étais bien intentionné et je le pensais quand nous avons développé une couche de compatibilité Oracle dont la mise en production a été validée en mai dernier. Tout était bien réel, il n'y avait aucune exagération quant à la technologie. Mais je n’étais pas totalement convaincu que des gens allaient vraiment le faire. Je voulais qu’ils sachent que cette option existait, et quelques clients l'ont utilisé, mais j'ai pensé que la migration concernerait plutôt des compétences et qu'ils conserveraient les charges de travail sur Oracle tout en faisant de MariaDB leur base de données relationnelle courante ».

Aujourd’hui, Michael Howard parle de MariaDB comme d’un « successeur naturel » d'Oracle, incluant même une checklist (voir ci-dessous) de tout ce qu’il faut faire pour remplacer la base de données leader du marché. « Nous croyons que l’époque des licences propriétaires et des licences fermées est terminée », a-t-il déclaré. « Nous pensons qu’une base de données se doit d’être polyvalente et ne peut plus être une base de données de niche secondaire, comme les séries chronologiques - et je n’ai rien contre. Car une base de données à usage général ne peut pas piloter des applications partout dans le monde ». L’an dernier, MariaDB a également créé une division Labs spécialisée, dont l'objectif est de mettre en place une base de données autonome pour concurrencer Oracle, également très investi dans ce concept. « Avec l'apprentissage machine, le Labs prépare une base de données MariaDB capable de se piloter elle-même », a-t-il déclaré cette semaine. « C'est particulièrement important pour les charges de travail SLA nécessitant des mises à l’échelle extrêmes, critiques et rigoureuses ». En plus de ces capacités avancées et de cet engagement en faveur de l’open source, Michael Howard a également affirmé que le faible coût total de possession (TCO) de MariaDB et la mise à l’échelle de niveau industriel étaient importants pour s’imposer comme successeur naturel d'Oracle.

Introduction en bourse ?

Lors de la dernière levée de fonds, en novembre 2017, MariaDB a récolté 27 millions de dollars auprès d’investisseurs dont le plus important est Alibaba Group, mais aussi des participations d'Intel Capital, de California Technology Ventures, Tesi, SmartFin Capital, Open Ocean. Plus des fonds d’un capital-risqueur qui est aussi l'un de ses principaux clients : ServiceNow, le géant de la gestion des services IT dans le SaaS. Ce qui porte à 54 millions de dollars le financement total pour l'année. Le CEO de MariaDB a déclaré que « l’entreprise avait assez d'argent pour atteindre le point organique souhaité. Nous n'avons pas besoin d’autres financements, à moins d’engager des opérations inorganiques comme des fusions et acquisitions ». MariaDB se trouve également à une étape où les rumeurs d'introduction en bourse commencent à aller bon train, d'autant que d'autres fournisseurs de logiciels libres comme MongoDB et Elastic ont rencontré un succès certain ces dernières années lors de leur introduction en bourse. Michael Howard a reconnu qu’il était « en train d'examiner la question et qu’elle avait était ajoutée au plan triennal de l’entreprise en 2017, ce qui signifie que nous avons parcouru la moitié du chemin ».