« La transformation numérique, c'est fini » s'est exclamé Bernard Duverneuil, président du Cigref, en commençant la partie publique de l'Assemblée Générale de cette association de grandes entreprises et administrations françaises. Etonnant ? Non. Il a aussitôt justifié : « ceux qui ne l'ont pas déjà fait, c'est trop tard. » Même si les révolutions technologiques, organisationnelle ou sociales se succèdent, l'une chassant l'autre. Ceux qui n'ont pas pris le train auront de plus en plus de mal à le rattraper et à traiter tous les problèmes qui surviennent, comme la cybersécurité.

Mais cette succession de révolutions a un prix gênant : « une dépendance totale vis-à-vis du numérique ». Donc, vis-à-vis de fournisseurs qui, parfois -souvent-, abusent. Les DSI ont besoin de prévoir de manière fiable les coûts pour prendre les bonnes décisions. Une évolution des modèles économiques des éditeurs de logiciels n'est pas un casus belli : « nous acceptons de migrer du CapEx à l'OpEx, le modèle de la souscription, le passage du On Premise au Cloud... Mais il n'est pas acceptable que les clauses contractuelles ne soient pas sûres » a martelé le représentant des plus grands comptes français. Il n'est pas tolérable, pour lui, que les éditeurs établissent des métriques absurdes dans le seul but de mettre en défaut les entreprises. Il n'est pas acceptable que les éditeurs abusent d'audits de licences pour mener des négociations commerciales en position de force. Le Cigref appelle à un vrai dialogue avec SAP, Oracle, IBM, Microsoft... car son but est bien d'innover, de créer de la valeur... donc de pouvoir prévoir.

Les DSI doivent être responsables

Les DSI sont porteurs d'une responsabilité vis-à-vis de leur entreprise mais pas seulement. En déployant des solutions, ils sont responsables de la sécurité de cette solution et aussi des conséquences de la technologie. Ils sont responsables de la mise en place de garde-fous contre les abus et les faiblesses : usage des données, droit à la déconnexion... « Nous sommes dans la construction collective de la société numérique » a conclu Bernard Duverneuil.

Parmi les points problématiques, la baisse de la mixité est préoccupante dans les filières du numérique. Pascale Montrocher, DSI de Sodexo, est ainsi intervenue pour souligner que le taux de féminisation était en chute libre, aujourd'hui aux alentours de 10 %. Et c'est également vrai à l'étranger, y compris en Europe du Nord. « Promouvoir la mixité, ce n'est pas seulement une question d'égalité, c'est aussi une question de performance des entreprises » a-t-elle rappelé. Le Cigref s'est ainsi joint à une initiative pour suggérer au Gouvernement de faire de la féminisation du numérique une Grande Cause Nationale 2018 afin de bénéficier d'une couverture médiatique intense.

De l'audace, pas de la témérité

Constructeur de l'avenir, le DSI doit faire preuve d'audace s'il veut réussir. Mais cette audace ne peut pas se faire sans confiance. Confiance entre les métiers et la DSI, confiance avec les partenaires, confiance avec -en particulier- les start-up... La confiance est le socle de la transformation numérique. Sans elle, pas de révolution numérique possible et la France risque de s'enfoncer dans les classements.

Mais les entreprises sont inégales face à la révolution numérique. Les grandes entreprises sont plutôt en avance tandis que les PME sont en retard. Le secrétaire d'État Mounir Mahjoubi est intervenu pour relancer autour du thème de la responsabilité car les DSI de grandes entreprises ont la responsabilité de leur écosystème, sur lequel ils s'appuient. Ils doivent accompagner les entreprises plus petites dans leur transformation. Il ne s'agit pas de les pousser à sauter sur l'IoT et la blockchain mais bien de multiplier les petits pas aux bénéfices concrets et rapides. Cette responsabilité, c'est aussi vis-à-vis de tous les habitants du pays : personne ne doit subir le numérique. Ni les citoyens vis-à-vis de la e-administration, ni les salariés jamais formés vis-à-vis des nouveaux outils. 13 millions de Français. Responsabilité des DSI ? Oui, responsabilité des DSI.

« Dites-nous ce dont vous avez besoin... »

Pour mener tous les chantiers nécessaires, il manquerait bien des profils sur le marché. La réponse est bien sûr dans la féminisation, car il est impossible, en période de disette, de se priver de la moitié des ressources disponibles. Mais elle est aussi dans le recours à une plus grande diversité de candidats, sans se focaliser sur les seuls ingénieurs grandes écoles issus des beaux quartiers.

Alors Mounir Mahjoubi n'est pas venu les mains vides. Il a ainsi annoncé le lancement de la « French Tech Diversité ». Les entrepreneurs issus de familles peu aisées ne peuvent pas sur le « love money » pour vivre. La French Tech Diversité proposera donc des bourses pour la rémunération des associés dans les start-ups, les levées de fonds étant généralement réservées au développement de l'entreprise. Et puis, face à la pénurie de profils, Mounir Mahjoubi a demandé : « dites moi ce dont vous avez besoin. » Coluche aurait ajouté : « pour que l'on vous écrive comment vous en passer. » Mais le secrétaire d'État, lui, préfère : « nous formerons les profils que vous vous engagerez à embaucher. »